mercredi 27 mai 2009

Caché dans le clocher

La vie de Louis Joseph Papineau est fascinante. Déjà la photo donne une idée du personnage. Si l'on se fie à sa couette fièrement relevée, on dirait qu'il a inventé la coupe Tintin. Mais ce n'est pas ce qui l'a fait passer à l'histoire.

Signalons toutefois que c'est lui qui a inspiré l'expression Avoir la tête à Papineau.

Plusieurs éléments font que beaucoup de souvenirs émouvants me reviennent en tête en pensant à lui. La dernière fois que j'ai vu mon père, il m'avait fait visiter le château de Montebello et tout à côté le Manoir Papineau où avait résidé ce dernier. Le Château a été construit sur les terrains de l'ancienne seigneurie de Louis-Joseph Papineau. Un domaine superbe!

Manoir Papineau 1920 Cliquez pour détails
Cliquez sur la photo du ChâteauLe château de montebello est d'une beauté impressionnante. C'est la plus grande habitation en bois rond au monde. Là se sont réunis plus d'une fois les chefs d'état des nations les plus industrialisées. Deux présidents des États-Unis y ont séjourné: Ronald Reagan et Georges W.Bush. La construction du château a nécessité 10,000 billots en cèdre rouge qu'on a fait venir en train de Colombie Britannique.

Je ne peux penser à Louis-Joseph Papineau sans penser à mon père, non sans un certain pincement au coeur. Il portait fièrement ce jour-là un chapeau de cowboy. Il me faisait visiter les lieux comme s'il en était le propriétaire. Il me fit visiter la marina en mon montrant un grand voilier qu'il disait venir d'acquérir.

Il avait des talents d'acteur. Il riait, gesticulait, prenait des airs de grand seigneur. Il me montrai oû il avait fait asseoir le Président Ronald Reagan des État-Unis. Il était de fort bonne humeur. C'est la dernière fois que j'ai vu mon père en santé. La fois suivante, il était mourant. Il ne lui restait que 3 jours à vivre.


Louis-Joseph Papineau eut une carrière glorieuse au plan politique. Mais il a vécu dans des conditions beaucoup plus frugales dans les années de 1837 à 1845. Il faisait parti de la rébellion des patriotes de 1837. Certains de la famille de mes ancêtres furent faits prisonniers. Mais Louis Joseph Papineau eut plus de chance.

6 novembre 1837
La maison de Louis-Joseph Papineau, député de Montéal est attaquée par les Anglais.

23 novembre 1837

Combat à Saint-Denis. Victoire des patriotes devant les troupes anglaises. Mais elle fut éphémère. Louis-Joseph Papineau a dû fuir vers Saint-Hyacinthe. Il fut protégé par les prêtres du Séminaire où j'ai eu l'honneur d'étudier. Sa tête avait été mise à prix pour une somme de 4000$. On l'a caché dans le dôme du Séminaire, plus précisément dans le clocher que vous voyez sur la photo ci-contre.

Malheureusement cette partie historique du séminaire a été rasée par les flammes pendant que j'étais dans la salle d'étude avec environ 800 autres étudiants. On voyait la fumée sortir par les fenêtres adjacantes. On nous avait demandé d'attendre le signal pour sortir. Lorsqu'on nous a autorisés à sortir en rang, deux par deux, il était temps. Les flammes venaient de jaillir subitement comme soufflées par le vent. Mais tout se déroula dans le calme. L'attitude paisible des surveillant avait un effet bénéfique. Nous pensions au congé qui devait venir. Quelques collègues ont même dit aux pompiers que nous avons croisés: Laissez faire le feu. On va venir l'éteindre demain.
J'ai pris les photos le lendemain. Nous avons été quitte pour un congé d'un mois. Toutes les notes d'examen ont été brûlées avec le séminaire. Le seul échec de mon cours, je venais de l'avoir, en mathématiques. Tout a passé au feu, mes résultats aussi. À tout malheur, bonheur est bon. Je n'ai jamais plus entendu parler de cet échec.

