dimanche 16 février 2014

Anticosti: Reprendre ses droits


Le Québec reprend ses droits sur des ressources naturelles qui lui appartiennent collectivement et qui doivent profiter à tous les Québécois (Pauline Marois, première ministre du Québec)
Référence : Le devoir - Anticosti

Voir Anticosti

C'´est un coup de maître. Il faut se rappeler que les droits de forage et d'exploitation appartenaient  à Hydro-Québec qui les avait cédé secrètement à l'entreprise privée en 2008. Madame Normandeau, ministre du gouvernement libéral,  n'avait pas voulu dévoiler la teneur de l'entente secrète.


Dorénavant, le Québec détiendra 35 % de la coentreprise mise sur pied pour mener les travaux d'exploration. Pétrolia et Corridor Resources, qui contrôlent la majorité des permis sur Anticosti, devraient détenir chacun 21 % de la coentreprise d'exploration.


Je trouve que c'est une très bonne nouvelle, un bon compromis et un heureux dénouement. C'est encore plus important au moment où le Fédéral nous traite d'incompétents et de dépendants du Canada. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet.  C'est fou de voir tout ce qu'on dit et ce que l'on ne dit pas. Dans les reportages que j'ai vus, on est souvent loin de la vérité.

On a écrit que tout avait été essayé pour rendre Anticosti autonome et ce, sans succès. Ce que l'on n,a pas dit, c'est qu'on a tout fait pour empêcher l'industrie touristique florissante sur l'ile. Le potentiel était énorme. Et le terme est faible. On voulait garder les touristes loin... Du moins, tout semble en donner l'impression.


Anticosti, Port Menier 2010, cours de l'hôtel
Ma meilleure contribution, je veux l'apporter en remettant ici, regroupés en deux billets, ceux que j'avais laissés lorsque j'avais visité l'ile en 2010. Depuis le seul hôtel où nous étions hébergé à Port Menier a été rasé par un incendie. Il n' jamais été reconstruit. Le kiosque à Havre-Saint-Pierre pour des visites à l'Ile, on l'a retiré en 2011.



Anticosti 2010:



Je garde de mon séjour sur l'Ile d'Anticosti un souvenir inoubliable, riche en émotions de toutes sortes. En fait nous avons connu toute la gamme des émotions en 3 jours:
  1. L'extase
  2. L'émerveillement
  3. La curiosité
  4. L'indignation
  5. La révolte
  6. Le regret

Déjà, à notre arrivée, des cerfs de Virginie en liberté sur le terrain de l'Hôtel nous souhaitaient la bienvenue et se laissaient approcher facilement. Je n'ai eu aucune peine à prendre cette photo et plusieurs autres du genre par la suite. Les cerfs semblaient même se donner des airs pour avoir l'allure plus photogénique. L'Ile d'Anticosti compte 240 habitants et 170 000 cerfs de Virginie aux yeux doux.

Mon emballement, si fort fut-il, était parsemé d'embuches. C'était l'heure du souper. Nous aurions dû être sur l'Ile à 8h15 et non à 17h. Le repas du midi était compris dans le forfait ainsi qu'une visite guidée. Notre gentille hôtesse nous proposa de prendre le repas du soir et ensuite la suivre pour assister à un coucher de soleil qu'elle allait nous commenter.



