dimanche 7 février 2010

La maison où j'ai grandi, partie 2


Suite des billets
Personne ne comprendra jamais et
La maison où j'ai grandi.

Que l'on soit riche ou pauvre, noble ou minable, faible ou puissant, célèbre ou méprisé, d'Amérique ou d'ailleurs, à la toute fin, nous devenons tous égaux. C'est la seule justice qui soit.

J'ai vu mon père 3 jours avant sa mort, en mai 1985. J'étais loin de me douter que je ne le verrais plus. Il avait le cancer du poumon. Cette dernière rencontre fut très émouvante, un vrai testament spirituel. Il était résigné et souriant. Mes valises sont prêtes pour le ciel qu'il me disait. Il avait ajouté: J'ai manqué ma vie, mais je ne veux pas manquer ma mort.Mon père n'était pas un saint. Loin de là. Le Frère André était bien avant lui dans la liste des candidats à la canonisation.

Photo mariage de mes parents 1942
C'est fou, mais je le trouvais beau et digne, malgré la situation. Je suis le seul à l'avoir vu avant son départ. C'est comme s'il m'attendait pour partir. Il semble qu'il allait beaucoup moins bien avant que j'arrive. Il a eu un regain de vie. Et il a perdu connaissance peu après mon départ. Il n'a jamais repris ses esprits ensuite.

Il avait fait un bilan de sa vie, lors de ma visite, se disant heureux d'avoir l'occasion de le faire sans que sa sincérité ne puisse être mise à rude épreuve. Il n'avait plus rien à perdre, rien à gagner. C'est ce qu'il disait.

Il tenait à ce que je sache et dise que la seule femme qu'il avait aimée, c'était ma mère. Sachant sa fin proche, il souhaitait peut-être que je sois le messager auprès de ma mère.

Lorsque cette dernière est décédée en 2003, c'est le seul matin où je n'étais à ses côtés dans les 3 dernières semaines précédant l'événement. Je le regrette encore. J'aurais voulu être là. Elle était seule.

Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke

C'est une façon de parler, une infirmière lui tenant la main. Cette infirmière m'a dit: J'ai senti que ta mère se préparait à partir. Je lui ai pris la main en lui disant que je la tiendrais jusqu'à ce qu'elle soit au paradis, le voyage étant commencé. Ma mère se trouvait au 5è étage du CHUS, dernère fenêtre à gauche, chambre 0521. Michel disait toujours lorsqu'il venait voir maman: Je n'aime pas ce numéro. J'ai l'impression que c'est la date de sa mort. Le hasard lui a donné raison: elle est décédée le 21 mai.

Après le décès de ma mère, j'ai retrouvé des lettres déchirantes qu'elle et mon père s'étaient échangés après leur séparation. C'est bizarre, mais je n'ai lu qu'une seule lettre, en partie seulement. J'ai cependant pu voir quels étaient leurs états d'âme la dernière fois que j'avais vu mon père, les larmes aux yeux, Nicole dans ses bras, au parloir de l'orphelinat où nous étions. J'étais touché et je souhaitais comme un rêve impossible que mon père et ma mère se réconcilient.

Il était question qu'ils se voient dans un restaurant. Je mettais beaucoup d'espoirs dans cette rencontre. Les lettres que j'ai retrouvées dans les effets de ma mère, récupérées après son décès, permettent de comprendre pourquoi la réconciliation n'avait pas été possible. S'aimer, c'est tout un contrat. Et c'est pas toujours suffisant pour pouvoir vivre ensembles.

1964
Les années ont passé. Nous n'avions plus aucune nouvelle de mon père. Je ne savais pas s'il était mort ou vivant, dans quel état il était. Des événements me laissaient même croire qu'il s'était peut-être retrouvé dans un réseau peu recommandable. (Il aurait pu être amis avec Jean Charest :-))J'avais obtenu de vagues informations sur des emplois qu'il avait pu occuper plusieurs années aupraravant. J'avais écrit des lettres un peu partout, entre autre à la Compagnie Smith Transport de Montréal. On m'avait répondu qu'on ne le connaissait pas. Je suis photographié ici juste en face de la maison du 2030 Duvernay.

Je sais ce que c'est de ne pas savoir si un de ses proches est mort ou vivant. Il est toujours préférable de connaître la vérité, si pénible soit-elle et pouvoir faire son deuil. Sinon, on fabule. Je n'ai aucune peine à imaginer le supplice qu'on pu vivre les proches de ceux qui avaient des connaissances en Haïti, après le séisme.

Il se passait des choses bizarres dans la maison du 2030 Duvernay.
Par exemple, alors que nous étions couchés, il nous arrivait d'entendre la porte d'entrée s'ouvrir, entendre des pas, la chaise berçante se mettre en mouvement. J'étais celui qui était le plus près de l'action puisque je couchais dans le salon.