Professeur de chimie (voir commentaires)
Le hasard fait bien les choses. À moins que ce soit le Bon Dieu. Après mon échec de mathématiques, j'étais un peu découragé à l'idée de la reprise devant avoir lieu durant mes vacances d'été. Il fallait que je travaille, moi, l'été.

J'avais prié de toutes mes forces pour que Dieu me vienne en aide. Depuis que le feu a pris au Collège, je n'ai jamais cessé de croire en lui, en sa toute puissance.

La vie qui fuit


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C'est vrai qu'on s'est cru éternel
C'est vrai qu'on rêvait d'aller plus loin
Et puis tout à coup, plus rien!
Extrait de la pièce musicale "On a fait que du vent" (Jipé Dalpé)
Je m'excuse pour la mauvaise qualité du son si votre système n'est pas récent.

Lorsque j'étais étudiant, j'étais président de classe. Notre dernière année: 64-65. Et tout à fait par hasard, ces deux chiffres correspondent à notre âge actuel. Quand on passe tant d'années ensembles que nous l'avons fait, on imagine mal qu'on va se séparer pour toujours, pour la plupart.

Après notre party de finissant, nous avions juré de nous revoir l'année suivante. Je ne pouvais concevoir qu'après toutes ces années, c'était fini de nous. Mais il ne se passa plus rien. C'est souvent comme ça la vie. Dans un party de famille, à des funérailles par wxemple, on se promet toujours de se revoir. On S'échange ses coordonnées, mais il n'y a pas de suite.

L'année dernière, un de mes anciens collègues de classe m'a retracé sur le site web classmates. Il n'en fallait pas plus pour qu'il me rapelle à l'ordre. Nous ne nous sommes jamais revus tous ensembles depuis la fin de nos études.

Mon honneur était en jeu. On a bien pris soin de me rappeler que j'avais été nommé à vie. Et dire qu'il y a des présidents ou des premiers ministres qui serait prêt à tout pour obtenir ce privilège. Me croirez-vous si je vous dis qu'il y en a même qui ravagent les forêts, détournent des rivières pour passer à l'histoire. J'ai donc décidé de ne pas me défiler.

J'ai bientôt eu de l'aide pour les recherches. Un vrai travail de moines. Le gros du travail a été fait avec des moteurs de recherche très simples. Une de mes collègues a été particulièrement habile pour étudier les photos sur différents sites en les comparant avec les photos de notre journal de finissant. Pouvez-vous imaginer le niveau de difficulté.

C'est fou tout de ce que nous avons découvert. Certains confrères ont eu des positions très enviables. Mais peu importe le chemin parcouru, le niveau de visibilité ou de notoriété, chacun est captivant. Nous avons aussi comparé le choix de carrière avec ce que les hasards de la vie ont provoqué comme changements.

Il nous semble tous que nous venons de terminer nos études. Les souvenirs sont tellement présents. C'est halluciant. On réussit à peine à croire que tant de temps a pu passer. Un choc! Mais savez-vous d'où est venu le pire choc? Déjà, le tiers de la classe se trouve dans la catégorie des disparus.

Il faut réaliser que nous avons l'impression que nous étions ensemble il y a peu de temps. J'ai regardé souvent le journal des finissants. Pour moi, les seuls souvenirs que j'ai des mes ex-confrères s'arrêtent pour la plupart à une période où nous avions 21 ans ou presque.

Imaginez, plusieurs d'entre nous ne se sont jamais plus revus depuis...

samedi 2 mai 2009

Natashquan: John Débardeur

Vue du pont de bois, à l'entrée de Natashquan
On voit se profiler à droite les cabanes dont je vous ai parlé dans le billet précédent, là où l'on traitait la morue et les peaux de phoques.
Cliquez

De Tadoussac à Natashquan, on rencontre 77 rivières tout en longeant le fleuve. Avant de s'avancer au coeur de Natashquan, on n'a pas le choix, il faut passer sur le pont de bois. Mais juste avant de s'engager sur ce monument vieillissant,on ne peut manquer deux édifices: le magasin général Ovila Landry, à droite face à la station service et de l'autre côté de la rue un restaurant invitant: Joe Débardeur. La bonne vieille pizza fut au menu.