Nous commenter le coucher de soleil? Le problème, c'est que le ciel s'était recouvert de nuages gris. Mais le bon Dieu a été de notre bord. L'expédition de soirée fut féérique. La route et les champs étaient bondés de chevreuils en liberté. Par moment, nous pouvions en voir plus d'une vingtaine en même temps. Et quelques renards disparaissaient en vitesse devant nous. Cliquez
Le décor était spectaculaire. Nous avons vu de vieilles constructions du premier village de l'Ile: Baie-Sainte-Claire. Il ne reste que deux bâtiments. On a dû déplacer presque tous les bâtiments parce que la baie choisie pour établir le village n'était pas pratique. Il y avait trop de récifs et il était impossible de s'approcher des côtes à marée basse. Le territoire entourant l'Ile d'Anticosti fut baptisé de plusieurs noms dont Le cimetière du Golfe Saint-Laurent. Il y eut plus de 400 naufrages depuis la découverte de l'Ile par Jacques Cartier en 1535. On nous avait promis un coucher de soleil comme activité. Nous avons été plus que comblés. J'ai trouvé le spectacle tellement grandiose que j'ai fini par apprécier le retard de l'avion réservé pour nous amener sur l'Ile. Le soleil avait même dessiné une croix sur les flots comme pour nous suggérer que des miracles pouvaient toujours se produire. Finalement, je me suis dit que le hasard avait bien fait les choses. J'ai ajouté qu'il faut lui faire confiance, faire preuve de souplesse, croire en la bonté divine, etc. L'émerveillement Chute Vauréal, Anticosti, août 2010 L'Ile d'Anticosti a tout pour fasciner. Elle m'a séduit, émerveillé, intrigué, bousculé dans mes principes. C'est un phénomène unique en son genre en Amérique. Il y a peu d'endroit au monde qui ont conservé un paysage sauvage naturel sur une si grande étendue: 17 fois l'Ile de Montréal, soit 222 km par 56 km. On dit même qu'il y a sur l'Ile d'Anticosti une des plus grandes concentrations de fossiles au monde, témoin d'un passé riche en espèces animales embryonnaires. En même temps, c'est un puissant symbole qui témoigne de la bataille de l'homme à la fois pour et contre la nature. La chute Vauréal, c'est un peu l'emblème de l'Ile d'Anticosti. Avec ses 76 mètres d'altitude, l'équivalent d'un édifice de 15 étages, elle représente la 2è chute en importance au Québec, après la chute Montmorency haute de 83 mètres. Si vous avez remarqué, il y a une différence marquée avec la photo de la chute prise en 2005 et celle que j'ai prise en juillet dernier. Le débit a beaucoup diminué. On a remarqué le même phénomène pour la chute Montmorency. Certains accusent les changements climatiques provoqués par l'homme. Vérité ou mensonge? Accusation alarmiste? L'avenir le dira. Mais une chose est sûre: le manque de précitation de 2010 a affecté le niveau des cours d'eau. La chute Vauréal se trouve dans un environnement naturel exceptionnel: un des canyons parmi les plus impressionnants en Amérique du Nord. Il s'étend sur 3 km de long. Il fourmille de fossiles. Et on peut aller y tremper les pieds en famille. Imaginez l'euphorie! Rivière Vauréal La nature est grandiose, accueillante et sauvage à la fois. Y faire des randonnées en famille dans le calme a quelque chose d'unique. On se croit seul au monde, à l'abri de tous les conflits et problèmes de la terre. Même les animaux semblent se sentir en sécurité. Et c'est peut-être parce que la présence de l'homme est si limitée que tout est si en harmonie. Quoique...

Paradoxalement, une si grande ile n'a jamais pu être largement peuplée parce qu'elle était trop inhospitalière. C'est comme si la nature, en ce lieu, avait trouvé le moyen de tenir l'homme à distance pour se protéger. L'homme ne pouvait s'approcher de l'Ile sans y risquer sa vie. On compte plus de 400 naufrages depuis le passage de Jacques Cartier en 1534.



Après plusieurs tentatives infructueuses pour peupler l'Ile d'Anticosti, l'une d'elles a failli réussir. Et c'était vraiment bien parti. Un des hommes les plus riches de France, Henri Menier avait acheté l'Ile pour en faire un grand terrain de jeu où y pratiquer ses sports favoris: la chasse et la pêche.

Mais il avait aussi de grands projets de peuplement. Le 16 juillet 1895, sans même l'avoir visité, Henri Menier Achète l'ile d'Anticosti pour 125 000$. L'ampleur des investissements qu'il va réaliser pour coloniser ce coin de terre sera unique et va surprendre tout le monde.




