samedi 27 juillet 2013

La Minganie brule en silence

Ma vie, comme celle de plusieurs j'imagine, a été une longue suite de détours improvisés. Jamais je n'aurais pu imaginer les chemins sur lesquels j'aurais été entrainé. Mon blogue ne fait pas exception. Je prends une direction et, de façon tout à fait imprévue, je me retrouve ailleurs. Comme dit Zoreilles, il n'y pas de hasard. Il n'y a que des rendez-vous à ne pas manquer.

Prenez ce récit de la croisière sur le Nordik Express entrepris au bout de la route 138 à Natashquan. Le hasard a voulu que je vous ramène vite à Natashquan, l'actualité étant devenue trop brûlante.

En fait, le texte qui suit m'a été envoyé par courriel d'une amie qui vient de vivre l'action sur le terrain. La plupart des photos ont été prises du haut des airs avec un appareil que j'avais vendu par hasard à Martine de qui dépend le texte. Et pour ajouter un peu de charme à la présentation, précisons qu'elle est la mère d'Hélène, l'héroïne du billet Hélène et le volcan. Cliquer sur le lien qui précède pour le revoir. Et sans plus tarder, voici le récit de Martine.


Des drames et tragédies affectent le Québec ce mois-ci.

Je me présente, je suis travailleuse sociale de métier depuis 6 ans dans la région  de la Côte Nord pour le CSSS de la Minganie à Havre St-Pierre. Mais avant tout,  une amoureuse inconditionnelle des grands espaces et de nature sauvage.
Les tragédies évitables nous touchent jusqu'ici en Minganie mais bien évidemment, dans une  moindre mesure que Mégantic. En fait , je témoigne simplement d'une réalité suite aux grands incendies de la région nord-côtière.

Photo prise par le pilote au départ de Havre-Saint-Pierre
On peut voir le feu au loin et les iles Mingan à l'avant-plan

Dès le 18 juillet, mon employeur a mobilisé un petit avion à Havre St-Pierre avec comme seule consigne que je devais donner du soutien à l'infirmier et à la communauté au dispensaire d'un village à 30 kilomètres des incendies de la Minganie.
À deux heures d'avis, j'ai survolé les feux de Baie-Johan-Beetz pour atterir  à Aguanish, une communauté de 300 personnes située à 70 kilomètres à l'ouest de Baie-Johan-Beetz  et à 20 kilomètres à l'est de Natashquan.

photo prise en plein jour à Natashquan



Photo prise en arrivant au sol à Natashquan vers 17h. Au loin, les lueurs d'un feu menaçant

Aguanish

La seule présence de l'État Québecois dans le village d'Aguanish est le dispensaire et celui-ci était sans électricité ainsi que toute la région depuis lundi 20h30 le 14 juillet dernier. Aussi,  les gens du village se sont retrouvés isolés du monde car, les feux voisins qui couvaient ont obligé le ministère des transports à barrer la seule route qui relie les villages.
 Photo prise de l'avion en survolant Baie-Johan-Beetz
Les dernières nouvelles avant mon arrivée sur les lieux sont celles-ci: les villageois de Baie-Johan Beetz avaient été évacués en toute hâte  le lundi 15 juillet à 23h30 sans pré-avis et il était toujours possible que les maisons soient potentiellement incendiées.

 Le lien téléphonique n'a jamais été coupé en Minganie et par conséquent,  les gens d'Aguanish, inquiets et troublés craignaient à leur tour de tout perdre. Je suis revenue lundi matin à Havre St-Pierre et sur le chemin de retour, je me suis arrêtée pour saluer les gens de Baie-Johan-Beetz et Kathleen l'infirmière.  Les gens étaient revenus dans leurs maisons. Ceux qui circulaient dehors voulaient des nouvelles d'Aguanish car des liens familiaux et culturels les tissent sérrés.