Parfois, le lendemain matin mes frères et soeurs me demandaient si j'avais entendu quelque chose durant la nuit. Pour ne pas les effrayer, je leur disais que non. En y repensant aujourd'hui, je trouve curieux que j'aie eu cette réaction: tout garder pour moi.

Un soir, peu de temps après être allés au lit, nous avons tous cru voir une ombre et du bruit à la fenêtre de chambre. En allant vérifier sur le promontoire vis-à-vis la chambre, on a eu la preuve que ce n'était pas une illusion: il y avait des traces dans la neige sur le promontoire donnant accès à la chambre avec fenêtres doubles à droite. On peut voir l'endroit en question sur la photo à gauche. L'apparence est un peu défraîchi depuis le temps.

De l'intérieur, face à la fenêtre on voyait la balançoire où je racontais mes histoires à Micheline et Michel. Un peu en avant, à droite, il y a une cruche en pierre où il y avait des fleurs l'été. Vous verrez au même endroit ma mère photographiée devant cette même cruche en 1965, l'année où mon père a refait apparition devant la porte d'entrée que voilà.

Quand je revois ce paysage desert, presque figé dans le temps et la neige, il me revient des tas de souvenirs. Je revois tout un monde grouillant d'amour et d'espoirs. C'est fou l'émotion! C'est ce qu'on appelle la nostalgie.

Cette photo a été prise en 1966, dans la cour du 2030 Duvernay. Ma mère avait 45 ans. Imaginez, lorsque mon père a sonné à la porte, ma mère ne l'a pas reconnu. Je donne cette information à l'intention de ceux qui n'ont pas eu l'occasion de lire les billets précédents.

Ma mère paraissait beaucoup plus jeune que son âge (45 ans); elle passait parfois pour ma grande soeur. Quant à mon père, c'était tout le contraire. Les deux photos qui suivent vous montrent mon père selon ce qu'il avait l'air la dernière fois que nous l'avions vu, en 1955 ou 1956; l'autre, à son retour en 1965.

Mon père avait que 44 ans lorsqu'il est revenu. Il paraissait beaucoup plus vieux. Il est décédé à l'âge de 61 ans.

Je le trouvais vieux à l'époque. Je suis déjà plus vieux que ça...

À suivre...

samedi 6 février 2010

Apocalypse? : où?

Une nouvelle de dernière heure dont je viens de prendre connaissance sur le site de Prétégez-vous:
Le scandale de la pandémie H1N1
On annonçait l'apocalypse avec une pandémie sous enquête.

Pour combattre la pandémie, on recommandait un lavage de mains à n'en plus finir avec un gel anti-bactérien. Ce produit est payant pour les commerçants mais dangeureux.
Il faut se laver à l'eau. Détails ICI. Le lien se trouve dans la liste en bas.
Washington DC, USA
Tout est relatif. Pendant que les Américains qualifient d'apocalypse une simple tempête de neige, les Haïtiens cherchent encore leurs morts, transportent leurs blessés et réclament une simple toile comme abris de fortune.

Port-au-Prince, Haïti


Haïti m'a beaucoup aidé à réfléchir sur ce que je trouve le plus difficile à comprendre: la souffrance, la vraie. Je considère avoir fait un grand pas en voyant le courage et l'énergie du désespoir à l'oeuvre.

Somme toute, je crois que l'impossible est mainteant à portée de vue en Haïti, même s'il y a encore beaucoup à faire.

Prenez Cité-Soleil. 4000 brigands y sont revenus après que la prison se soit effondrée. Même dans leurs rêves les plus fous, ces bandits de grands chemins n'auraient pu imaginer pareil miracle diabolique. Leur idée: reprendre le contrôle de leurs anciens territoires. Dans le chaos le plus total, des citoyens sans moyens ont décidé de se prendre en main, s'organiser pour faire rêgner l'ordre. Malgré le fouilli, l'absence totale de plans d'action pour contrôler la rue, les résultats ont été spectaculaires à plusieurs endroits. L'épreuve a réveillé des forces latentes auxquelles peu de gens auraient pu croire.

Des manifestations très émouvantes nous ont donné de grandes leçons. Un journaliste de Radio-Canada lors d'un reportage dans l'enfer de Cité-Soleil a fait l'observation suivante: Savez-vous qu'est-ce que les enfants qui errent dans les rues aiment le plus? Ce qu'ils demandent le plus? Il a répondu: Qu'on leur donne la main. C'est ce que faisaient des travailleuses humanitaires de l'Ontario, ne parlant qu'anglais. Il fallait voir ces enfants leur prendre la main et exprimer du bonheur à le faire.

Stephen Harper, PM du Canada, serre la main à des enfants de Cité-Soleil. Sans trop vouloir faire de l'humour noir, je dirais qu'on aurait pu intituler cette photo, en se plaçant dans la peau des enfants: J'ai serré la main du diable.

