samedi 18 février 2012

Absence

Ce que tu fuis, te suit
ce que tu fais face s'efface...


Suite du billet précédent... (Présence)
Je ne sais pas si c'est le décès de ma soeur Nicole à l'âge de 11 ans qui m'avait tant marqué. Mais il fut un temps où je ne voulais pas aller dans un salon funéraire. J'avais connu aussi deux amis plus jeunes que la vie avait ravis trop tôt. Leurs morts ne m'avaient pas vraiment traumatisé. Leur exposition, si.

 J'avais dit à Laure à plusieurs reprises que les salons funéraires étaient tout simplement des institutions barbares et inhumaines. J'avais l'intention de les boycotter. Il me semblait que c'était un sacrilège de garder comme dernier souvenir l'image dérangeante d'un corps inanimé, les traits artificiellement tirés. Non, je ne voulais pas jouer le jeu. Je ne voulais surtout pas voir les photos qu'on prenait dans de telles occasions. J'avais en tête certaines photos de ma soeur Nicole décédée. J'aurais préféré ne jamais les avoir vus. Je n'ai jamais voulu voir celles de ma mère prises avant qu'on la mette en terre.

 Un événement allait toutefois transformer mon attitude pour toujours. On peut parfois changer, malgré ce que j'ai souvent dit. J'ai voulu trouver le texte de cet ancien billet que j'ai lassé il y a plus de 4 ans sur cet ami que je n'avais pas su accompagner à son dernier repos. À ma grande surprise, j'ai vu que j'avais alors donné à peu près le même titre que pour le présent billet: l'absence remarquée.

Daniel J était un ami sympathique qui me visitait régulièrement. Il venait de la Gaspésie et se trouvait en Estrie comme animateur social. Il avait comme mandat de faire cheminer le personnel dans un processus de changement. Il devait modifier une attitude de résistances où le droit de gérance était une notion incomprise ne pas dire vue comme indésirable. Dans ces temps anciens, on n'aimait pas les boss.

 Daniel était l'homme de la situation. Il était aimé de tout le monde. Il avait le physique de l'emploi: barbe et cheveux longs, l'air contestaire. C'était le type de personne que l'on recherchait dans certains milieux pour des pressions syndicales. Il bégayait et savait utiliser les jurons de façon à se rendre sympathique. En d'autre mots, c'était comme un représentant du boss déguisé en syndicaliste. L'illusion était parfaite.

 
Un jour, Daniel m'a appelé de sa chambre d'hôpital du CHUS de Sherbrooke où il venait d'être admis d'urgence. Je me suis empressé de m'y rendre. On m'a expliqué qu'il était dans une section isolée et que je devais porter un masque pour aller le voir. Tabarouette! Que je me suis dit. Ça doit être grâve.

Pour moi tout ce décor était surréaliste. J'ai entamé la conversation, comme on le fait toujours en demandant: Comment ça va ? Et, selon ce que veut l'usage, il m'a répondu: Ça va bien. Et à le voir, rien ne laissait croire que ce n'était pas le cas.

Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke
Daniel m'a expliqué le contexte qui l'avait amené à l'urgence et son passage rapide en isolation. Il m'en parlait de façon tellement dramatique que je n'ai pu m'empêcher de rire en imaginant la peur qu'il avait dû ressentir. Nous avons ri de bon coeur, parlant de choses et d'autres. Et je suis reparti de bonne humeur, rassuré, en lui promettant de revenir.

Deux ou trois jours plus tard, j'apprenais son décès. Je prenais toute la mesure de la fragilité de la vie. J'étais bouleversé, presque incrédule. Je me sentais incapable de me rendre le voir au Salon funéraire. Il venait de si loin. Ceux qui le connaissaient depuis longtemp étaient des inconnus pour moi. Je ne voyais donc pas ce que ma présence pouvait apporter à tout ce beau monde.

Le lundi, en revenant au travail, on m'a appris que toute la fin de semaine, la copine de Daniel avait demandé, au Salon, si j'allais venir faire une visite. Aux funérailles, elle a demandé à mes collègues de travail comment il se faisait que je n'était pas venu voir Daniel avant son dernier repos. Je n'avais vue cette copine de Daniel qu'une seule fois. Mais elle savait ce que j'avais représenté pour Daniel, sans même en avoir pleinement consciencde. Ce genre de situation, c'est ce que j'appelle un rendez-vous manqué, le genre de situation qui nous hante longtemps.
C'est dur de faire son deuil d'un rendez-vous manqué. Et j'en ai trop.