Château Menier

On ne peut parler de l'Ile d'Anticosti sans parler d'Henri Menier et bien comprendre le personnage. Il était le fils du non moins célèbre et engagé Émile-Justin Menier. En 1895, le meilleur moyen d'être riche, ce n'était pas de cultiver du pot, de la mari, du pavot, du crack, des peanuts. La grande était au chocolat. C'était hyper sexé et full payant! La graine de cacao avait été découverte par les mayas en l'An 600 de notre ère. Et dès le départ, on lui prêta des vertues spéciales, spirituelle, voire même aphrodisiaques. Les nobles d'Europe éprouvèrent à son égard un véritable engouement. J'en fis même le thème d'un travail de recherches dans mes années de Collège à St-Hyacinthe. C'est donc dire que le hasard a voulu que je m'intéresse à la question depuis longtemps.

  Il faut attendre au XIXè siècle pour que le chocolat puisse devenir accessible à tous. Et ce fut grâce à Menier. C'est lui qui développa la technique pour fabriquer du chocolat en tablette. Auparant, le chocolat ne se prenait que comme breuvage. Menier s'associa ensuite à un certain monsieur Nestlé, l'inventeur du lait en poudre. Rien à voir avec la popularité de la poudre que l'on vend présentement dans les bars. Mais aussi payant pour l'époque. Vous l'aurez deviné, c'est ainsi que prit naissance la chocolaterie Nestlé. Il ne faut donc pas se surprendre de savoir que Menier, le milliardaire, ait voulu se faire construire un château en arrivant sur l'Ile d'Anticosti.





Il possédait déjà de nombreux château en Europe dont celui de Chenonceau dans la vallée de la Loire. De nos jours, on se serait demandé s'il avait des liens avec le milieu de la construction. Il possédait un autre château qui portait, par hasard, le nom de la chute de l'Ile d'anticosti: Vauréal. D'accord, le château de l'Ile d'Anticosti était plus modeste. Pour Menier, ce n'était qu'un pavillon de chasse. La construction du château, commencée en 1903 a tout de même coûté 100 000$, soit presque le même prix que toute l'ile en entier. Et l'inauguration du château se fit en grandes pompes. Lord Grey, le Gouverneur général du Canada faisait même parti des invités.

  Le château comptait 30 pièces richement meublées. Des tourelles du château, Menier pouvait admirer son ile et les chevreuils grâce à un télescope naval. Il impressionnait beaucoup dans le paysage où se trouvait aussi l'auto d'Henri Menier en 1905. Ce dernier n'y séjourna que 6 fois. Menier aimait bien recevoir et bien loger ses nobles amis qui l'accompagnaient à ses excursions de chasse et de pêche.



Une si belle histoire, un si beau patrimoine allait cependant connaître une bien triste fin. Sur un paneau, devant l'ancien site du château, on peut lire: En 1953, les dirigeants de la Consolidated Bathurst font incendier l'édifice devenu dangeureux. J'ai été étonné de voir comment on avait l'art de toujours maquiller la réalité pour être politiquement correct. J'ai eu le plaisir d'entendre la vraie histoire de la bouche d'un historien très au fait de l'histoire de l'Ile et de la Côte Nord. Sa version correspond aussi aux témoignages que j'ai entendus plus tard sur l'Ile. Après la mort d'Henri Menier, le 6 septembre 1913 à Vauréal (Val-d'Oise), ses descendants n'ont pas voulu garder l'Ile qui avait englouti une trop grande partie de la fortune d'Henri Menier. C'est la forestière Consolidated Barhurst qui en a fait l'acquisition en 1928. Pour le nouveau maître des lieux, l'édifice n'avait pas d'intérêt. On s'en servait comme entrepôt. Et des jeunes de l'Ile aimaient bien y faire la fête. On avait même découvert une cave à vin où Menier avait rangé une collection précieuse de grands crus. Whow! Ils ont dû se payer la traite. On craignait les accidents et les poursuites qui pouvaient s'en suivre.

  Le représentant de la Consolidated Bathurst déclara qu'il n'avait pas été engagé pour faire l'entretien des bâtisses historiques, mais pour faire couper du bois. Il en fit couper et mit le feu au château. Une façon de couper les coûts comme on en voit encore aujourd'hui. Les critères des coupures sont encore aussi discutables. Des mauvaises langues ont aussi prétendu que le château rappelait trop une époque où les gens étaient mieux traités que sous le rêgne de la papetière. Henri Menier faisait, par exemple, vacciner gratuitement tous les habitants de l'Ile dont le nombre dépassait celui d'aujourd'hui. On en parlait avec nostalgie en disant: "Dans le temps de Menier... " Ces réactions agaçaient au plus au point les maîtres de la Consolidated Bathurst. C'est ce qui aurait précépité la fin du château.