Dispensaire de Baie-Johan-Beetz (2010)

Sentier pédestre au cœur de Baie-Johan-Beetz près du dispesaire
Remarquez l'importance de la région boisée. Il y avait là une pourvoirie unique en son genre.
Un cousin amateur de chassse et pêche n'avait jamais rien vu de pareil. Et les facilités de réservations étaient uniques.
De vendredi le 19 juillet à lundi le 22 juillet, le gouvernement a demandé de tenter de contrôler les incendies de forêts. Lundi le 22  juillet , finalement,  le gouvernement a demandé d'éteindre le feu. Par contre, à ce jour,  nous savons que le monstre est présent car le feu est pris sous la tourbe et couvre toute la région.
 Iles Mingan 2009 - Hôtesse de Parc-Canada

Les gens d'ici ont perdu le loisir ancestral de jouir de leurs îles Mignan en 1988 car,  elles appartiennent à Parc Canada.

En 1988, la dernière   pêche à la morue a été levée à Aguanish.
En 2013, les gens ont perdu leur territoire de chasse,  de pêche et de fruits sauvages. Aussi, depuis les grands incendies de ce mois,  les animaux se regroupent sur un terrtoire plus restreint et la nourriture devenue plus rare aura un impact certain sur la faune pour les années à venir.

On pourrait aussi parler d'une rivière Romaine harnachée que les américains ne veulent plus sans oublier l'île d'Anticosti, presque déjà cédée aux gazières par entente secrète. Vous savez, il y a du chevreuil mais aussi 300 résidents sur l'Ile.

Anticosti 2010

Mais revenons à Aguanish, Aguanish juillet 2013
Quel beau décor.
Ici,  les gens ont vécu l'abandon, car malgré les multiples appels des maires de la région depuis le début juillet, le mot d'ordre était de laisser brûler. Ici,  depuis le 15 juillet, les gens ont vécu de la peur, celle de perdre leurs frères, pères, et fils et ils craignent  par-dessus tout l'oubli car,  après tout, il n'y a pas eu de mort. Mais c'est tout juste. Chaque récit entendu des hommes qui sont sortis des pourvoiries en catastrophe est un miracle, sans compter la douleur  inouïe de l'attente déchirante des familles qui les espéraient aux guérites de la route 138. Les intervenants ont dû faire de voyage de retour en auto
 Mais il faut garder à l'esprit que, tout comme la catastrophe de Lac-Mégantic, le tout était parfaitement évitable. Et l'impact économique aurait mérité qu'on lui accorde une attention à la mesure des dégâts considérables qui lui ont été causés. La population n'a pas senti une grande sensibilité à l'extérieur de ses frontières. Elle en a souffert.
Après 4 jours de sa folle sortie de la forêt , Roger cultivait tranquillement son jardin chez lui, à Aguanish. Il était l'un des guides survivants d'une pourvoirie aujourd'hui anéantie. Quand Roger est sorti de l'enfer, la SQ était présente, mais pas d'ambulance et il est parti vers son village.  Et voici son commentaire troublant: nous voulions un pays et j'y croyais, mais pour le Québec, ma vie vaut pas plus qu'un bout de bois.
Ah oui, en passant,  les villages nommés sont des villages blancs, il y a aussi un autre peuple oublié  qui occupe  le territoire depuis des siècles et à ce jour,  l'avez-vous entendu?
Martine Roux,
de Havre St-Pierre  le 24 juillet 2013

Vidéo du feu menaçant Baie-Johan-Beetz



Cliquez Barrage sur la 138

Selon environnement Canada, il ne faut pas accuser les changements climatiques. On veut se faire rassurant. Bien moi, je ne suis pas rassuré. Et je  crois qu'il faut arrêter de jouer aux autruches. Il y a de ces évidences qu'on prend beaucoup de temps à admettre. Le mot à la mode: se faire rassurants.

Vous voulez savoir pourquoi on a laissé brûler la Minganie? Les pompiers le savent et ils sont en furie.