L'autel de l'absence Caracol(Carol Facal) Cliquez sur le lien précédent

Cet incident a transformé à jamais ma façon de voir et de me comporter lors d'un décès. Depuis ce temps, je me fais toujours un devoir d'être présent lors d'événements tragiques. Je sais qu'une présence dans ces occasions n'a pas de prix même si le principal intéressé n'est plus là.



Il faut savoir prendre place sur un siège vide qui a une histoire.

 À la fin de janvier, nous avons encore pu réaliser avec intensité l'importance d'une présence dans des moments difficiles, en particulier dans la ;pire des situations: le décès d'un être cher. Lorsque nous nous sommes présentés, Laure et moi, au salon funéraire pour offrir nos condoléances à Jean le 28 janvier 2012, l'émotion fut à son comble. En donnant la main à Jean,  je lui ai dit que nous tenions être à ses côtés à tout prix, même si le voyage aller-retour représentait 2500 km. Il ne nous attendait pas. Il ne put cacher son émotion,ses larmes. D'autres amis n'avaient pu venir et il en était triste. Jean et Mado représentaient beaucoup pour nous.

Il faut se rappeler que j'avais connu Jean parce qu'il était dans ma classe, en première année de médecine, à l'Université de Montréal.
Ce fut vite mon meilleur ami. Nous prenions nos pauses ensembles. Nous partagions des confidences. La plus grande fut l'annonce de son marigage avec Mado. Il était rayonnant, ému.

J'avais dû abandonner mon cours à la fin de ma première année d'université. Je caressais le rêve de me reprendre. Pendant que Jean poursuivait sa 2è année de médecine, je travaillais temporairement à Granby.

Laure qui n'était pas du tout de la même région fut aussi appelée, par hasard à y travailler comme enseignante dans un collège classique tout près de mon travail. Elle alla partager l'appartement de la secrétaire du bureau où je venais d'être engagé. Je fut vite séduit et émerveillé par les qualités de Laure. Elle enseignait le latin et le français, ce qui était bien. Mais j'étais impressionné par ses qualités au plan sociale et son esprit pratique toujours à la recherche de solution. Il me semblait qu'elle était née pour être travailleuse sociale.

Conséquences: nous nous sommes mariés quelques mois plus tard et j'ai recommandé à Laure de suivre un cours de services sociales pour mettre son potentiel en valeur. De Ganby, nous passons donc à Sherbrooke reconnu pour le dynamisme de son université. Jean Fortier marié à Mado pendant notre année de médecine, s'inscrit avec elle au Département de Services Sociales de l'Université de Sherbrooke et se retrouvent tous les deux dans la même classe que Laure. Par un drôle de hasard, Jean avait en peu de temps été dans ma classe à l'Université de Montréal et dans celle de Laure à l'Université de Sherbrooke.
Ils eurent des enfants, nous avons fait de même et nos enfants sont devenus amis. Nous avons passé des vacances ensembles.

Puis, plus tard, Jean retourna s'installer à Montréal avec sa famille. Il travailla au CLSC Centre Sud. Toute la synchronicité qui avait imprégné nos parcours n'allaient pas s'arrêter là. Par de drôles de circonstances imprévisibles, on m'affecta au beau chef de mon organisme. Laure demeura à Sherbrooke et moi, je me suis retrouvé à Montréal. Aussitôt arrivé dans mes nouveaux locaux de travail au siège social de la rue Berri à Montréal, je fais une découverte surprenante.

Quand le hasard sonne plusieurs fois à la même porte, il y a lieu de s'étonner.

Dieu réunit ceux qui s'aiment...  À suivre....

lundi 6 février 2012

Présence

Un blogue, c'est une suite de billets qui stimulent les échanges. Ces derniers ont une durée de vie limitée. Ils sont toujours là, mais on peut les comparer à un journal de la semaine précédente. Je trouve parfois dommage d'interrompre une conversation bien partie ou de revenir sur un blogue où je n'avais pas eu l'occasion de réagir à temps.

 Mon dernier billet a eu une très longue vie tout simplement parce que je manquais de temps. Et je suis bien étonné de constater qu'on s'y présente encore. Plusieurs artistes sortent des nouveaux albums qui durent moins longtemps. :-) J'ai manqué de temps, mais un événement très particulier s'est produit dans la lignée de ce qui a donné naissance à ce blogue: la synchronicité. C'est comme si elle était venue me chercher. Les plànètes étaient on ne peut mieux alignées, vous allez bientôt comprendre pourquoi.

Je venais de vivre des moments intenses mêlées de coïncidences. Et le sort a voulu qu'en réagissant au dernier commentaire de mon dernier billet je ressente un besoin puissant, une inspiration pour un autre billet. Voici donc ce commentaire:

Coucou Jackss, un petit mot simplement pour te dire que je pense très souvent à toi. Sois sans crainte, on va t'attendre...

