dimanche 2 octobre 2011

On ne change pas vraiment

Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles.[William Arthur Ward]
Je ne vous dirai pas : changez de caractère ; Car on n'en change point, je ne le sais que trop. Chassez le naturel, il revient au galop.[Destouches]
Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements.[Charles Darwin]
Le 12 août dernier, j'avais écrit un billet qui s'intitulait tout simplement: changer. Je constate que j'en avais écrit un il n'y a pas si longtemps qui s'intitulait: qu'est-ce qu'on attend pour changer?

Et voilà que maintenant, la lecture des commentaires suite à mon dernier billet me rappelle qu'on ne change pas vraiment. Zed me parlait de ma façon d'écrire mes billets. Et j'ai réalisé que je le faisais déjà à l'âge de 13 ans. Impossible? Vous pensez que je veux me rajeunir en laissant croire que les blogues existaient lorsque j'avais 13 ans?

Le mot de Zed m'a rappelé un phénomène que j'avais presque oublié. C'était en 1957, l'année du décès de ma soeur Nicole. J'aurais toutes les raisons du monde de retenir de cette période comme une époque triste et malheureuse. Et pourtant, j'y pense avec nostalgie. Ma tante Jacqueline est venue habiter avec nous, avec ma mère en 1958. Elle a été également pensionnaire chez les religieuses pendant son cours d'infirmière. Elle en parle comme la plus belle période de sa vie.

J'étais pensionnaire, en 1957, dans un établissement qui n'existe malheureusement plus: le patro de St-Hyacinthe. L'endroit était superbe. Il était tenu par les frères et les pères St-Vincent de Paul dans un ancien château légué par le seigneur fondateur de St-Hyacinthe. Tout a été détruit pour faire face à du béton horrible: des HLM sans âme.

L'endroit habitait des pensionnaires. Mais c'était aussi une centre culturel et sportif qui pouvaient accueillir, en externe, plusieurs adolescents de la ville qui comptait environ 30 000 habitants à l'époque. On pouvait pratiquer une foule d'activités les plus diverses selon ses goûts et ses talents.

On pouvait pratiquer du hockey en hiver, du baseball en été. Ce qu'il y avait de merveilleux, c'est que la compétition n'était pas le principal mobile. On jouait pour le plaisir. On ne se promenait pas d'une ville à l'autre. Si on voulait jouer au hockey par exemple, le frère Durocher nommait deux capitaines. Chacun se choisissait un joueur à tour de rôle. À la fin de la partie, il y a avait un vainqueur. Et le lendemain, on recommençait le même stratagème comme si la partie de la veille n'avait jamais existée.

Mon frère Michel, en costume de parade,
au Patro de St-Hyacinthe

On pouvait jouer au tennis sur table, au billard, au ballon volant, au ballon chasseur et à bien d'autres choses encore. Certains jouaient même au docteur.

On pouvait apprendre la musique. Chaque Patro avait un corps de tambours et trompettes. Mon frère Michel en faisait d'ailleurs partie. Chaque année, il y avait une grande parade à Québec ou ailleurs où les différents corps de clairon se faisaient compétition. Il en faut toujours un peu. Une fois par année, c'est pas un péché.

On pouvait lire. Il y avait là une bibliothèque fort bien garnie où l'on pouvait emprunter des livres et lire sur place. Il y avait plusieurs collections de livres dont la collection complète des livres de Tintin. On faisaient la présentations de films, de très bons films.


Les frères aimaient tout particulièrement nous présenter des films d'Errol Flynn qui avait pourtant une vie privée très loin de la moralité chrétienne. L'Aigle des mers m'avait tout particulièrement amusé. On peut d'ailleurs en voir un extrait sur le lien qui précède. C'est fou de voir tout ce que la technologie permet de voir de nos jours. J'avais également été impressionné par le film Michel Strogoff, le roi des Tartares, avec Curd Jurgens.

Il y avait des messes, des sessions de confessions, des vêpres, des récitations de chapelet et bien d'autres choses tout aussi amusantes. Mais le clou de la soirée, c'était sans contredit les histoires du frère Durocher. Il a avait des collections de livre de Tintin et autres volumes de bandes dessinées présenté sur écran avec toutes les images du livre. Plusieurs Frères que j'ai connus étaient de véritables conteurs, bien avant Fred Pellerin.

Personnellement, j'aurais pu privilégier n'importe quelle activité. J'en ai choisi une qui était dan ma nature et la développer: écrire des billets avec des idées et des images. Évidemment, il n'y avait pas d'ordinateur en 1957. Mais il y avait au mur un babillard où les frères affichaient des textes de toute nature. J'avais suggéré et obtenu d'y avoir une chronique hebdomadaire. Je regardais des revues, comme par exemple Le Time Magazine. Je découpais des images qui me fascinaient et je m'organisais pour broder un texte susceptible de justifier et mettre en valeur la présence des images que j'avais choisies. S'il n'y avait pas de liens, j'en trouvais. C'était mon plaisir.

Je crois qu'on est très tôt ce que l'on est appelé à devenir. Et on ne change pas vraiment. On ne change pas sa nature. On s'adapte. On ne peut que mieux se connaître mettre en valeur ce qu'on a de mieux et composer le mieux possible avec ses faiblesses. On en tous un peu beaucoup des deux. On a les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts. Les reconnaître, c'est beaucoup. S'en accommoder, c'est le défi de toute une vie.


Il m'est arrivé souvent de vivre des difficultés que j'essayais de voir comme la conséquence de quelque chose ou quelqu'un. Avec les années, je me suis aperçu que ces problèmes me suivaient partout. Le contexte avait beau changer radicalement, je ne changeais pas. Et je crois que nous sommes tous ainsi. Non, on ne change pas sa nature. Et on peut encore moins changer les autres. Un narcissique sera toujours un narcissique. Vivre en société, c'est avant tout, je crois, savoir s'adapter et posséder l'art du compromis.