vendredi 24 septembre 2010

Fermont: le mur

Fermont, septembre 2010
Cliquer pour apprécier

Fermont n'a rien à voir avec tout ce que j'avais pu imaginer. Rien. Pour moi, il s'agissait d'un coin perdu, un des derniers retranchements urbains avant le Grand Nord. C'était une ville isolée, sortie de nulle part, le temps d'extraire le minerai de fer qui s'y trouvait. Puis, comme Gagnon, on pouvait tout fermer du jour au lendemain lorsque la rentabilité de la mine ne serait plus assurée.

À partir du printemps 1960, la ville de Gagnon se développe à un rythme vertigineux : des dizaines d’immeubles y sont érigés chaque mois. On construit les églises, les écoles, l’aéroport, l’hôtel de ville, la centrale de la rivière Hart Jaune, l’aréna, l’hôpital de la ville, un vaste centre commercial Brodeur. À la fin de 1960, on dénombre quelque 1300 habitants. De nos jours, il ne reste que des vestiges de la ville de Gagnon, soit deux silos d’entreposage du minerai de fer (...) C'est triste une ville qui meurt, un passé, des amis qui se volatilisent.

J'avais entendu parler du mur de Fermont qui représentait presque une ville en soi. Je le voyais massif, sans âme. Une ville dans un mur? Ben voyons donc! Tu parles d'une idée! Tout ça, c'était dans ma tête.

J'étais loin de la réalité. Très loin. D'un coup, au premier regard j'ai perdu tous mes préjugés. J'ai vu comment un développement bien pensé par de grands promoteurs pouvait créer, de toutes pièces, un milieu avec une qualité de vie des plus enviables. J'ai vite réalisé que, même si une grosse compagnie voulait faire de l'argent, elle pouvait le faire en mettant l'humain et la nature au coeur de ses préoccupations. Loin de s'opposer, ces deux dimensions peuvent s'alimenter l'une l'autre. J'ose l'avouer: je ne voyais pas d'un très bon oeil le Plan Nord tel que présenté par le gouvernement Charest.

Le Plan Nord avec la promotion de son potentiel minier a bénéficié d'une campagne médiatique dont j'ose à peine imaginer le coût. Et ce fameux vidéo avait eu l'effet contraire: me rendre suspect un projet qui semblait relever de la mégalomanie et de l'opportunisme politique.

Je crois que la meilleure façon de faire la promotion de ce type de développements serait de favoriser le tourisme, la visite des lieux, des aménagements, des installations minières et de leurs retombées. Moi, j'ai été conquis instantanément. Mais pour s'y rendre, il faut une route pavée, une route où on ne met pas sa vie en danger. Cette promotion permettrait aussi de donner le goût d'attirer des travailleurs. Urgent besoin de main-d'oeuvre (La Presse, 25 septembre).

Tabarnouche, il faut s'exprimer, demander. On veut une route! On veut une route! On veut une route! So so so solidarité!


Bon! On se calme et on regarde le beau côté des choses:
Lise Pelletier,
mairesse de Fermont

J'ai eu le sentiment que le succès était dû à la collaboration exceptionnelle entre les dirigeants de la mine, le milieu et ses représentants. De quoi faire rêver n'importe quelle municipalité du Québec en quête d'expansion. Cette construction multifonctionnelle de Fermont est un concept architectural unique en Amérique du Nord.

La petite ville de 2800 habitants vit de bien meilleurs moments qu'au début des années 2000. À l'époque, la compagnie Québec Cartier (aujourd'hui dans les mains d'ArcelorMittal) était en difficulté et les travaux d'infrastructure de la ville étaient en suspens.

Aujourd'hui, c'est l'effervescence, soutient la mairesse. L'arrivée de CLM et les perspectives encourageantes chez Arcelor stimulent la communauté. Le centre local de développement a investi comme jamais l'an dernier (un demi-million de dollars), signe que des projets économiques sont en marche.

La ville veut en profiter pour régler son problème de logement et bâtir de nouveaux secteurs résidentiels, y compris des logements sociaux et des appartements pour les retraités. «Dans les six ou huit prochains mois, c'est l'avenir de Fermont qui se joue», affirme Lise Pelletier.
(Le nouvel essor d'une région de fer, La Presse, 25 septembre 2010).

Ralph Erskine
Par ailleurs, il existe 3 autres édifices du même type dans le monde: 2 en Suède et 1 en Russie.