Lisez ce message reçu samedi matin par courrier électronique: «Bonjour M. Lavoie, nous sommes 21 pompiers en direction de la Côte-Nord, pas pour Havre-Saint-Pierre, mais Manic 5, et oui il y a du bois à protéger pour les compagnies forestières. Nous sommes aussi enragés que la population de la Minganie. Nous voulons être entendus et dirigés par le gouvernement, pas par la SOPFEU, qui est à la solde de l'industrie forestière.
Vous savez où ils étaient ces pompiers, pendant que les feux de forêt isolaient Natashquan et encerclaient la baie Johan-Beetz? On les a envoyés dans la région du lac Mistassini pour protéger la machinerie des forestières et une forêt coupée à blanc ou réduite à des arbres sans grande valeur, selon les pompiers qui sont allés sur les lieux. «On a dépensé 8 millions $ en 11 jours dans ce secteur. C'est scandaleux», a révélé l'un d'entre eux. «Pendant ce temps-là, on entendait parler des feux en Minganie, mais on ne pouvait pas y aller
 (Source La Presse) Cliquez sur le lien pour voir l'article au complet.

vendredi 12 juillet 2013

La grande séduction

Croisière sur le Nordik Express (suite du billet précédent)




Harrington Harbour, mai 2012

Le dernier billet se terminait ainsi:

Nous sommes partis de La Romaine à 17h45.
Il fallait  ensuite naviguer pendant 5 1/2 heures avant d'atteindre la destination suivante: Harrington Harbour.

Le nom ne vous dit peut-être rien, mais l'endroit est devenu très populaire il y a quelques années après le tournage d'un film qui a eu un succès fulgurant. Il a connu un succès international. Lequel?

Voici la réponse: il s'agit du film La grande séduction. Je classe ce film parmi les plus amusants qu'il m'a été donné de voir. Il s'agit d'une comédie tout à fait réussie.

Voici ce qu'en dit Wikipédia
La Grande Séduction est un film québécois de Jean-François Pouliot sorti en 2003.

Sainte-Marie-la-Mauderne est un petit village situé en Basse-Côte-Nord, accessible uniquement par les voies aériennes et maritimes (c'est le village réel de Harrington Harbour[1] qui tient lieu de plateau de tournage). Traditionnellement axée vers la pêche, l'économie est complètement à plat dans cette bourgade de 120 habitants. Un projet d'implantation d'une usine de contenants de plastique permettrait de relancer ce village où l'exode se fait fort, et redonner une fierté perdue à tous les habitants.

Toutefois, un obstacle se dresse quant à l'arrivée de cette industrie à Sainte-Marie : aucun médecin n'y réside. Nouveau maire du village, Germain Lesage  aidé de tous les habitants du village, tentera de convaincre le docteur Christopher Lewis (David Boutin) de Montréal de s'installer à Sainte-Marie-la-Mauderne. Les techniques utilisées par le maire et les habitants ressemblent toutefois à une grotesque tromperie, une grande séduction qui ne tient qu'à un mince fil.

Le village d'Harrington Harbour et la Basse-Côte-Nord en général ont connu un regain d'intérêt de la part des Québécois et d'autres touristes. Le Nordik Express, navire qui fait la liaison entre Havre-Saint-Pierre et les villages de la Basse-Côte-Nord, a été pris d'assaut par les touristes qui voulaient absolument visiter Harrington Harbour. Cet intérêt a aussi touché l'Europe francophone où a également été présenté le film, notamment au Festival de Cannes de 2003.

La grande séduction est sortie en première au festival de Cannes le 20 mai 2003, au Québec le 11 juillet 2003, en France et en Suisse romande le 28 avril 2004 et, finalement, en Belgique le 26 mai 2004.

Pour tourner le film, on a fait appel aux vrais habitants de Harrington Harbour et ces derniers ont eu droit à une projection spéciale du film en avant première. Imaginez leur ravissement. Vous voyez ça, un village de 300 habitants seulement, à 5 1/2 heures du village précédent, sans route pour y aller? Heureusement pour eux, il n'y a pas de train et pas besoin de pétrole.

