vendredi 26 juin 2009

Le quai de la gare


C'est impressionnant une gare. Celle que vous voyez, ce n'est pas une image que j'ai choisie par hasard. C'est la gare de St-Hyacinthe. Tous les mois, durant mon enfance, nous y prenions un train pour la même destination, avec la même émotion.

Il me semble encore entendre le sifflement du train, le bruit des roues de métal sur les rails. Presque trop jeunes pour comprendre dans toute som ampleur le drame qui se jouait, nous revivions chaque mois le même déchirement, la même douleur dans le coeur de ma pauvre mère. Nous prenions le train pour visiter Manon, la plus jeune de mes soeurs. Chaque fois, c'était comme un nouveau deuil. Il me semble revivre la tristesse qui planait dans l'air. Manon ne s'appelait plus Manon. Elle avait reçu un nouveau nom et un nouveau prénom, comme pour mieux marquer la cassure.

Sur le quai de cette même gare, il y a cette photo de ma soeur Nicole avec Yves, d'un an mon aîné.

Elle avait pris trop tôt le dernier train, suite à la grippe asiatique de 1957. Je ne peux voir de gare sans y penser. C'est triste une gare. Pourtant, je sais bien que nous aurons tous un dernier train à prendre un jour ou l'autre.

Le plus ironique, c'est que ce n'est qu'après notre départ que nos proches prennent la mesure de ce que nous représentons pour eux. Le décès de Michael Jackson n'a pas fait exception. Il est parti trop vite, trop bêtement. Et on pleure. On ne trouve plus le qualificatifs assez forts. Certains vont même jusqu'à prétendre que c'est le chanteur du millénaire qui vient de s'éteindre. On se calme!

Je ne peux m'empêcher de citer à nouveau un fait vécu.
Il y a fort longtemps, j'avais été à la messe avec mon jeune fils, aujourd'hui auteur-compositeur-interprète comme plusieurs jeunes de son âge. Il avait peut-être 6 ans. En sortant de l'église, Jean-Philippe, de son vrai nom, m'a dit: Papa, pendant toute la messe j'ai chanté à Jésus, dans ma tête, "Beat it" de Michael Jackson. Penses-tu qu'il a aimé ça?
Je lui répondu: C'est sûr. Il a dû tripper.
C'est beau une âme d'enfant.

Marguerite-Marie écrivait en commentaire suite à mon dernier billet: Aujourd'hui je commence à trouver que même ici en France on en fait un peu beaucoup à propos de M. Jackson...on entend des auditeurs pleurer et allant jusqu'à déclarer avoir autant de peine que s'ils avaient perdu un proche.

Ce commentaire est allé chercher dans ma mémoire un souvenir de 1962. Cette année-là, je suis allé voir un film qui m'a tellement impressionné que je me souviens encore du titre: Gigot. Je me souviens de l'acteur qui tenait le premier rôle: Jackie Gleason. C'est dire jusqu'à quel point l'histoire m'a marqué. Imaginez, j'ai vu le film une seule fois, en 1962 et je le raconte seulement de mémoire, au risque de me tromper un peu.

Gigot, c'est un peu le fou du village, celui que tout le monde accepte, mais qui dérange et fait peur parce qu'il est différent. Le plus grand passe-temps de Gigot, c'est d'aller à des funérailles, même s'il ne connait pas le défunt. Il pleure à chaque fois, ému.

Un jour il vole un morceau de pain pour le donner à une enfant. Toute une meute de villageois part à ses trousses, brandissant les points, des batons et bien d'autres instruments offensifs. Gigot perd pied et tombe dans une rivière. On le prend pour mort. On lui prépare des funérailles. Tout le monde pleure pendant l'homélie au cimetière. On se rappelle son bon coeur. Gigot n'était pas mort. Caché, il pleure en entendant tout le bien qu'on dit de lui. Puis, il sort de sa cachette et se montre le visage comme pour dire: Ne pleurez pas, je suis vivant!

Tout le monde repart à ses trousses de nouveau, les points au ciel en criant et injuriant Gigot. C'est ainsi que finit le film.

Cette situation, on la vit plusieurs fois dans sa vie. Même un départ crée un effet semblable. Après 4 décès en 2 jours (ne pas oublier Roméo Leblanc), voilà qu'un des anciens ministres les plus prometteurs quitte aussi le bateau. Les meilleurs finissent toujours par partir. Et c'est au moment de leur départ qu'on chante leur mérite.