Avant
Après Inutile de vous dire que j'ai été probablement ébranlé pour les ruines que j'ai pu observer. Ébranlé est un terme très faible. Des jurons typiquement québécois seraient beaucoup plus appropriés à la sitautation. Le pire, c'est qu'il n'y a pas eu que le château qui a été rasé, détruit. Je vous parlerai de d'autres désastres, d'autres destructions et d'autres dangers que l'on fait courir à l'ile.

 On nous a dit ici qu'on n'avait jamais vu autant de machinerie lourde débarquer sur l'ile en même temps. La nature, le patrimoine, la poésie, la mise en valeur du territoire, ce n'est pas le point fort de nos représentants politiques actuels. Et les dégats seront bien souvent irréversibles. Déjà, on dit dans certains milieux que l'Ile d'Anticosti n'a pas beaucoup de potentiel touristique. Et oui, elle a tu potentiel! Nous avons pu bénéficier cette année d'une formule intéressante, accessible à la majorité des citoyens. Le voyage en avion de l'aéroport de Havre-Saint-Pierre à celui de l'Ile d'Anticosti permettait une formule à 499$ par personne comprenant: le coût du billet d'avion aller-retour, une chambre d'hôtel plus que très convenable, 3 repas gastronomiques par jour, des visites guidées sur l'ile dans des mini van confortables. Dans notre cas, nous avions une suite et des meubles provenant de l'ancien château Menier. Imaginez notre chance! Nous avons été parmi les derniers à bénéficier de ce forfait. L'an prochain, il faudra payer plus cher pour possiblement moins de services. Je conviens que la formule actuelle commandait certains ajustements. Mais on a souvent trop tendance au Québec à jeter le bébé avec l'eau du bain (Das Kind mit dem Bad ausschütten). Mes prochains billets feront état des dommages causés par l'homme et de ceux qu'on s'apprête à faire de façon irréversible, autant pour l'Ile d'Anticosti que sur la Côte-Nord et les régions les plus rustiques du Québec. Sans vouloir être alarmiste, je veux tout de même contribuer à une sensibilisation sur les enjeux importants de la région. Je le fais pour une raison bien simple: j'aime la Nature et la Côte-Nord. Et je crois que l'expression populaire peut être efficace quand elle s'exprime clairement. Un article intéressant de l'actualité: On dort au gaz. gasland Vidéo sur Youtube montrant le débarquement en juin 2010 de matériel de forage http://www.youtube.com/watch?v=-PhvQIZJ5S4 À suivre... On a dit qu'il était impossible de coloniser et peupler l'Ile d'Antiscosti. Il faut dire qu'avant Menier, 29% de l'Ile était couvert de tourbières, comme on en trouve beaucoup près de Havre-Saint-Pierre. Et pourtant le recensement de 1881 indique qu'il y avait 660 habitants sur l'Ile. Il en reste aujourd'hui 240 pour 170 000 cerfs de Virginie en liberté. Menier fit de l'Ile d'Anticosti une localité moderne. L'Ile avait son médecin, son hôpital, une église, 3 scieries, 2 fermes, des routes cartographiée, un chemin de fer, un bureau de poste, un poste de lélégraphie et de téléphonie, un magasin général, une meunerie, un poste de police, une porcherie, une beurrerie, des ateliers de plomberie, une forge, bref une microsociété indépendante et autosuffisante. On a dit qu'Anticosti n'avait pas de potentiel touristique. On avait cru qu'Anticosti n'avait aucun potentiel agricole. Et pourtant, Menier a réussi tout un tour de force. Non seulement a-t-il installé une ferme sur l'ile pour y amener l'automie alimentaire. Mais il avait développé une agriculture moderne. L'ile comprenait deux fermes avec des terres enrichies avec des engrais fait de couches chaudes et de goémon (algues laissées par le retrait des marées). Il a même réussi tout un exploit: Anticosti avait obtenu le premier prix agricole de Montréal en 1904. Il fallait le faire! Les fermes comprenaient 400 têtes de bétails en 1913. Il y avait des vaches, des porcs, des chevaux, des dindes, des oies, des moutons. Lorsqu'il voulait quelque chose, Menier y mettait le prix et il avait les moyens de le faire. Il avait même installé un système de rails permettant de nourrir 90 porcs à l'heure. Bientôt, de nouvelles familles vinrent s'installer à l'Ile d'Anticosti. Menier avait besoin de leur aide. Il y avait du travail pour tout le monde. Et Menier, qui ne manquait pas de moyen les payait avec de la monnaie frappée à son effigie. Quand on parcout l'Ile, on est surpris de trouver des vestiges d'outils et d'équipements agricoles imaginés et réalisés sur place. J'ai pu ainsi photographier, cette drôle de machine en ruine qui servait à compacter des cubes de foin pour les entreposer. On voit très bien les palettes qui servaient à compresser le foin à l'aide d'un moteur. Baie Sainte-Claire On retrouve ces équipements de ferme tout près du premier village que Menier avait choisi de dévelppement: Baie-Sainte-Claire (nom donné en l'honneur de sa mère). L'endroit était charmant. Mais il y avait un problème. La Baie était impraticable par bateau à marée basse et les récifs rendaient l'endroit trop risqué. Menier a donc fait déménager la centaine de maisons qui s'y trouvaient. Elles ont été relocalisées dans une localité que Menier appela village Port Menier. Baie-Sainte-Claire Maisons classées historiques On n'a conservé que deux maisons qui sont déclarées aujourd'hui monuments historiques. De vraies cabanes au Canada.

