mardi 8 mars 2011

Le lion cassé par la jeunesse

Le Lion dans sa jeunesse abusant insolemment de sa force, et de l'ascendant qu'il avait sur les autres animaux, se fit plusieurs ennemis. Quand ils le virent usé et affaibli par les années, ils résolurent de concert de tirer vengeance de ses cruautés, et de lui rendre la pareille. Le Sanglier le meurtrissait avec ses défenses ; le Taureau l'attaquait avec ses cornes. Mais l'affront le plus sensible au Lion, était les coups de pied que l'Âne, le plus vil et le plus méprisable de ses ennemis, lui donnait en l'insultant.
Le lion cassé (Ésope, environ 650 ans avant J.C.)
Ce qu'il y a de spécial dans cette fable d'Ésope, c'est l'analogie avec les fins de régime de dictatures. Le plus étonnant, c'est que je l'ai trouvée comme si je suivais des indications précises. Je ne crois pas que c'est un phénomène paranormal, mais je ne peux m'empêcher de vous raconter la découverte telle qu'est s'est manifestée. Et je comprends que certains esprits peuvent parfois voir, dans de simples coïncidences, des éléments leur permettant de penser qu'ils sont guidés par la main de Dieu. Ce n'est évidemment pas mon cas.

Il y a quelques jours, j'ai reçu une publicité d'amazone.com sur des nouveautés du mois pour téléchargement sur iPad. Il y avait bien en vue un recueil de fables d'Ésope. J'ai voulu me rafraîchir la mémoire et j'ai fait une recherche. J'ai cliqué sur une fable au hasard. Une seule, sans même porter attention au titre. On dirait que le texte a été écrit pour imager la fin de dictateurs usés régants sur des régimes qui craquent de partout laissant la fureur populaire s'exprimer. Et pourtant, ce texte a été écrit environ 650 ans avant notre ère.

C'est par hasard que j'ai trouvé cette fable, mais elle m'inspire beaucoup de réflexions.
Tout finit par s'écrouler un jour, même les empires les plus puissants. Georges W.Bush avait déjà dit que l'empire américain serait encore là dans 1000 ans. La vie nous apprend vite pourtant jusqu'à quel point tout est éphémère.

Palais de Glace, carnaval de Québec 2011,
Les entreprises financières aussi peuvent s'écrouler comme des châteaux de cartes entraînant avec elles des victimes innocentes. Et le plus étonnant c'est de voir jusqu'à quel point les amis, les alliés que l'on croyait presque éternels peuvent parfois disparaître rapidement comme glace au soleil lorsque le contexte change brutalement.

La force de l'amitié, de ses relations sociales, des empires, tout semble obéir souvent aux mêmes règles. Il y a de bons sentiments, mais aussi beaucoup de liens motivés par des intérêts personnels dont la solidité peut faire défaut à la moindre occasion. Je crois qu'il existe toujours de vrais amis pour la vie. Mais on a parfois des surprises.

Le meilleur ami de mon enfance, j'ai perdu sa trace peu de temps avant mon mariage. Je suis ensuite suis allé m'établir à Sherbrooke. Lui, il était de Sorel, donc très loin. Quelques années après m'être installé dans une maison de la rue Conseil, j'ai découvert que cet ami, Gilles C, était gérant de crédit à la Caisse Desjardins située tout près de ma résidence. Il était venu s'établir à Sherbrooke à peu près en même temps que moi.

Il n'avait pas changé. Il était toujours positif, souriant, sociable, actif, imaginatif et bon vivant. Il avait beaucoup d'amis et ne fournissait pas à répondre aux invitations de professionnels avec qui il était régulièrement en contact. On l'appelait par son prénom, l'invitait à jouer au golf, etc.

Un jour il a laissé cet emploi pour devenir son propre patron dans une entreprise prospère. Il a eu tout un choc. Il m'a dit qu'il n'aurait jamais cru que tous ces amis auraient pu disparaître si vite. C'est comme s'ils se souvenaient à peine de son nom. Évidemment, il y a beaucoup d'intérêt à compter un gérant de crédit parmi ses amis. Mais, s'il ne l'est plus... il peut aller jouer au golf avec qui il veut.