L'extrait qui suit est savoureux et donne un très bon aperçu du film en plus de présenter le décor tout à fait ressemblant des lieux.

http://www.youtube.com/watch?v=wtXCt2dswek

Il est intéressant de constater que la Grande séduction est  le 4è meilleur résultat de tous les temps au box office québécois.

Entrées en salles des 25 films québécois les plus populaires

Dernière mise à jour: 13 janvier 2013
RangTitreGenreSortieSpectateurs
1Séraphin, un homme et son péchéDrame historiqueNov. 20021 341 602
2Bon cop Bad copComédie policièreAoût 20061 320 394
3De père en flicComédie policièreJuill. 20091 242 370
4La grande séductionComédieJuill. 20031 197 843
5Les boysComédie sportiveDéc. 19971 125 182
6Les boys IIComédie sportiveDéc. 19981 039 578
7Les invasions barbaresComédie dramatiqueSept. 2003913 995
8Les boys IIIComédie sportiveNov. 2001910 743
9C.R.A.Z.Y.DrameMai 2005785 634
10AuroreDrame biographiqueJuill. 2005706 811
11Les boys IVComédie sportiveDéc. 2005626 489
12Elvis Gratton IIComédieJuill. 1999609 463
13Le déclin de l’empire américainComédie dramatiqueJuin 1986608 155
14Cruising BarComédieOct. 1989591 620
15Maurice RichardDrame biographiqueNov. 2005589 795
16Les 3 p’tits cochonsComédieNov. 2007578 049
17Camping sauvageComédieJuill. 2004574 810
18L’horloge biologiqueComédieAoût 2005543 361
19Ma vie en cinemascopeDrame biographiqueDéc. 2004477 695
20Mambo italianoComédieJuin 2003466 914
21La vie après l’amourComédieJuill. 2000458 743
22Dans une galaxie près de chez vousComédieAvril 2004454 101
23Piché: Entre ciel et terreDrame biographiqueJuill. 2010452 918
24IncendiesDrameOct. 2010430 816
25Cruising Bar 2ComédieJuin 2008428 359
(Source: http://www.filmsquebec.com/box-office-quebecois-depuis-1985/)

Nadia Drouin
La Grande Séduction, une comédie, touche pourtant de grandes problématiques actuelles qui ont eu des échos bien en dehors des frontières du Québec. Le film avait tout pour séduire, y compris ses personnages principaux.

Primé au Festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez, à l'Atlantic Festival Film, au Festival des films indépendants de Boston, aux Génie, aux Jutra, au Festival Juste pour rire, au Festival international des films francophones de Namur, au Festival du film de Sundance et mention au Festival des films et vidéos indépendants de Victoria.

Le film ne veux pas seulement divertir.
Il porte un message. Ste-Marie-la-Mauderne incarne toutes ces petites municipalités des régions éloignées qui ont survécu, de peine et de misère, fortement exploitées par des grosses compagnies qui les ont vidées de leurs ressources avant de s'enfuir en les abandonnant à leur sort. Dans le film, ce sont les ressources maritimes qui se sont taries. Les habitants ne vivent que de l'aide gouvernementale dont ils abusent un peu de façon astucieuse. Leur seule source d'espoir: une usine prête à s'établir en autant qu'elle y trouve son intérêt et des conditions élémentaires. Un médecin serait un atout.

Mais voilà, attirer un médecin n'est pas un mince défi. C'est plutôt le contraire que l'on vit bien souvent. Les ressources humaines les plus prometteuses sont bouffées par les grands centres.

Harrington Harbour, c'était notre motivation première pour cette croisière sur le Nordik Express. Mais, une surprise nous attendait.

