samedi 17 septembre 2011

L'amour, la vie, la mort

Photo La Presse

La mort, ça fait partie de la vie. L'amour la fait naître. La mort en est le point culminant. C'est le moment où l'on prend le plus conscience de la force de l'amour qui nous unit à quelqu'un. On regrette souvent de ne pas en avoir pris suffisamment la mesure avant. La mort de Jack Layton m'a donné une nouvelle occasion de me le rappeler. Tous les superlatifs entendus frôlaient presque la démesure, même si l'homme les méritait bien. C'est comme si l'on voulait rattraper le temps perdu.

On dit souvent que la mort est l'occasion de réaliser tout ce qu'on aurait aimé dire ou faire pour quelqu'un qu'on aime
Dans le cas de l'artiste de renommée internationale Alain Lefevre, il est évident que ce n'est pas le cas. Presque chaque phrase prononcée (dans une entrevue récente) était l'occasion de dire son amour pour sa compagne Jojo. Et il a cité Christopher Reeves, le héro qui incarnait Superman au cinéma.

On a le droit de partir avec celle qu'on aime (Christopher Reeves)

Cette citation reprise par Alain Lefevre dans l'émission On prend toujours un train pour la vie a quelque chose de troublant.

Il disait le plus sérieusement du monde qu'il n'envisageait pas d'autres solutions que de mourir en même temps que l'être qu'il aimait si elle venait à mourir.

Quand on a demandé à Alain Lefevre s'il avait trouvé pénible la mort de ses parents, il a répondu bien candidement: Mais non. J'avais Jojo.

Si vous avez manqué l'émission, vous pouvez la voir sur le lien suivant: http://www.tou.tv/on-prend-toujours-un-train-pour-la-vie/s2011e14 Pour ce faire vous devrez subir 2 commerciaux et écouter l'entrevue avec Louise Deschatelais. Sinon, vous pouvez au moins voir au début un cours extrait des deux entrevues. Son cas est unique. Il ne pourra jamais se reprocher de ne pas lui avoir assez dit Je t'aime.

On dit souvent que la mort est l'occasion de réaliser tout ce qu'on aurait aimé dire ou faire pour quelqu'un qu'on aime
Mais il existe un phénomène fort étrange: un être dont la mort est imminente trouve parfois des forces surprenantes pour attendre longtemps quelqu'un avec qui il y a des choses non réglées. c'est comme s'il s'accrochait à la vie pour avoir l'occasion d'entendre ce qu'il n'avait pas pu entendre ou dire ce qu'il n'avait pas pu dire avant. J'ai pu le vivre à la mort de mon père.

Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mon père. Le jour de mon mariage, il était présent. Mais c'est presque un hasard. Il avait été tellement d'années sans donner de nouvelles. À la fin de mes études collégiales, j'étais particulièrement anxieux de savoir s'il était toujours vivant ou dans des conditions de vie pénibles.

Après mon mariage, je le voyais rarement. Il demeurait très loin, à Thurso. C'est là que je suis allé le voir rapidement en ayant appris qu'il était atteint d'un cancer incurable. La dame qui l'hébergeait m'avait dit au téléphone qu'il serait très heureux de me voir et qu'il n'allait vraiment pas bien.

Mon père qui d'habitude avait toujours un beau teint, était pâle et visiblement affaibli. Mais je le regardais en ne cessant de me dire que je le trouvais beau et digne. À ma vue, son visage s'est épanoui. Il s'est assis dans son lit. Il s'est allumé une cigarette, en s'excusant de le faire. C'est un cancer du poumon qui l'avais terrassé.

En peu de temps, il est entré dans le vif du sujet: sa situation, son moral. Puis il a fait tout le bilan de sa vie. Il a parlé de ma mère disant qu'il n'avait jamais aimé quelqu'un autant qu'elle. On aurait dit qu'il voulait que je lui laisse le message. Il a parlé de ses frères, ses soeurs, ses parents, en donnant des détails. Il a parlé de ses joies, ses regrêts, ses rendez-vous manqués. Avec un calme et une sérénité étonnante il m'a dit: Je n'ai pas de problème. Mes valises sont prêtes pour le ciel. J'ai manqué ma vie, mais je ne veux pas manquer ma mort...

Cette rencontre fut très émouvante et très riche en contenu et en émotions. Mon père était calme et serein, malgré tout.