Prendre un enfant par la main, le prendre dans ses bras, c'est souvent ce qu'il y a de plus émouvant.

Haiti Journal
Source: www.boston.com

jeudi 4 février 2010

Aux frontières de l'enfer

Le hasard peut changer toute une vie. Imaginez, 2% des sud-coréens d'à peine 20 ans sont envoyés au front par tirage au sort. Et les parents sont avisés par téléphone, une fois les recrues arrivés au front.

C'est ce que révèle un court métrage sur la frontière qui ne dort jamais. Le suicide fait autant de victimes que l'ennemi. Je crois que rien n'égale la peur, l'inquiétude, la terreur, la panique.
Plus d’un million d’hommes côté Nord, 400 000 côté Sud : le face à face entre les deux Corées est tendu. Le long de la zone démilitarisée, la guerre des nerfs dure depuis 55 ans.

La zone démilitarisée coupe la péninsule coréenne en deux : 248 kms de clôtures, de barbelés et de miradors d’où les frères ennemis s’observent 24 heures sur 24.

Ils ont 20 ans et aucune expérience militaire. Pour eux, la Corée du Nord n’était qu’un lointain cauchemar, elle va désormais faire partie de leur vie quotidienne. Seulement 2% des appelés se retrouvent en première ligne. Ils vont y rester pendant sept mois coupés du monde. Le soir, ils montent la garde jusqu’à l’aube. Sept mois à un rythme d’enfer. Plusieurs fois par semaines, il y a les alertes, qui mettent les nerfs des jeunes soldats à rude épreuve. C’est une guerre sans bataille, mais qui fait des victimes : 2765 appelés ont perdu la vie au cours de ces huit dernières années. La moitié d’entre eux s’est donné la mort. Un suicide tous les deux jours.
Il y a des jeunes pour qui le risque est un défi stimulant. Ils aiment l'effet de l'adrénaline. On en voit plusieurs manifestations:
  • Des courses en auto en pleine ville
  • Des acrobaties sur le toît d'autos en mouvements
  • Il y a des casse-cous qui présentent leurs exploits en ligne
  • Il y a aussi ceux qui posent le geste fatal, comme se lancer du haut d'un pont pour l'utime départ
  • Les scènes de violence au cinéma captivent comme si on voulait vaincre la peur par la peur. Les 7 jours du Talion avec Claude Legault poussent très loin cette violence, le dégout, l'effroi. À noter que Claude Legault est l'artiste que l'on voit sous hypnose dans le billet précédent.
    Voir la bande-annonce.
Je ne sais pas si c'est la même chose pour tout le monde, mais dans mon cas ce qui m'a rendu le plus audacieux, c'est une peur irrationnelle dans bien des circonstances. J'avais tellement peur de parler en public que je me portais volontaire à chaque occasion. J'avais donné mon nom pour recevoir tous les clients violents qui se présentaient au bureau, etc...

Chaque situation traumatisante surmontée me faisait du bien, me faisait découvrir des forces. Elle me permettait donc de faire reculer les frontières de la peur. La pire de toutes, c'est la peur de la mort: sa propre mort et celle des autres. Comment y faire face, l'amadouer.

Vivre jusqu'au bout

J'ai appris, à force de le pratiquer intensivement, que le deuil était pédagogique, une vieille sagesse de l'intime. Il nous enseigne à mourir à nous-mêmes, aux autres, à ce qui nous semblait éternel dans notre corps, notre coeur, notre avenir, l'illusion ultime.
Cliquez sur la photo pour l'article du Devoir.

Mon expérience m'a appris qu'il faut avoir fait le deuil de sa propre vie avant de pouvoir en jouir pleinement. Lorsqu'on a accepteé de mourir, on a déjoué la mort. Cette expérience, je l'ai vécue. Enterré sous une très lourde charge, ma respiration était complètement coupée depuis quelques secondes. Il n'y avait même plus de place pour la peur dans ma tête. La curiosité avait pris toute la place. J'étais intrigué par ce qui allait se passer dans les minutes qui allaient suivre.
Voir billets Quelques secondes et Quelques secondes plus tard.

Dans cette expérience, ce qui m'a frappé le plus, c'est ce genre de forces insoupçonnées que l'on peut ressentir. Je la sentais cette force. C'est la même force très palpable que j'ai ressentir à l'instant où ma soeur Nicole nous a quittés pour un autre monde.

Pourquoi je parle de tout ça? J'essais bien maladroitement de trouver un sens à la souffrance. Sinon, la vie elle-même n'a plus de sens. Et je crois qu'elle en a. Nous ne sommes pas au bout de nos découvertes... Il parait que toutes les connaissances de l'humanité doublent à tous les 2 ans.