Les deux fermes permettaient à la population de l'ile d'être auto-suffisante. L'économie était assez forte pour supporter le peuplement. L'infra-structure avait été mise en place. La voie ferrée permettait aussi à des industries de prospérer puisqu'elle permettait un bon accès à la mer. L'industrie forestière en a largement profité même du temps de Menier. Cette industrie prospère encore. La chasse et la pêches sont également encore florissantes. Mais pour le reste, au plan social, il ne reste plus beaucoup de vie. Il n'y a plus de ferme, plus d'agriculture comme si ça ne pouvait exister. Tout a disparu.

 Et pourtant, Menier avait cru à ce potentiel, l'avait développée de façon admirable. C'est comme si on voulait prouver que cette terre, de la grandeur de la Corse, était inhabitable. C'est comme s'il ne fallait pas rendre l'ile trop attirante pour les touristes. Les routes ne sont pas couvertes d'asphalte, sauf à Port Menier. Les risques de crevaison sont très présents. Et il y a pire. On croise régulièrement des camions qui circulent à des vitesses folles. Les arbres en bordure de la route sont couverts d'une poussière blanche à faire pleurer. C'est comme s'il y avait urgence d'attaquer le paysage avant qu'on ait conscience des dégats qu'ils font. Ce n'est peut-être pas le cas. Mais c'est le sentiment que j'ai ressenti. Et je me suis senti profondément agressé.

 L'ile éblouit par sa nature calme et tranquile. Et j'avais l'impression que des monstres sur roues venaient bêtement rompre le charme. On nous a dit qu'il était impensable de faire recouvrir les routes d'asphalte parce que ça coûterait trop cher. On n'a pas l'équipement nécessaire et les coûts seraient trop exorbitants s'il fallait faire venir l'équipement nécessaire. Mais pour creuser des puits de pétrole, les coûts ne semblent pas un problème. Voici le genre d'équipements qu'on a fait descendre sur l'Ile. Machinerie de Forage Ile d'Anticosti juin 2010



On a beaucoup crtiqué Menier pour ses extravagances, entre autre son aventure anticostienne où il a englouti une partie de sa fortune. Il n'avait été que 6 fois sur l'ile. Mais on a oublié de parler de tout ce qu'il a donné aux infortunés habitants qui s'y trouvaient à son arrivée. Il a crée des industries, des infrastructures, du travail pour tout le monde, une hôpital, une école, des routes, un chemin de fer, etc. Rien à voir avec la désolation que laissent les compagnies minières, forestières et pétrolières lorsqu'elles plient bagage. Peut-on avoir du coeur si on a de l'argent? L'histoire qui suit vous en donnera une idée. Voici un texte savoureux d'une dame qui a rencontré Henri Menier par hasard, lors d'une soirée à l'opéra. Vous y découvrirez un côté charmant de la personnalité de Menier, homme du monde http://pone.lateb.pagesperso-orange.fr/thyra.htm
Il s'agit d'un beau roman d'amour qui finit par un mariage? Il faut lire pour savoir.
Et je vous dirai bientôt pourquoi j'ai été si triste après avoir tout lu.