Francçois l'égault était un modèle, mon idole politique. Il savait allier compétence, intégrité et efficacité. Pour moi, son départ est encore plus catastrophique que celui de Michael Jackson. C'est autre deuil à faire. Je ne vois personne pour combler le vide. François Legault a pris un billet aller seulement. Certains disent qu'il pourrait revenir pour une prochaine course au leadership.

Si on revient, après une longue absence, même ceux qui nous ont pleuré ne resentiront probablement pas l'émotion attendue. J'ai déjà connu des amis avec qui j'avais vécu des situations intenses pendant de nombreuses années. En les revoyant, j'ai souvent été surpris de voir jusqu'à quel point toute trace émotive avait disparu.

Le temps ne se rattrape pas. Il est difficile de retrouver ce qu'on a laissé derrière soi.Il faut le vivre intensément pendant qu'il est là. Seul le souvenir peut refleurir avec autant d'éclat. Il permet même d'embellir la réalité.

Sur le quai d'une gare, je préfère marcher sans me retourner.

Après avoir écrit ce billet, suite au Commentaire de Delphinium, j'ai réalisé encore une fois comment le hasard était curieux. Je remarque que mon fils Jipé touche des thèmes et des images qui me collent à la peau. Prenez, par exemple, son dernier vidéoclip tourné dans un train. Il est question de ce que j'appelerais le temps qui casse.

18 commentaires:

Réjean a dit…

Il n'y a vraiment rien à redire à ce que tu viens de nous exposer. C'est à prendre tel quel, et à méditer !

Jackss a dit…

Bonjour Réjean,

C'est drôle parfois comment en poursuivant notre route nous avons tout de même l'impression de repasser dans les mêmes traces.

On dirait que tout me ramène dans la période de ma vie 57-65. L'année 1957, c'est l'année du décès de Nicole. 1965, c'est ma dernière année d'études au séminaire de St-Hyacinthe.

Comme par hasard, la majeure partie de mon temps, je le passe à organiser des retrouvailles avec les anciens confrères de 57 à 65.

Quand j'ai lu le commentaire de Marguerite suite à mon avant-dernier billet, c'est comme si j'avais vu d'un coup dans ma tête le dernier que j'ai écrit.

Et de là, je vois comme un chemin logique à suivre pour les autres billets que j'avais en tête.

Il me semble que j'aurai d'autant plus le goût de m'y aventurer sachant que tu es là.

Réjean a dit…

Quand tu dis penser t'aventurer dans certains chemins, en sachant que je suis là, je t'avoue, Jacques, que tu me fais un peu peur. Je préférerais que tu t'aventures dans ces chemins dont tu parles, en écoutant tes convictions, et non pas parce que moi ou d'autres de tes lecteurs, sommes souvent sur la même longueur d'onde que toi.

Ne sommes-nous pas comme tout le monde ? Trop souvent esclaves d'émotions irrationnelles que nous avons du mal à contrôler.

Personnellement, je refuse d'avoir en moi cette idée, que je sois un exemple de sagesse. Je ne suis pas le « grand Réjean », contrairement à un de tes commentaires sur ton article précédent. J'aime à poser des questions, certes, mais je peux moi aussi être abusé comme n'importe lequel des « citoyens de la base » qui sont victimes de propagandes, même si je suis d'une nature sceptique. Le but d'une bonne propagande est justement de faire un savant mélange de vérités, de faussetés et d'omissions. C'est à nous d'essayer de faire la part des choses.

Pour avoir la vérité, il faudrait être capable de visualiser d'un seul regard, l'entièreté de tous les événements, y compris de ceux qui se cachent dans les coulisses, chose impossible à faire, à moins.... d'être Dieu.

Comme la vérité est une chose impossible à atteindre, nous n'avons d'autres choix que de croire, si on veut, mais en demeurant sceptique.

Jackss a dit…

Soyez sans crainte cher ami,

je ne crois pas me tromper sur tes centres d'intérêt, Réjean. Je suis tout à fait d'accord avec ton angle de vision.

Zoreilles a dit…

Je retiens la dernière phrase de ton billet, c'est un bijou, un beau film, le concentré d'une vie.

Que c'est riche, je crois que je vais la recopier, elle m'inspire.

