jeudi 16 janvier 2014

Glissade au Nord du 50è parallèle



La Côte-Nord détient du pain, du feu, la simple joie de vivre pour des milliers d’hommes qui ne sont pas nés. Cette terre n’appartient pas aux cultures d’aujourd’hui. Elle se réserve pour les conquérants de l'avenir  (Gabrielle Roy, 1941)
Sherbrooke  janvier 2014

Sherbrooke sous le verglas, 2014
Comme prévu, nous avons repris la route du Nord. Parti de Sherbrooke le 9 janvier 2014, en négociant avec des routes glacées, nous sommes arrivés dans les mêmes conditions. Mais là s'arrête la comparaison. Sherbrooke et Havre-Saint-Pierre sont deux univers totalement différents, mais tout aussi charmants.

La ville de Sherbrooke compte 158 000 habitants. Elle est située près de la frontière américaine et en plein centre des régions les plus peuplées du Québec. Elle comprend deux unniversités prestigieuses: l'université de Sherbrooke (francophone) et l'Université Bishop (anglophone).

Sherbrooke appartient à la région des Cantons de l'Est dont voici les données déographiques:
  • Population : 309 975 (2010)
  • Superficie : 10 195 km²
  • Densité : 29,2 hab./km²
  • Taux de natalité : 10,3 ‰ (2006)
  • Taux de mortalité : 7,6 ‰ (2006)
Havre-Saint-Pierre (3600 habitants) appartient à la région de la Côte-Nord dont les données démographiques sont:


  • Population: 96 861 (2004) 
  • Superficie: 236 700 km² 
  • Densité: 0,4 hab./km²
  • Taux de natalité: 10,8 ‰ (2006)
  • Taux de mortalité: 6,3 ‰ (2006)

  • Source: Institut de la statistique du Québec

    On voit tout de suite une énorme différence entre la densité de la population de la région des Cantons de l'Est et la région de la Côte-Nord. Mais cette différence est encore plus forte qu'il n'y parait. En effet la population de la Côte-Nord se trouve principalement concentrées dans deux villes:
    • Sept-Îles: 28 500 habitants en 2011
    • Baie Comeau: 28 800 habitants.
    Plus loin que Sept-Îles... 11000 habitants sur 800 km de long. Il y a 74 fois moins d'habitants par km² en Minganie où se trouve Havre-Saint-Pierre.



    Route 138, Magpie














    A partir de Baie-Comeau, il n'y a que la 138. C'est la seule voie d'accès. Si la route est fermée, impossible de se rendre à destination par un autre chemin. Lorsque nous sommes passés par là le 10 janvier, en direction de Havre-Saint-Pierre, un peu après Baie-Comeau, un policier faisait ranger tout le monde sur le bord de la route parce qu'elle était trop glacée. On nous a prévenu que quelques autos pourraient circuler passer un peu plus tard.

    Il y avait plusieurs camions en attente. Pour eux, c'est du sport. Entre Baie-Comeau et Sept-Îles, particulièrement près de Godbout, la route est très accidentée.

    Les pentes sont longues. Les camions doivent rouler très vite en descendant afin d'être en mesure de les monter par la suite. Si la manœuvre échoue, ils bloquent automatiquement la route. Impossible de faire escale ou faire demi-tour sans risque.

    Nous avons été les premiers à être autorisés à affronter la route totalement inhospitalière, enneigée et glacées sur des centaines de kilomètres. Des camions ont décidé de défier l'interdiction, après notre départ. C'est ce qu'on nous a raconté. Nous n'avons vu que 2 charrues. Plus tard, nous avons croisé deux ambulances et un auto de police.

    Conduire sur des routes glacées sur de si longues distances, c'est du sport. Une chose était évidente dans bien des sections: il ne fallait pas avoir à freiner sans mettre sa vie en jeu ou plonger dans le décor. Pour ma part, j'avais deux avantages: j'avais une Jeep équipée de pneus Michelin neufs et je tenais le volant. J'étais trop occuper à conduire pour avoir le temps d'avoir peur. Mais Laure était dans une toute autre situation. Elle avait le temps d'avoir peur.

    Nous avons appris un peu plus tard qu'il y avait eu un accident près de Godbout. Ils avaient défié l'interdiction aux véhicules lourds, s'étaient emboutis et avaient provoqué un carambolage avec blessés. Godbout est un endroit stratégique. Il y a un traversier qui relie la rive sud du St-Laurent à la Côte-Nord. Le trajet prend 2 1/2 heures. Il est d'une importance capitale pour alimenter la région et tout le Labrador. Le traversier était paralysé par les glaces depuis plusieurs jours. Des camionneurs avaient perdu près de 15 000$ pour ne pas avoir pu prendre livraison des cargaisons à Godbout. On comprend donc leur empressement à passer défiant même les interdictions sachant que le traversier avait des chances de traverser ce jour-là. En fait il a fallu attendre au lendemain avant qu'il puisse naviguer.

    Pour ajouter au problème, il faut comprendre qu'il n'y a qu'une route pour aller à Fermont et au Labrador: la route 389 qui prend sa source sur la 138 près de Baie-Comeau. Elle est dangereuse, sans asphalte et sans service sur une grande partie de son parcours.
    Il est difficile de comprendre que la Côte-Nord soit si peu peuplée. Le décor est fabuleux et le sous-sol contient des mines de très haute qualité. Le potentiel touristique est incroyable. Mais les moyens de communications sont pénibles. Il existe trois priorités pour remédier à la situations:

    Bella Desgagnés
    1. Poursuivre la construction de la route 138 jusqu'à Blanc-Sablon.
      La route 138 se rend jusqu'à Kégaska depuis l'automne dernier. Tous les petits villages sont reliés par bateau cargo. Mais avec le froid intense et la formation de glaces, ça ne passait plus en début de janvier. Le 11 janvier dernier, il y avait pénurie de nourriture. On manquait de pain et de lait. Voir pénurie de nourriture.
    2. Faire la réfection de la route 389 pour relier Baie-Comeau à Fermont et le Labrador.
    3. Construire un pont pour relier les deux rives de la rivière Saguenay à Tadoussac.
      On en parle depuis 10 ans. Le problème est toujours sur la table au Ministère des Transports.




































    Le perfectionnement de ce réseau est capital. La Côte-Nord possède un potentiel de peuplement presque miraculeux. Si on exclue Sept-Iles et Baie-Comeau, la population diminue. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'elle augment dans le reste du Québec. De 2000 à 2013, La Presse notait cette semaine que le nombre de naissances annuelles est passé de 70 000 à 90 000 personnes par années. On parle de l'urgence de construire de nouvelles écoles à Montréal. Non seulement les naissances augment, il en est de même de l'immigration. Le Canada et le Québec sont très convoités par les étrangers.

    Je n'ai jamais cru au vieillissement de la population à long terme au Canada. Je crois qu'il y aura un ralentissement temporaire avant que la courbe s'inverse. Je me demande parfois qui a avantage à créer toute cette panique autour du vieillissement de la population.

    Encore plus haut, encore plus loin

    Si vous trouvez que c'est loin où nous sommes, regardez où demeure présentement notre amie Monique qui nous avait reçu dans le mur de Fermont. Elle demeure présentement à Inukjuak, dans l'Ungava. L'endroit se trouve vis-à-vis l'inscription Baie d'Hudson, à gauche, en haut de la carte.

    Malgré tout, il y a là une population de près de 1800 habitants. Et la population a augmenté de 20% depuis 2001. Faut le faire!

    Et je loue l'esprit d'aventure de ceux qui vont donner un coup de main dans ces régions.

    Vue aérienne de Inukjuak