Laure ne pouvait résister à la tentation d'une petite visite. Tous ces commerces sont importants dans nos vieux villages d'antan. Ces villages comprenaient tous en effet une église, un magasin général, un bureau de poste et, très souvent, une caisse populaire. Le magasin général éveillait aussi un peu de nostalgie pour Laure parce que son père tenait celui de son village natal à Ste-Clotile de Châteauguay.

C'était comme une oeuvre charitable que de tenir un tel commerce. En hiver, on devait souvent marquer le montant dans un petit carnet en espérant être payé à la venue des beaux jours. Dans ces temps anciens, c'était normal de s'entr'aider, de se priver pour ses voisins. Et il n'y avait pas de tricherie parce qu'on se connaissait bien.

Le magasin général, il est encore resté dans la famille Landry. Juste de l'autre côté de la rue, il y a le restaurant John Débardeur. Le vrai nom du monsieur était John Landry, débardeur dans sa jeunesse et cousin de Gilles Vigneault. C'est ce dernier qui avait tenu le magasin général auparavant. Il avait été maire du village et Gilles Vigneault allait le visiter à chaque passage à Natashquan. Ce monsieur Landry s'impliquait dans tout. II a été agent de transport des compagnies Clarke Steamship, Les Ailes du Nord, Québecair et Air Rimouski. C'était comme l'âme de Natashquan et son décès avait causé toute une commotion. Il avait pourtant 87 ans.

Gilles Vigneault l'a immortalisé dans sa chanson John Débardeur:
John Débardeur charge et décharge
Les caboteurs, les cargos et les barges
toujours à terre, jamais au large
Ça c'est l'affaire de John Débardeur

Noir de charbon, gris d'ciment, blanc d'farine
Portait toujours couleur de cargaisons
Les filles trouvaient qu'il avait triste mine
Lui parlaient pas, lui faisaient pas d'façons
Et cependant qu'on causait d'beaux voyages
Dans l'fond des cales à crier dans l'tapage

John Débardeur charge et décharge
Les caboteurs, les cargos et les barges
toujours à terre, jamais au large
Ça c'est l'affaire de John Débardeur

J'me suis laissé raconter dans les brumes
Qu"il n'attendait que l'moment d's'embarquer
Puis un beau soir, John a changé d'coscume
Beau comme un Prince est arrivé su'l'quai
Les fill's l'ont vu monter par la passerelle
Mais l'débardeur n'avait plus d'oeil pour elles

John Débardeur verra dans l'large
Passer les caboteurs, les cargos et les barges
I'sait leurs noms, I'sait leur carges
Ça c'est l'affaire de John Débardeur


Deux mois plus tard était fait son voyage
Et la belle femme qu"il ram'nait avec lui
L'avait laissé pour un gars d'l'équipage
Qui s'est noyé - un accident - la nuit...
Et comme avant sur les quais, dans les cales
Avec ses chiens p'is ses vieilles culottes sales...


À l'entrée du restaurant une pleine page de journal relatant sa vie est affichée bien en vue. J'aurais dû prendre des notes. J'ai oublié certains détails. À mon âge, la mémoire n'est souvent plus ce qu'elle était.

Mais je me souviens que Laure était radieuse. C'était le 25 avril. La neigne hésitait à partir. Pendant ce temps, à Montréal, les terrasses étaient remplies. Certains défiaient avril, torse nu. Pas à Natashquan.

Par la fenêtre, on pouvait voir l'école où Vigneault avait grandi. C'est la patronne du restaurant qui nous a indiqué ce détail charmant. C'est maintenant un musé à la mémoire des chansons de Vigneault. Ce n'est pas encore ouvert. Je reviendrai, c'est sûr.


De l'autre côté du pont, près de la maison de Gilles Vigneautl, nous n'avons pu résister au charme de celle-ci.