Jackss a dit…

Bon dimanche, chère amie Zoreilles

Pardonnez-moi si je vous ai offensée. Tout en prenant mon dîner, tout à coup une cloche a sonné dans mon cerveau.

Il m'est venu subitement à l'esprit que j'avais utilisé le nom de Mario Leblanc au lieu de Roméo Leblanc. Le monsieur était un illustre acadien, je ne voulais pas faire outrage à tes nobles origines. Et en plus, le glorieux monsieur a le même prénom que mon père qui est dans les cieux. Puisse-t-il me pardonner lui aussi.

LoupDeVille a dit…

Jackss les gares sont des lieux spéciaux ou sa grouille et que l'on part pour des lieux et vers des gens que l'on aime ou que l'on quittent. J'aime les trains parce que les rails sont symboliques dans mon esprit ils nous amène toujours droit devant sans possibilité de dévier.

Ton billet est superbe

bonne continuation

Jackss a dit…

Loupdeville

Ce que tu racontes illustre fort bien l'influence des mêmes réalités sur nos émotions.

Pour moi, un train, c'est sinistre. Je ne me souviens pas être allé à la gare pour aller chercher ou voir des amis.

Le cinéma ne m'a pas aidé. Je ne dirais pas cependant que je n'aime pas les gares et les trains. Il y a là une ambiance qui ne laisse pas insensible. C'est comme un univers surréaliste. Du dépaysement.

J'ai fait le trajet Paris-Montpellier en 1974. Je fais exception pour ce voyage. Ce seul voyage constitue une aventure en soi.

delphinium a dit…

l'homme est un loup pour l'homme. C'est l'histoire de ce film qui me fait penser à cette phrase. Les gares peuvent être des endroits très tristes c'est vrai. Mais il y a des trains qui peuvent aussi nous amener des visiteurs aimés, qui peuvent nous emmener dans des endroits rêvés. Ne pas garder les mauvais souvenirs en nous mais essayer de cultiver tout ce que nos disparus nous ont donné en héritage.
Voilà à quoi me fait penser votre billet. Je vous envoie mes meilleures pensées.

Jackss a dit…

Delphinium,

J'ai toujours loué le bon sens des Européens pour le développement des réseaux ferroviaires. Pour nous, au Canada, c'est différent. On a tout détruit ce qui avait fait la fierté des générations du début du sicècle dernier.

Les trains d'un océan à l'autre, ce fut un symbole, un défi, un rêve. Puis, on a presque totalement abandonné le service. On a même enlevé les rails, vendu les terrains.

On a prétendu que ce n'était pas rentable. Je crois plutôt qu'on a voulu favoriser l'industrie automobile et l'industrie pétrolière.

Peut-être a-t-on aussi voulu régler le sort d'un syndicat puissant qui pouvait à tout instant paralyser le transport d'un océan à l'autre.

Le seul aspect positif: les terrains vendus ont beaucoup servi à aménager des pistes cyclables sur de grandes distances.

J'aime bien ta vision romantique des quais de gare. Je n'ai aucun souvenir du genre.

delphinium a dit…

jackss: la Suisse est réputée pour être le pays des trains. Il y a des trains partout, qui grimpent les montagnes, qui longent les lacs. On a aussi plein de téléphériques, des funiculaires, des métros.

Si on n'avait pas gardé nos trains de montagnes, beaucoup de régions auraient été désertées, ce qui n'est pas le cas. Et si les trains ne vont pas partout, alors ce sont les bus postaux qui prennent le relais.

je vous laisse ce lien internet:
http://www.tpc.ch/

Si vous cliquez sur AOMC, vous verrez le train que j'emprunte très régulièrement.
Bises

Jackss a dit…

Delphinium,

Je suis allé voir ton lien. J'ai été ébloui. Chanceuse! On ne parle pas du tout des mêmes trains. Ni des mêmes paysages. Il me semble que le bonheur est nécessairement au rendez-vous dans un tel paradis.

Ton commentaire m'a mis sur une piste passée complètement inaperçue. Je remarque encore une fois que mon fils Jipé touche des thèmes et des images qui me collent à la peau. Par exemple, son dernier vidéoclip tourné dans un train. Il est question de ce que j'appelerais le temps qui casse.
On a fait que du vent
Sans toi, je n'aurais pas remarqué. C'est en allant voir tes images de trains de suisse que j'ai pensé aux nôtres, puis à celui du vidéoclip de Jean-Philippe (Jipé). Le hasard est d'autant plus curieux que nous n'avons jamais pris le train ensembles.