Tout est fragile. Même la vie. Cet ami, encore pleins de projets est décédé subitement à Montréal, frappé par une auto alors qu'il était allé voir sa mère et lui faisait prendre une marche de santé.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour jackss
Comme toujours un billet très intéressant .
En ce qui concerne les ainés en résidence ... j`ai occupée le poste de directrice de résidences ... et cela pendant une dizaine d`années ! Ce qui prédominait dans ma façon de gérer ... était d`abord et avant tout le RESPECT ... C`est tout un monde la vie en résidence et c`est pas facile de concilier les différentes facettes de son travail ... Il y a les personnes autonomes ... celles en légère perte d`autonomie et bien sûr les cas de plus en plus lourds étant donné le manque de places au sein des Centres de Longue Durée ... Ce que je retiens de cette expérience ... toute ma façon de voir la vie a changée ... J`ai acquis une sagesse ... une tolérance et bien sûr un Amour pour toutes ces personnes qui m`ont précédées et qui ont bâtis notre société .
La vie en résidence est elle une solution et une réponse à nos besoins de la société ? ? ? Je ne sais pas vraiment mais j`estime qu `au delà du facteur financier ... il y a celui de l Être humain qui doit prédominer et j`ai eut la chance de travailler pour un patron humain et aussi d`avoir une équipe formidable pour m`appuyer pendant toutes ces années !
Toujours heureuse de te lire .
Amitié virtuelle .
Capucine .

Zoreilles a dit…

Encore un autre billet qui nous amène sur plusieurs pistes et qui nous fait réfléchir.

C'est la situation des personnes âgées qui m'interpelle le plus et sur laquelle j'aurais tant à dire... Peut-être parce que ma grand-mère est venue habiter avec nous quand j'étais petite et que ce fut une vraie bénédiction pour notre famille, même si c'était un grand sacrifice pour nos parents, nous l'avons compris plus tard. Peut-être parce qu'il y a dans ma vie deux personnes âgées dont je m'occupe beaucoup, par amour et parce que c'est utile, parce que je ne pourrais jamais me défiler. Ma mère, 79 ans, qui vit seule dans sa grande maison, et ma belle-mère, 89 ans, qui vit dans une résidence pour personnes âgées autonomes et semi-autonomes. Elle fait partie de cette deuxième catégorie et je dois collaborer souvent avec le personnel de cette résidence, je n'ai que des bons mots à leur endroit. J'en profite pour donner un coup de chapeau à toutes les Capucine qui y oeuvrent chaque jour!

Dans notre société, ça ne sert à rien de le nier, j'ai honte que ce soit comme ça mais effectivement, ce sont des lois, des mesures et des services sociaux qui doivent être mis en place pour contrer l'abus et la violence faite aux aînés. Abus et violences de toutes sortes.

J'ai eu à promouvoir dernièrement une initiative locale d'un petit milieu tissé serré, on appelle ça « une Table intersectorielle pour contre l'abus, la violence et la fraude envers les aînés et les personnes vulnérables ». Les partenaires signataires de l'entente se concertent, s'organisent et se soutiennent dans leurs actions. Ils deviennent ainsi des portes d'entrée, des ressources multiples et faciles à rejoindre pour ces victimes, trop nombreuses. Ils forment une équipe, ils collaborent pour mieux agir ensemble et mettre un frein à ces phénomènes des temps modernes : un Centre de santé et de services sociaux, la Sûreté du Québec, l'Aide juridique, un Centre d'aide aux victimes d'actes criminels, une étude de notaires, un Centre de prévention du suicide, le Curateur public, une institution financière très « populaire », un Centre de réadaptation, une pharmacie locale. Tous ces organismes et entreprises remarquent quotidiennement des situations douteuses avec lesquelles ils sont aux prises et doivent composer.