À suivre...

lundi 8 juillet 2013

Nordik Express: La Romaine

Nordik Express: La Romaine (suite des billets précédents)

Résumé des billets précédents
En juillet 2010, nous avions fait une réservation pour une croisière sur le Nordik Express. Il faut réserver un an d'avance. On nous rappelle en février de l'année suivante pour finaliser les réservations et en fixer les modalités à notre convenance, selon notre ordre de réservation. Nous étions classés au 306è rang. Mais lorsqu'on m'a appelé, j'avais toutes les possibilités: la semaine, le type de cabine, les commodités. Comme il n'y a rien de trop beau pour la classe ouvrière, nous avons choisi une cabine privée avec toilette et hublot.

Le 23 mai 2011, nous sommes montés sur le Nordik Express à Natasquan (là où s'arrête la route 138) pour Blanc-Sablon. C'est le territoire de la  Basse-Côte-Nord.

La Basse-Côte-Nord s’étendant de la rivière Natashquan à la frontière du Labrador se compose de 15 petits villages, chacun ayant des particularités distinctes. Plusieurs de ces villages ne sont pas accessibles par la route. Des années d’isolement ont permis à ces villages de développer des traditions, une architecture et même des accents avec quelques variantes. Autrefois disséminée dans plus de 70 minuscules postes de pêche, la population est maintenant regroupée dans des villages de 50 à près de 1000 résidants.

VILLAGES DE LA BASSE-CÔTE-NORD
Kegaska - Population: 130
La Romaine (Unamen Shipu) - Population: 1,050
Chevery - Population: 300
Harrington Harbour - Population: 300
Tête-à-la-Baleine - Population: 250
Mutton Bay - Population: 192
La Tabatière - Population: 499
Pakua Shipi - Population: 300
Saint Augustine - Population: 791
Old Fort Bay - Population: 347
St. Paul's River - Population: 468
Middle Bay - Population: 52
Brador - Population: 136
Lourdes-de-Blanc-Sablon - Population: 750
Blanc-Sablon - Population: 325
(Source: http://www.tourismebassecotenord.com/villages.asp)

Il y a 450 kilomètres d'un point à l'autre. C'est plutôt impressionnant de constater que ce vaste territoire ne comprends que 6000 habitants. On comprend l'importance du bateau cargo sur lequel nous faisions une croisière. Et il est bon d'avoir en tête que la route maritime ne peut être empruntée en hiver. La Basse-Côte-Nord, située à 1600km à l'est de Montréal est très peu connue. Et pourtant elle a un charme fou et est habitée depuis des millénaires. Le golfe Saint-Laurent à cet endroit a des allures de mer et nous mène à la frontière du Labrador. On peut même y voit des icebergs à certaines périodes de l'année. Il semble que le spectacle soit fascinant.

Alors, bien que le personnel ait été en général aimable et courtois, on a senti que la mission touristique n'était pas la mission première du bateau. Et il fallait faire bien attention pour ne pas déranger le personnel affecté au chargement et au déchargement de conteneurs. Si, par mégarde, on se trouvait à la mauvaise place, on le savait clairement assez vite. Et ça se comprend.

Toutes les manipulations devaient se faire rapidement, selon un processus bien établi.

Au port de La Romaine, nous avons eu beaucoup de plaisir à observer les manœuvres. Les conteneurs étaient empilés soigneusement dans un immense entrepôt.

Mais, évidemment, nous voulions aussi visiter le village que nous connaissions bien de nom.


La Romaine, n'a rien à voir avec Rome et  les romains.
C'est un village qui  a toutefois beaucoup de charmes. Comme on le voit dans la liste des villages de la Basse-Côte-Nord, c'est le plus gros village avec son millier d'habitants composés majoritairement d'autochtones. Une importante communauté blanche y vit tout de même.

La communauté est isolée, c'est vrai. Mais pas totalement. Et il est assez étonnant de voir comment elle peut rayonner. Comme je l'ai mentionné dans le billet précédent, M.Collard, le directeur des ressources humaines de l'Institut de gériatrie de Sherbrooke venait de là. Laure avait travaillé avec lui. Il était donc tout à fait naturel qu'elle veuille visiter l'endroit.