A suivre...


vendredi 7 février 2014

Effacer l'histoire qui dérange

On peut décimer des générations entières, raser leurs maisons. Elles se relèveront. Mais on ne peut détruire leurs monuments et leurs œuvres d'art, car c'est détruire leur histoire, nier qu'elles ont déjà existé. (The Monoments men- Bande annonce)


Voir aussi autre présentation du film



Le dépôt par le gouvernement du Parti Québécois de la Charte sur la laïcité, appelée aussi Charte des valeurs, a provoqué tout un débat que plusieurs ont qualifié d'inutile.

On a aussi douté de la pertinence de parler de l'importance de reconnaître la protection du patrimoine puisque par le biais de celui-ci on semblait vouloir donner un statut particulier aux signes religieux appartenant à la religion chrétienne. Et pourtant s'il y a un sujet dont il faut parler, c'est bien celui-là. Ce n'est pas quand la situation sera explosive qu'il faudra y penser.

Je ne veux pas ici parler du patrimoine en opposition à quelques valeurs ou cultures que ce soit. Ce qui m'a poussé à vouloir vous parler de patrimoine, c'est ce que je vois de ma cuisine quand je fais la vaisselle après chaque repas. Vous avez noté? C'est moi qui la fais.

D'accord, l'arrière d'une église, ce n'est pas son meilleur côté. Mais c'est ainsi que je la vois tous les jours. Il y a longtemps que je ne vais plus à l'église régulièrement. Mais là... vous comprenez que je n'ai pas le choix.

Je suis confronté avec cette  réalité tous les jours. Et comme vous savez que mon blogue a pour thème principal le hasard et la synchronicité,  alors vous comprenez vite que ça brasse dans ma tête. Comment se fait-il que je me trouve là, si près?  Pour aller à l'église, pas besoin d'un détour improvisé, elle est dans ma cour. Et je me suis souvent plu à dire: Rien n'arrive pour rien. Ici, je vous permet de sourire un peu. Il ne faut rien prendre trop au sérieux, particulièrement lorsque la vie semble nous forcer à l'être.

Bar l'Écoutille, Havre-Saint-Pierre
Les incidences du hasard sur notre vie, ce n'est pas encore l'objet de ce billet. Il ne vise pas à vous dire si je me suis laissé tenter par l'idée d'aller à la messe ou pas. On ne choisit pas ses tentations et il n'est pas nécessaire de les exposer en public. Je me contenterai uniquement de vous dire que la demeure où je me trouve est entourée d'occasion de tentations.

En effet, la vue d'une autre fenêtre donne directement sur un bar terrasse où, semble-t-il il y a d'autres sortes de tentations. Face au bar, il y a la mer ou plus exactement, l'estuaire du Saint-Laurent parsemé d'iles magnifiques à cet endroit: les iles de l'Archipel Mingan.


Revenons à notre église. La paroisse a plus de 150 ans. Mais l'église ne fait pas parti du patrimoine. Elle est trop récente: 1962. Ne cherchez plus l'évêcher, le couvent, l'église patrimoniale, le presbitère, le cimetière des anciens. Tout a disparu. Je ne prétends pas que cette municipalité de Havre-Saint-Pierre n'a pas de charme. Au contraire! Je suis tombé en amour avec elle. Mais. je suis triste un peu de voir tout ce qu'on aurait pu préserver.


Havre-Saint-Pierre janvier 2014

Personnellement, les petites églises aux clochers effilés, je crois qu'il donnent une charme fou à tous nos petits villages. Celle de Havre-Saint-Pierre avait beaucoup de cachet.