Le mur-écran de Fermont a été pour moi un objet de fierté, comme québécois. Il a été conçu par les architectes québécois Maurice Desnoyers et Norbert Schoenauer (né en Roumanie), qui ont étudié le concept de bâtiments semblables construits en Suède selon les plans de Ralf Erskinen.

Il est intéressant de constater que le mur de Fermont pousse encore plus loin son originalité: le mur est continu et ne se limite pas à des habitations résidentielles: contrairement à la construction pare-brise Erskine , discontinue dans la forme et à usage résidentiel seulement , le renforcement des pare-brise Fermont est continue et a un caractère pluri - utilisation embrassant résidentiels , des installations commerciales , récréatives, éducatives et institutionnelles. (Voir lien précédent)

Svappavaara, mur écran en Suède par Ralf Erskinen


Le mur, c’est plus qu’un centre-ville, c’est pratiquement une ville intérieure, conçue avec l’intention d’atténuer les effets du climat rigoureux des régions subarctiques. Durant les grands froids, l'extérieur du côté nord du mur peut frôler les -40 degrés alors que le côté sud peut se situer aux environ de -20. Le bâtiment a une forme de flèche pointée vers le Nord-Nord-Ouest.

On peut aller presque n'importe où sans sortir. C'est comme un grand bloc appartements de 1,3 kilomètres de long par 50 mètres de haut, 20 par endroit. Les entrées oranges indiquent les endroits où il y a des ascenseurs. Il y a plein de petits trucs du genre qui font apprécier la qualité du concept.

Fermont, septembre 2010
On y trouve environ 500 résidences (330 logements et 158 chambres pour célibataires). Le logement à Fermont est principalement l’affaire des grands employeurs. Entre autres, ArcelorMittal, Consolidated Thompson, le Centre de santé et des services sociaux (CSSS) de l’Hématite, la Commission scolaire du Fer ainsi que quelques autres petites entreprises offrent le logement à la majorité de leurs employées.

Le mur renferme le Centre de la Petite Enfance le Mur-Mûr, l’école secondaire Horizon-Blanc, une bibliothèque publique, l'Hôtel Fermont, des installations sportives (piscine intérieure, salle de quille, patinoire, etc), un centre de santé et de services sociaux, un épicerie, des musés (musé des mines, de la phtoto), des installations pour le journal local, la télé communautaire, un salon de coiffure, de massage, restaurants, nettoyeurs, salle de lavage, sans oublier un bar pour le désennui. Tout est là. J'ai vu que le bar était équipé de lumières bleutées, mais je n'ai pas osé aller voir si tout était conforme et justifiable à l'intérieur. J'imagine que oui.

Je me suis même laissé dire qu'il y avait eu une magnifique salle de spectacle et de cinéma où l'on présentait des films spécialement pour les monsieurs. Avec l'arrivée d'internet et des films vidéo la salle de cinéma avait moins d'utilité. Une partie de la salle de spectacle a été convertie en poste de police, le reste en cafétéria. Dommage pour la culture! Tant mieux pour la police.



C'est génial. Dans les centres urbains conventionnels, les équipements sont souvent consacrés à une institution, un CÉGEP, par exemple. Dans le mur, tout peut servir à tous: bibliothèque, équipements culturels et sportifs, par exemple.


Tout le monde se croisent, se saluent, échangent. En un rien de temps, nous avons été accostés par des citoyens des plus divers. Le premier à nous avoir accostés, ce fut un employé de la mine presque rendu à l'âge de la retraite. Il nous a parlé avec passion de sa carrière dans les mines. On ne manque pas de moyens pour la grande séduction. Tant de services pour une municipalité qui ne compte que 2800 habitants, voilà tout un tour de force! Un exemple à imiter! De la matière à réflexions.
Voir Fermont, ville moderne!

On voit le mur d'où on arrive nécessairement, sur la route venant du Labrador. On peut remarquer aussi que le site a été bien pensé. Le lac Daviault, en forme de J, protège la ville des feux de forêts éventuels.

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Mais Fermont, c'est bien plus qu'un mur. J'ai bien d'autres découvertes à vous faire partager. Notre ami Gaétan semble éprouver beaucoup de nostalgie en pensant à ses années à Fermont. Et je le comprends! Et que dire de Nanou dont le père y a travaillé comme ingénieur. (Voir commentaires sur message précédent).