Mais l'agglomération se trouvait tout de même à une certaine distance, impossible à parcourir à pied sans risquer de manquer le bateau pour le retour. Laure a aperçu une autochtone confortablement assise dans une fourgonnette. Nous nous sommes approchés. Elle lui a fait un signe. Elle a ouvert la fenêtre. Laure lui a demandé bien gentiment s'il était possible d'avoir une courte visite guidée. La dame s'est empressée de répondre avec le sourire complice qu'elle serait heureuse de le faire.

À l'avant de l'auto, sa fille prenait place avec un bébé dans les bras. Ce qui est étonnant, c'est de voir comment les autochtones sont différents quand on les rencontre dans leur milieu. Autant ils peuvent être sérieux et réservés en territoire blanc, autant ils sont accueillants et enjoués quand on les rencontre dans leur territoire.

Ce qui m'a frappé, c'est l'étonnante lucidité avec laquelle elle abordait les caractéristiques des différentes communautés de La Romaine. Elle nous parlait de la différence avec sa communauté, une autre communauté innue et les blancs. Elle nous a présenté de façon impressionnante les façons de vivre et de penser de chacun, tous ayant leurs propres institutions et vivant de façon indépendante les uns des autres. Il y a deux communautés différentes d'innus à La Romaine. Les innus, autrefois appelés Les Montagnais, forment la communauté la plus importante d'autochtones au Québec. On en compte environ 16 000. À la Romaine, 67% de la population a moins de 35 ans.

Elle avait une fourgonnette très convenable. Mais elle s'est empressée de préciser que ce n'était pas son meilleur véhicule. Elle en a un autre, beaucoup mieux selon ses dires, stationné à Natasquan. Ainsi, elle peut prendre le bateau pour s'y rendre. De là, elle peut récupérer  son véhicule et aller où elle veut sur le continent. L'été, elle fait un grand trajet qui la mène au Québec, au Nouveau-Brunswick, aux États-Unis et revient à La Romaine pour l'automne. C'est sa façon de demeurer nomade tout en ayant un pied à terre quelque part. Les autochtones largement majoritaire sur le bateau utilisent beaucoup ce moyen de transport et ont, semble-t-il, des conditions particulières pour l'utiliser.

Nous lui avons demandé si elle avait hâte que la route 138 se rendre jusqu'à La Romaine. Elle nous a répondu sur le ton de la confidence: Pas tellement. Il y a beaucoup de toxicomanie. Ici, on n'a pas tellement à s'inquiéter. On sait où trouver nos enfants. Quand la route sera ouverte, ce ne sera pas aussi simple. Et nous nous inquiéterons du risque d'accidents d'auto.

Pour plus d'informations sur La Romaine, vous pouvez cliquez sur le lien correspondant dans la liste des villages de la Basse-Côte-Nord.

UNAMEN SHIPU (La Romaine en innou)
La réserve innue date du milieu des années 1950. Traditionnellement, les Innus ont maintenu leurs habitudes nomades. À la fin de l’été, ils quittent la côte et remontent la rivière pour y chasser et pêcher pendant l’hiver. Chaque année en mai, ils redescendent la rivière vers la côte, où ils pêchent, chassent les oiseaux de mer et cueillent leurs oeufs. Les Innus de la Basse-Côte-Nord sont l’un des derniers groupes d’autochtones nomades en Amérique du Nord et ils sont connus pour leurs canots d’écorce et leurs déplacements traditionnels en canot ou en raquettes.
La traite des fourrures, le contact avec les Blancs et l’économie de marché transformèrent graduellement les habitudes de vie des Innus. À partir des années 1950 et jusqu’à sa mort en 1992, le Père Alexis Joveneau, oblat belge, vécut à La Romaine où il se fit le promoteur des traditions innues et contribua au développement de l’infrastructure communautaire et à la construction des maisons.