Michel a dit…

Une nouvelle fois, Jackss, tu me surprends avec ce billet qui m’a profondément interpelé et touché.
J’ai dû un peu tout reprendre à zéro dans ma tête, ton billet m’y a convié et aidé, et aussi exhumé mes fantômes.
Il est évident que ton rapport au « chemin de fer » avec ses gares, quais, bruits, rails, est un véritable crève cœur bien compréhensible, parce qu’étroitement lié à des traumatismes vécus en enfance, ces traumatismes tellement dévastateurs.
Tu en connais les causes et origines qui te permettent néanmoins, et malgré la douleur qui sera toujours vive, de comprendre et d’avancer envers et contre tout.
Contrairement à toi, pour moi, prendre le train dans mon enfance était un véritable enchantement parce que c’était le seul moyen d’aller voir mes grands parents maternels, et c’est aussi à bord d’un train que j’ai vu la mer pour la première en 1969, après une nuit de voyage, au lever du soleil, entre Marseille et Nice.
Ma mère était issue du village de « Rothau » en Alsace, région qu’elle a quittée pour épouser mon père et le suivre en Lorraine, où je vis encore à environ 250km de là.
C’est peu comme distance, mais à l’époque, c’était le bout du monde que de se rendre une fois par an chez ses grands parents et un bonheur pour moi parce que je les adorais.
Le voyage prenait la journée, toute une expédition, il fallait changer trois fois de train, à Strasbourg pour les 60 dernières kilomètres, prendre la « Micheline » qui mettait un temps fou, desservant toutes les petites gares. Les « Michelines » rouge et jaune carburaient au diesel, certaines étaient équipées d’une guérite pour le chauffeur, qui m’intriguait au plus haut point, curieux que j’étais.
Au fil du voyage l’impatience et l’excitation d’arriver allaient en s’accentuant, je savais que grand père serait sur le quai pour aider à porter les valises, et que grand-mère nous préparait un petit repas simple, mais qui me transportait au paradis, notamment la salade du jardin, le jambon dont je n’ai jamais retrouvé la saveur depuis, et le sirop de framboise qu’elle confectionnait. Rien n’avait le même goût là bas, ainsi que les odeurs de la maison, les paysages et la forêt de sapins prometteuse de grandes ballades qui nous menaient aux plateaux où poussaient myrtilles et cerisiers sauvages, et aux clairières qu’affectionnent les framboisiers.
Sur ce lien tu peux voir en images la gare de Rothau qui n’a pas changé.
www.lesgares.com/.../gare_typo.php?req=ROT

Michel a dit…

SUITE

Ma grand-mère était une petite « bonne femme » toute menue et voûtée, au visage à la peau toute fripée mais toute douce, et aux cheveux blanc neige, elle était gaie et attentive, le soir, on jouait aux dominos et je vois encore les pièces du jeu s’entrechoquant dans ses mains tremblantes avec son petit air malin et décidé à gagner.
Mon grand père était toujours silencieux, il m’impressionnait et il piquait quand je l’embrassais.