En regardant des photos anciennes de Havre-Saint-Pierre, je me demandais ce qui avait bien pu se passer. Laissez-vous aller dans un petit voyage dans le temps.

À droite:le couvent;
en allant vers la gauche: l'église et e presbytère.
Tous ces édifices ont disparu.


Y avait-il eu un incendie, une guerre ou même un tremblement de terre, un kamikaze né avant son temps? Non. Il y avait eu un curé: le Père Simon Larouche. Depuis des années les curés avaient ramassé de l'argent à la quête du dimanche, quête qu'ils appelaient la part de Dieu.

On voulait remplacer l'église en bois, avoir une plus belle maison pour Dieu et avoir plus de places. Pourtant, cette église avait beaucoup de charmes. Elle était de plus le témoin vivant d'une bien belle époque où s'étaient succédées plusieurs génération. Certains habitants de Havre-Saint-Pierre avait le coeur brisé à l'idée de voir disparaître l'église de leurs ancêtres. Mais personne n'aurait osé contredire le curé.

Les premiers habitants de Havre-Saint-Pierre étaient de souche acadienne et venaient des Iles de la Madeleine. Un an et demi après la fondation de leur village, les chefs de familles, au nombre de 23 décidèrent de construire leur première chapelle. C'est impressionnant de voir comment les premiers habitants d'un territoire de Nouvelle France se retroussaient vite les manches pour se donner une chapelle, une église. En janvier 1859, malgré un hiver très froid, ils se mirent à la tâche, coupant le bois nécessaire. Elle fut terminée la même année.

De nos jours, on détruit des églises parce qu'on manque de fidèles. À cette époque, on en détruisait parce que les églises étaient trop petites.

Au mois de mai 1961, l'église des anciens fut démolie. Avec les années, la fabrique avait accumulée un fond de 125 000$ qui devait servir à la construction d'une nouvelle église.

Le 5 mai, le curé Larouche arriva sur le bateau de la compagnie Komo construction de Québec. Il n'y avait pas de route pour se rendre à Havre-Saint-Pierre avant 1974 et les rues ne portaient pas encore de nom. En 1953, il y avait aussi un aéroport situé sur l'emplacement actuel du Centre d'achat, à 10 minutes, à pied, de la mer.
Le Père Simon Larouche avait l'argent et le contrat de construction. Mais la compagnie Komo Construction sortit un lapin de son sac: elle chargeait un montant additionnel de 12 000$ pour démolir l'église. Le curé demanda donc avec insistance à tous les paroissiens de participer à une grande corvée de démolition le 6 mai. Il était trop tard pour reculer. Le contrat était signé. Tout le monde devait être présents. Aussitôt la messe terminée on se mit à la tâche.

Voici le récit que l'on trouve dans le programme souvenir du 125 anniversaire de la paroisse à la page 61: Le premier qui arriva à la sacristie fut papa: monsieur Frédéric Jomphe. Je demande à papa de décrocher l'horloge et de l'apporter à la salle paroissiale. Puis arrivaient Paulo Landry, son frère Joseph et quelques autres avec des barres à clous, des haches, des marteaux. Après quelques réflexions, on décida de commencer par les confessionnaux en faisant attention aux vieux péchés qui pouvaient avoir été oubliés àa l'intérieur de ces murs.

Puis de là, les gens arrivaient par groupe avec leurs outils de démolition. Dans peu de temps, 75 étaient arrivés sur les lieux et se mirent en marche par le dehors et le dedans. Des soutanes, des crucifix, des cadres, des chandeliers, enfin tout le bagage d'une sacristie en service depuis près de 100 ans.

Vers 13h30, par groupes de 15 ou 20, il y avait environ 150 gars qui étaient arrivés. Le Père Le Gresley est venu pour sortir le St-Sacrement à travers les bancs cassés et les débris de bois déjà accumulés dans les allées avec un vacarme d'enfer. Il a fallu 11 minutes pour sortir les bancs attachés au plancher. Puis ce fut les fournaises, l'orgue, les cloches...  Vers 6h, l'église avait bien triste mine,il ne restait que sa carcasse (...)
Le 15 avrill 1962, dimanche des rameaux, la nouvelle église est ouverte au public pour la semaine sainte.