Et voici le commentaire que j'ai ajouté avec l'idée d'introduire mon prochain billet qui n'était pas écrit. Merci de ta présence, Nanou,J'ai pris connaissance de ton message dans un contexte particulier où le mot présence prend tout son sens.


Tout a commencé par une vulgaire contravention. Je roulais lentement sur la 138. À une dizaine de reprises, je me rangeais sur le bord de la route pour laisser passer tous ceux qui roulaient trop vite à mon goût. Je me disais que la surveillance routière était défaillante. Je me disais que nos élus devaient faire un peu moins de publicité et un peu plus d'action: la surveillance routière. Puis, en entrant dans le village de Magpie, surprise! 

 Et voici la suite:
Magpie, c'est un des plus anciens villages de la Côte-Nord. C'est un coin qu'on pourrait qualifier de perdu. Il y a 200 habitants, une église et de la police.

 En entrant dans le village de Magpie, j'ai ralenti. Mais pas assez vite. J'ai eu droit au genre de présence qu'on n'appércie pas toujours: la présence policière. J'aime bien les policières, mais il y a des présences dont on se passerait. C'est fou comme le même mot peut donner lieu à des réalités différentes.
Je n'ai pas eu de chance. On voit plus de véhicule de police sur l'eau que sur les routes.

La police à Havre-Saint-Pierre, été 2011.


Bon, on reprend la route, direction Longueuil en banlieue de Montréal, à basse vitesse.
Le but de notre voyage, Laure et moi, c'était une présence auprès d'un ami de très longue date qui incarnait les mystères de la synchronicité. Nous allions aux funérailles de son épouse que la vie venait de lui ravir. Pour être présent, il fallait parcourir 2500 kilomètres aller-retour. Nous tenions à être à ses côtés pour les funérailles et nous en avions gardé le secrêt.

La suite est une série étonnante de synchronicités. Je dirais meme que ça tient presque du prodige tellement il y en a. Pourquoi tenions-nous tellement à voir Jean F. ? Comment l'avions-nous connu? Dans quelles circonstances?

 L'histoire commence en 1965. Je n'avais jamais entendu parler ni de Laure, ni de Mado. J'étais en première année de médecine à l'université de Montréal.  (Ça se place bien dans une conversation!) Je considère que Jean était mon meilleur ami. En mars 1966, pendant la pause, Jean m'informe qu'il va profiter des vacances de Pâques pour se marier. L'amour se lit dans ses yeux. Mais j'étais loin de me douter que cet événement allait avoir une telle importance pour nous.

 En 1966, j'ai connu une très dure épreuve. Je travaillais dans une clinique médicale tout en suivant mes cours de médecine, ce qui était plutôt prétentieux. En plus de me faire perdre un temps précieux à consacrer aux études, j'avais perdu beaucoup d'éngergie. J'étais crevé. Et j'avais échoué mon année (Ça se place mal dans une conversation!)

 Un ancien prof venu nous rendre visite m'a offert un emploi temporaire pour refaire mes forces et mes finances. Cette visite a changé ma vie. Mon emploi m'a amené à Granby où j'ai rencontré Laure. Nous nous sommes j'ai mariés l'année suivante. J'étais impressionné par les qualités de Laure, un être que je considérais essentiellement sociale et d'un sens pratique hors du commun. Mes commentaires l'ont amené à s'inscrire au département de Services Social de l'Université de Shterbrooke.

 Par une drôle de hasard, Jean qui avait complété avec brio ses 2 ans de médecines a décidé de changer d'orientation. Lui et sa compine Mado se sont ainsi retrouvés dans la même classe que Laure.

Un événement parfois bien banal vient changer le cours de notre vie. Nous nous sentons bien petits et dépourvus de moyens. Pourtant, avec le recul du temps, nous réalisons tout ce que l'on aurait manqué si les choses s'étaient passées autrement.

Imaginez! Je n'aurais jamais connu Laure ni les enfants si importants pour nous peut importe ce qu'ils sont et ce qu'ils font.

On ne peut le nier. Pourtant, si on savait d'avance tout ce qui nous attend, on aurait peut-être peur d'emprunter certaines routes. Heureusement que nous n'en savons rien. Et c'est dans les moments les plus difficiles qu'une présence prend tout son sens. J'avais déjà eu l'occasion de le réaliser dans une expérience qui m'a marqué. J'ai eu des remords, mais je n'ai jamais répété la même erreur.

 À suivre....