Je suis soulagée que de telles ressources existent et se mobilisent pour contrer les abus et la violence faite à ces personnes les plus vulnérables qui soient mais je n'en reviens pas que notre société en soit rendue là.

Jackss a dit…

Bonjour Capucine,

Comme c'est beau d'entendre ta considération pour cette clientèle dont tu parles avec tellement de chaleur. Tu en parles avec tellement de coeur qu'on ne peut remettre en doute ni ta sincérité, ni tes convictions, ni la réalité que tu as vécue.

Ça fait du bien d'entendre de tels propos. Et tous les ainés mériteraient d'être traités et aimés de la sorte. Pour faire ce genre de travail, il faut aimer ce qu'on fait et pour qui on le fait.

Ce point de vue, il fallait le donner. On parle toujours plus facilement de ce qui ne va pas que l'inverse. J'en sais quelque chose pour avoir travaillé toute ma vie dans la fonction publique. Tu fais bien de nous le rappeler.

Les préposées que j'ai côtoyées dans les résidences de personnes âgées, elles avaient presque toutes le même feu sacré, le même engagement. Le problème vient parfois cependant des moyens qu'on leur laisse et de ceux qu'on leur enlève.

J'ai connu, par exemple, un milieu où il y avait plus de 60 personnes avec une seule préposée pour la soirée et la nuit.

Jackss a dit…

Bonjour Zoreilles,

C'est toujours touchant et captivant de t'entendre parler de ta famille: ton père, ta mère, ta grand mère et les autres. Ce que tu leur donne est à la hauteur de ce qu'ils t'apportent. Voià la beauté de l'affaire.

De plus j'ai bien aimé ce que tu racontes parce que ça ressemble drôlement à la réalité du milieu où je vis présentement. Ce sont des milieux à taille humaine où on se côtoie et s'entr'aide. Ce sont des milieux tissés serrés comme tu dis.

Et justement, avant de venir ici, j'ai croisé une dame qui marchait doucement sur le bord de la mer, canne à la main. Elle m'a souri. Je sais qu'elle a plus de 90 ans et demeure avec sa fille qui l'aime et s'en occupe bien. Cette dame est encore très alerte.

Dans un texte que j'ai lu hier dans le Devoir, on disait que les aînés qui séjournent à l'hôpital suite à des problèmes physiques en ressortent avec des pertes cognitives dan le tiers des cas, si ma mémoire est bonne.

Un milieu à taille humaine, ça n'a pas de prix. Ici, la grande séduction rapporte des fruits. Nous ne manquons pas de médecins. Pour Havre-Saint-Pierre a avait évalué à 12 le nombre de médecins requis. Et c'est ce qu'on a.

Le factotum a dit…

"La personne âgée en perte d'autonomie n'a finalement pas plus de droit dans certaines démocraties que dans une dictature."

Au nom de qui ou de quoi, puis-je me permettre de décider à place d'une personne âgée qui m'est chère.

C'est vrai que dans la majorité des cas, ce sont les enfants ou les parents proches qui prendront à la fin la décision de "placer" la personne en perte d'autonomie ...

Et s'il y a perte d'autonomie, pourquoi ne pas en profiter pour régler nos comptes comme les coups de pied de l'âne envers le lion affaibli.

Malheureusement, nous le voyons de plus en plus souvent dans notre société dites civilisée.

Au Nord du Nord, les Elders sont de moins de moins consultés et respectés, mais je sais bien que ce sera la fin de cette magnifique communauté après le départ de ces grands hommes.

D'une grande tristesse ...

Jackss a dit…

Le Factoum,

C'est toujours intéressant de te lire, écouter tes réflexions. Tu fais référence aux coups de pieds de l'âne de la fable. Et tu as et tu as été bien gentil de ne pas me dire que j'avais fait du coq à l'âne dans mon billet.

C'est un peu ce que j'ai fait. J'en suis conscient. Mais il faut dire que cette fable d'Ésope se prêtait à plusieurs facettes liées au vieillissement.