Je suis parti sur la fin de l'après-midi en lui promettant de revenir très bientôt. J'ai tenu parole. Je suis revenu la semaine suivante. Mais mon père était dans un autre monde. La dame qui l'hébergeait m'a dit: C'est drôle, c'est comme s'il vous attendait avant de partir. Il a perdu connaissance très peu de temps après votre départ. Il a été conduit en ambulance et n'a jamais repris connaissance. Il est décédé deux jours plus tard, à l'âge de 61 ans.

Cet été, j'ai reçu des amis de Sherbrooke. La dame du couple était infirmière et nous parlait de son travail qui l'avait amenée à assister des mourrants. Je lui ai demandé si elle avait eu parfois l'impression que certains avaient l'air de survivre presque miraculeusement en attendant de voir quelqu'un avec qui il y avait des choses à régler pour partir en paix. Elle me l'a confirmé avec grande conviction, ajoutant qu'on se demandait parfois où ils pouvaient trouver le moyen de survivre si longtemps avec si peu de ressources. J'en ai été ému.

Je n'aurais jamais cru que le départ de mon père aurait pu m'affecter autant. Ce fut encore plus vrai pour ma mère. À la fin de sa vie, elle avait un verdict d'Alzheimer. Elle le savait et en était très affectée. Elle n'avait plus rien de drôle à vivre. Nous aurions pu voir son départ précipité comme une sorte de délivrance.

Je la voyais tous les jours. Et pourtant après son départ, il y avait tellement de choses que j'aurais aimé avoir pu lui dire.

samedi 3 septembre 2011

Les années ont passé...



C'est fou le nombre de hasards qui ont fait que Laure et moi nous ayons eu la chance de nous rencontrer. Rien ne nous prédestinait à nous retrouver sur la même route.

L'année précédent ma rencontre avec Laure, je croyais que le ciel venait de me tomber sur la tête. Et pourtant, sans cet incident de malheur, je n'aurais jamais rencontré Laure. On se rend souvent compte après coup de l'importance de tel ou tel évènement. Et on dirait que rien n'arrive pour rien.

Ma rencontre avec Laure fut comme une bénédiction du ciel. D'ailleurs, mon père qui adorait Laure disait souvent d'elle qu'elle ressemblait à la sainte Vierge. Aujourd'hui ce genre de comparaison n'a peut-être plus la mêre résonnance, mais à l'époque c'était le compliment suprême. Les choses ont changé...

Lorsque nous nous sommes rencontés, Laure et moi, l'effet fut instantané. Neuf mois après notre première rencontre, nous étions dans l'église pour dire oui à la vie. Nous nous sommes mariés le 4 septembre 1967. Ce sera donc demain notre 44è anniversaire de mariage. Et je dois avouer que la pensée de toutes les années que nous avons partagées m'émeut encore.

Comme je l'ai dit des circonstances fort pénibles m'ont fait dévier de la route que j'avais voulu suivre l'année précédente. Mais si c'était à refaire, j'accepterais volontiers les mêmes détours, même éprouvants, pour me retrouver sur le chemin qui m'a fait connaître Laure.

Il a fallu beaucoup de hasards pour nous retrouver ensembles au même moment au même endroit. Mais ce qui m'impressionne aussi, c'est tout ce qui n'existerait pas si nous ne nous étions pas rencontrés. C'est évidemment le cas de tous les couples, toutes les liaisons. Il suffit d'un petit rien du tout pour changer le cours des événements mettant en cause une foule étonnantes de personnes.

Rien ne me destinait à croiser Laure. Nous demeurions à 150 kilomètres l'un de l'autre. Curieusement, 300 ans avant de rencontrer Laure, nos ancêtres venus de France étaient voisins. Le hasard a voulu que mon ancêtre JeanDalpé dit Parisot et l'ancêtre de Laure, Pierre Désautels soient arrivés en Nouvelle-France, en Amérique du Nord, à la même période. Celui de Laure en1653 et le mien en 1665. Ils étaient tous deux soldats du régiment de Carignan. Et ils étaient beaux-frères, voisins l'un de l'autre.

La vie est remplie de mystères... et elle passe vite. J'ai des photos récentes qui prouvent hors de tout doute que les années ont passé. Sur la photo qui précède, seuls Laure et moi sommes encore de ce monde. J'y pense souvent. Et j'aimerais dire Je t'aime à des êtres chers qui ne sont plus l`a pour m'entendre. Pour terminer dans le bon ton, celui du hasard. En voici un qui ne change rien, mais qui est tout de même amusant:

Nous sommes nés en 1944. Nous sommes mariés depuis 44 ans. Nous nous sommes mariés en 1967 et nous avons 67 ans...
Et nous comptons bien nous rendre jusqu'à notre 67è anniversaire de mariage.