J'y retournerai, c'est sûr, en voiture, par la route 389; je ferai le trajet à partir de Baie-Comeau (565 kilomètres) aussitôt qu'elle sera pavée. Tant qu'à y être, un aire de repos, avec services, dans un décor facile à choisir à mi chemin, serait une bonne idée! Développer le Nord pour ses ressources, c'est bien. Le faire par amour du milieu et de son décor, c'est encore mieux. Ce coin de pays a tout ce qu'il faut pour attirer des amoureux de la nature et des grands espaces. Il ne reste qu'à créer les conditions favorables.


À suivre...

8 commentaires:

Delphinium a dit…

Bonjour cher ami, cela fait déjà un certain temps que je n'ai pas passé vous voir mais je reviens bien sûr avec plaisir. J'ai été enchantée de la lecture de ce post et de la découverte de ce mur. Je trouve l'idée absolument géniale, que magnifique concept! et ce que j'ai surtout adoré, c'est la piscine intérieure. Comme quoi, il y a la possibilité de construire des logements adéquats en faisant en sorte que l'être humain s'y sente bien. Je reviendrai vous rendre visite. Mille bises en espérant que tout se passe bien pour vous.

Éléonore a dit…

Très intéressant ce texte et ces photos, je ne m'étais jamais arrêttée à lire sur fermont et pourtant ça m'intriguait ce mur.
Moi non plus je ne l'imaginais pas ainsi, je le voyais sans fenêtre ou balcon.
Merci pour m'avoir montrer tout cela.

Jackss a dit…

C'est toujours un plaisir de te revoir, Delphinium

Ce n'est pas le nombre de messages qui compte, mais la qualité des échanges. Et je dois admettre que tu es de celle dont le souvenir ne s'efface pas quand je passe dans cet univers improvisé qui est le mien.

Tu as vu juste: les équipements sportifs sont attirants. Et ce qu'il y a de génial, c'est qu'on peut les voir à travers des hublots en se promenant dans les couloirs du mur. C'est à fait comme une invitation et une décoration.

Jackss a dit…

Bonjour Éléonore, fille du Nord

C'est la première fois que je réalise jusqu'à quel point ton nom est approprié. On croirait lire Ailée au Nord.

J'ai trouvé très appropriée ton observation sur les balcons. C'est un détail qui n'avait pas attiré mon attention. Mais il est très significatif. Et tu l'as vu.

Il y a tant à dire sur Fermont. Il y a tant de choses significatives, de quoi réfléchir. J'ai déjà rédigé trois billets. Je ne sais pas si je vais tous les mettre en ligne, mais je me suis fait plaisir en les rédigeant.

Zoreilles a dit…

Ah c'est magnifique. Après avoir entendu l'autre jour un de mes amis me parler de sa vie à Fermont (il y a vécu 10 ans) et après le court reportage qu'en avait fait mon gendre, Dominic, qui montrait bien « le mur », voilà que je découvre dans ce billet plusieurs détails et faits que j'ignorais et la qualité de vie à Fermont.

C'est pas mêlant, si j'étais jeune et libre, sans obligation ni responsabilité qui me lient ici, j'irais y vivre, tenter ma chance, approfondir cette aventure nordique dans cette ville qui m'a toujours attirée. Fermont est née à peu près dans les mêmes années que Matagami, la petite ville minière où j'ai grandi, où j'ai connu les plus belles années de mon enfance où tout était possible.

Merci pour cette visite, je poursuis ma lecture sur ton billet suivant.

Jackss a dit…

Zoreilles,
Il n’est jamais trop tard pour remonter dans le temps. Imagine, je viens tout juste de voir ton commentaire.
Il m’a réjoui. Nous sommes semblables. Moi aussi j’aurais adoré vivre à Fermont. Je n’aurais manqué de rien tout en vivant simplement.
Mais, un seul inconvénient m’aurait empêché de réaliser ce rêve: la famille. C’est sûr que la famille demeure toujours ce que nous avons de plus précieux.
Nous avions fait connaissance d’un travailleur de Fermont, bien avant de vivre sur la Côte-Nord. Nous avions rencontré ce travailleur par hasard à TVA à Montréal. Le monsieur était cuisiner à Fermont. Il était emballé de son genre de vie qui nous semblait tellement surréaliste. Il travaillait 14 jours à Fermont et revenait périodiquement à son domicile de Montréal. Il avait le meilleur des deux mondes.

Jackss a dit…

J’ai appris avec plair qu’un série sera accessible sur Illiico, en partie tournée à Fermont: « La faille ».
J’ai bien hâte de voir ça. Je vais y revenir, bien sûr.

Anonyme a dit…

Merci pour votre texte, c'est magnifique