L'aspect que tu touches est intéressant. On le ressent ici aussi. Dans les communautés autochtones, on ne porte pas toujours toute l'attention qu'il faut aux enfants. Mais, de façon générale, on porte grand respect aux aînés et la sagesse que leurs espériences leurs ont apporté au fil des ans.

C'est une des grandes faiblesses de nos sociétés actuelles. C'est fou tout ce qu'on perd comme expériences de vie. L'instant présent prend une grande place et on ne voit plus tellement d'intérêt au passé, à son enseignement, les leçons du passé. On cherche plus à innover, se renouveler. C'est bien. Mais parfois, on répète les mêmes erreurs. On réinvente la roue.

Je dois avouer qu'il y a aussi des avantages à vouloir se démarquer. On assiste à de véritables révolutions dans certains domaines. Il faut un mélange des deux je crois et c'est ce que permettent les cycles par lesquels on passe.

hpy a dit…

Les faibles, peu importe leur sexe ou leur age, ont beaucoup à craindre. Mais qui est fort aujourd'hui? Il y a toujours quelqu'un de plus fort quelque part...
Les plus forts sont pourtant ceux qui n'abusent pas des autres!

Jackss a dit…

hpy, on voit que tu en as vu d'autres:

Les plus forts sont pourtant ceux qui n'abusent pas des autres!

Tu as tout à fait raison. Derrière cette courte phrase se cachent beaucoup de vérités.

On le voit dans plusieurs domaines. En gestion, par exemple, un vrai boss compétent n'a souvent rien à prouver et se comporte de façon civilisée. Il y ce que l'on appelle des "petits boss" qui se prennent pour d'autres.

C'est drôle parce que cette explication je l'avais entendu un jour de mon curé à la messe du dimanche, il y a une vingtaine d'années. Il nous avait raconté dans son sermon que son frère avait accumulé beaucoup de frustrations contre un petit boss. Il travaillait dans une cours à bois. Et un jour, le frère du curé avait foncé sur le petit boss avait un charriot monte-charge qui servait à lever des grosses charges de bois. Il l'avait acculé à un mur en le coïnçant entre les deux pics du machin.

La morale de l'histoire du curé était étonnante. Il disait que son frère avait bien fait, que c'était la seule façon de mettre à sa place ce genre d'individus qui croient que tout leur est permis et abuse de son pouvoir. Il disait que son frère avait le droit de prendre les moyens de se faire respecter. Et qu'il n'avait pas à pardonner le petit boss pour ses excès.

Ce curé était plein de sagesse. J'aimais toujours l'entendre raconter ses histoires qui ne manquaient pas de me faire réfléchir. Et il avait un humour fin. Il disait que le pardon, c'était beau, mais qu'il fallait pas être nono. Je ne suis pas sûr que tous les curés pensent de la même façon, mais ça dit ce que ça a à dire.

Et l'exemple s'applique bien à la situation actuelle. Je suis contre la violence. Mais je crois qu'on n'a pas encore trouvé de façon efficace pour arrêter un dictateur fou.

Le factotum a dit…

Salut, Jackss

Je reçois bien tes commentaires, ceux de Zoreilles, ceux de Barbe Blanche et même Hala...
Si tu as besoin d'un commissionnaire, je suis disponible.
Pas de problème avec Talou ...

Anonyme a dit…

Fragile... que oui!

J'aime cette chanson de Vigneault et Luc de la Rochelière. Je la comprends, à ma manière, avec les expériences que j'ai, le récit que je m'en fais, les empreintes et les cicatrices laissées par elles.

Y a-t-il des gens qui ne ressentent pas la fragilité? J'ai cette impression que parfois il faut être placé au bord du précipice pour réaliser qu'on pourrait, qu'on peut tomber, y laisser sa peau. Puis, on tend à oublier. Si on n'arrivait pas à oublier un peu, ce serait peut-être aussi pire que de ne jamais le la ressentir, cette fragilité. On n'oserait plus faire un pas en avant, prendre une grande respiration.

Peut-être...

Zed ¦)