 Voilà pour la version officielle. En venant ici, en janvier 2014, nous nous sommes arrêtés chez des amis fort sympathiques, qui nous ont hébergés pour la nuit à Sept-Îles à cause du mauvais état des routes et de la poudrerie qui nous faisaient craindre le pire.

Élie nous a dit qu'il faisait partie du groupe de volontaires obligés à contribuer à la démolition de l'église. Je lui ai dit que ça me scandalisait de voir qu'on ne respectait pas davantage notre si beau patrimoine. Sans hésiter, il m'a dit:

"On n'avait pas le choix. Nous étions tellement pauvres. C'est le même problème aujourd'hui. Il y a beaucoup d'autres églises qui devront être démolies faute d'argent. L'église de Baie-Johan Beetz, par exemple. Elle est bien belle. Mais où va-t-on trouver l'argent?"

Église de Baie-Johan-Beetz
L'église de Baie-Johan-Beetz, c'est une véritable merveille bien intégrée à la nature, tout près du château et de la mer. Elle a été construite sous l'initiative de Johan Beetz. Très riche, cet homme remarquable d'origine belge a fait construire l'église et le château.

Penser que cette église peut disparaître parce qu'on n'a plus les moyens de conserver ces joyaux du passé, c'est un peu triste. Il faut la voir, entrer à l'intérieur, pour en saisir la valeur et sentir les émotions qu'elle fait naitre chez tout visiteur qui s'y présente.

On ne pourra plus jamais rattraper tout ce qu'on laisse aller, voir même dépérir, dans une sorte d'indifférence totale. Pire encore, on provoque presque la démolition de tous ces éléments du patrimoine. Non seulement on ne consacre pas de ressources pour les entretenir, on fixe des taxes que plus aucune communauté ne peut supporter. Des promoteurs immobiliers se pointent vite, flairant de bonnes affaires, font tout raser et construisent des édifices sans âme après avoir fait disparaître toute verdure et des arbres souvent centenaires, derniers témoins d'une époque héroïque dont nous devrions être fiers.

Ces églises que l'on trouve normal et équitable de taxer, elles ont souvent été l'œuvre des habitants de la place. Elles sont été construites grâce à leur savoir faire, la force de leurs bras de leurs convictions. Ils rendaient ainsi service à leur communauté.

Mais de nos jours, nos représentant veulent mettre un prix à toutes nos réalisations, même aux cadeaux, afin de pouvoir en tirer profit. Pour qui? pourquoi? On ne s'intéresse plus à l'histoire à moins d'y trouver un moyen de la manipuler à son avantage.

On peut décimer des générations entières, raser leurs maisons. Elles se relèveront. Mais on ne peut détruire leurs monuments et leurs œuvres d'art, car c'est détruire leur histoire, nier qu'elles ont déjà existé. (The Monoments men- Bande annonce)
Paradoxalement, je suis pour un état laïque. Trop d'abus peuvent survenir quand l'État affiche des couleurs religieuses. Trop de dérapages peuvent survenir au nom de Dieu lorsqu'on montre une trop grande ouverture. Les droits juridiques collectifs et sociaux ne devraient jamais être limités par des croyances religieuses.

Actuellement, l'église que je vois par la fenêtre en lavant la vaisselle, elle se cache un peu sous un manteau d'hiver de plus en plus imposant. On dirait qu'elle veut se faire discrète, et je crois que c'est bien ainsi. Les signes trop ostentatoires, peuvent éloigner plus que rapprocher.

Se sentir libre de ses choix, c'est essentiel pour en faire. Je fais confiance aux jeunes pour le reste. Nos milliers de tablettes et de cellulaires se chargent déjà de documenter l'histoire qui se dessine maintenant.


Peu après avoir publié ce blogue, j'ai pris connaissance avec plaisir d'une décision politique capitale qui me rassure: l'importance que l'on veut à nouveau donné à l'enseignement de l'histoire. Le gouvernement Marois veut y apporter beaucoup plus d'importance et surtout laisser la matière entre les mains des historiens diplômés.

Voir Le Devoir, enseignement de l'histoire