Nous sommes parti de La Romaine à 17h45. Il fallait faire ensuite naviguer pendant 5 1/2 heures avant d'atteindre la destination suivante: Harrington Harbour. Le nom ne vous dit peut-être rien, mais l'endroit est venu très populaire il y a quelques années après le tournage d'un film qui a eu un succès fulgurant et a connu un succès international. Lequel?

Voici le village en question, vu à travers le hublot de notre cabine. Ça vous dit quelque chose?


À suivre...


lundi 1 juillet 2013

Nordik Express: Escale à La Romaine

Suite des billets sur Kegaska

Résumé des billets précédents

Partis de Havre-Saint-Pierre où nous résidions de janvier 2009 à décembre 2012, nous nous sommes rendus jusqu'à Natashquan, c'est-à-dire aussi loin où nous pouvions aller par voie terrestre.
De là, si on veut aller plus loin, il faut prendre l'avion ou le bateau. Tout ceux qui nous avaient parlé de cette expédition, nous avaient fait rêver. On nous a décrit la croisière comme une expérience unique. Il fallait réserver un an d'avance, ce que nous avons fait. Le départ a eu lieu à la dernière semaine de 2012.

La première escale nous a fait découvrir un village très pittoresque: Kégaska où réside environ 135 habitants. Ce village fera parler de lui en 2013 puisque la route doit l'atteindre à l'automne 2013.

Nous sommes partis de Kégaska jeudi le 25 mai 2012 à 12h45. Après un trajet de 2h30, nous apercevons la rive de La Romaine. Nous avions hâte de voir ce village pour plusieurs raisons. L'une d'elle est assez spéciale. Imaginez que le hasard a voulu que Laure, avant son départ pour la Côte-Nord, un peu avant sa retraite, a eu un directeur des ressources humaines qui venait de ce village du bout du monde. Jamais elle n'aurait cru pouvoir y aller. Elle était bien curieuse de voir à quoi pouvait ressembler l'endroit.


 
Sur le quai où était amarré le bateau cargo, des enfants avaient l'air de bien s'amuser. Leur naïveté avait quelque chose de charmant. C'est fou comment les enfants peuvent s'amuser avec peu de choses.

 


 
La durée prévue pour cette escale était de 3h. C'est le temps prévu pour décharger les conteneurs pour approvisionner le village et  en prendre de nouveaux pour les transporter plus loin. C'est ainsi que chacun des villages jusqu'à Blanc-Sablon sont reliés au reste du monde sur une distance tout de même étonnante.
 




 C'est impressionnant de voir avec quelle habileté se fait le déchargement et le déchargement. Tout ce que ces hommes réussissent à faire en 3 heures tien du prodige. C'était tout un spectacle à regarder. Mais, ce n'était pas le but de notre voyage. Nous ne voulions pas non plus passer tout notre temps à voir jouer des enfants.  Nous avions l'intention de visiter un peu.

Sauf que... nous avons appris que les visites guidées commençaient la semaine suivante. Imaginez, j'avais réservé un an d'avance. Lorsqu'on m'a appelé à la fin de février 2012, je pouvais choisir n'importe quelle date.

Le principe est le suivant: lorsque vous réservez, on vous met sur une liste d'attente avec le rang selon lequel vous serez appelés pour faire votre choix définitif et payer en conséquence. En février de l'année suivante, on vous appelle. C'est alors qu'on vous demande si vous voulez toujours faire le voyage, si oui quand et dans quelle sorte de cabine. Mais j'ai choisi une cabine avec hublot, douche et toilette. Ça peut être pratique si on a le mal de mer.

 Mais je n'ai pas eu de chance. Je ne savais pas que les visites organisées de villages ne débutaient que la semaine suivante. Laure n'avait pas l'intention de rater l'occasion de visiter. Elle me dit qu'elle avait une idée. Elle n'a pas l'habitude d'en manquer...

A suivre...