Moi j’étais enfant inconscient et insouciant, enfin en apparence.
Mes grands parents avaient eu trois enfants, deux fils et ma mère entre ceux-ci.
Il faut connaître la terrible l’histoire de l’Alsace Lorraine, ses détachements et rattachement à l’Allemagne, bien décrite ici :
fr.wikipedia.org/wiki/Alsace-Lorraine
Mes grands parents maternels sont décédés dans les années 70, lui à 89 ans et elle à 92, ils ont vécu tout cela.
Pendant la dernière guerre, leur fils aîné s’est trouvé résistant dans le maquis, ma mère réfugiée en Gironde, et leur plus jeune fils (19 ans) enrôlé par l’armée allemande, il est devenu un « Malgré nous »..
« En 1942, le gauleiter Robert Heinrich Wagner, qui était en charge de l'Alsace, persuada Hitler d'introduire le service militaire obligatoire en Alsace-Lorraine, ce qui fut fait officiellement le 25 août 1942. Le service militaire en temps de guerre équivaut à être enrôlé et à participer aux combats. Au final, 130 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans se retrouvèrent principalement sur le front de l'Est, à combattre l'armée soviétique (les « Malgré-nous »). La plupart furent affectés dans la Wehrmacht. Mais la moitié de la classe 26 (soit 2 000 hommes) fut versée d'autorité dans la Waffen-SS. »
« Nombre d'entre eux furent faits prisonniers par l'armée soviétique durant la débâcle allemande et envoyés dans des camps de détention soviétiques. Le plus connu est le camp de Tambov qui regroupa une grande partie des prisonniers d'Alsace et Moselle, soit environ 18 000 hommes dont six à huit mille y laissèrent la vie. »
« A Tambov, les conditions de détention sont effroyables. Les prisonniers y survivent dans une effarante promiscuité et dans une hygiène déplorable, à l'abri de baraques creusées à même le sol pour mieux résister au terrible hiver russe où la température descend en dessous de -30 °C. Un peu de soupe claire et environ 600 grammes de pain noir, presque immangeable, constituent la ration journalière estimée à 1340 calories (en comparaison, en 1944, les détenus d'Auschwitz recevaient 2000 calories par jour). On estime qu'environ un homme sur deux mourait à Tambov après une durée moyenne d'internement inférieure à quatre mois. »
« Les derniers « Malgré-nous » furent officiellement libérés en 1955. »

Michel a dit…

FIN

En un hiver, mes grands parents ne savaient plus où se trouvaient un seul de leurs trois enfants. Albert, le plus jeune a laissé sa vie au camp de Tambov. Cela a été dit par des gens du village qui en sont réchappé.
En un hiver les cheveux de ma grand-mère sont devenus blanc neige.
Pire encore, si on peut dire, et c’est là que ton billet m’a interpelé, c’est l’histoire de la gare de Rothau et du sinistre camp de concentration du Struthof que tu peux découvrir sur ces sites :
struweb.free.fr/html/struthof3.htm

www.struthof.fr/.../larrivee-en-gare-de-rothau-la-deshumanisation-avant-le-camp/ -

On m’a permis d’aller visiter ce camp quand on a estimé que j’avais l’âge pour comprendre, ça m’avait beaucoup marqué.
On a peu parlé en famille de toute cette histoire et c’est regrettable parce je sais que l’on porte ces fantômes en nous.
Je comprends mieux le mutisme de grand père, les grandes douleurs restent muettes.

Alors tu saisis l’histoire du train dans tout cela et de ce qu’il peut inspirer de bon ou d’horrible.

Si tu tapes
« VIDEO Témoignage de Malgré Nous Tambov »
tu pourras voir une vidéo de « malgré nous » revenus en pèlerinage à Tambov où ils étaient arrivés un beau jour arrivés en train, là aussi les lieux n’ont pas changé,
et tu comprendras qu’être alsacien était encore un handicap supplémentaire pour affronter ce qui les attendait.
L’un d’eux pourrait être mon oncle Albert, s’il n’y avait laissé sa jeune vie, dans des conditions que je n’ose imaginer.

C’était la souffrance de ses parents, de ma mère, et je n’ai rien pu faire parce qu’on a pas communiqué la dessus, mais je le ressens au plus profond de moi.

Voilà Jackss ce que je voulais partager, c'est un peu abusif, mais ça m'a fait beaucoup de biens, grâce à toi...

Jackss a dit…

Michel,

Ce que tu racontes est passionnant. Tu décris tellement bien ce que j'ai escamoté dans mon texte. Lorsque je faisais allusion au cinéma dans mon billet, je pensais justement aux scènes de la dernière guerre mondiale, aux trains bondés d'innocentes victimes qu'on envoyait à l'abatoire ou presque.

En 1997, une amie française nous a prêté son appartement à Aubure. Nous avons beaucoup visité les environs. Un de ses amis nous a servi de guide. Il nous a parlé de cette période où il était risqué, même pour les membres d'une même famille, de dire de quel côté il penchait. J'ai vu, en montagne, des bouches de souterrains qu'empruntaient les résistants.

J'ai rencontré des gens encore trop traumatisés pour parler de ce qu'ils avaient vécu.

J'ai déjà raconté ce voyage en Alsace sur un forum de discussions. J'ai laissé des photos. J'ai pris quelques mois pour raconter le récit.

Subitement, le forum a été fermé et le texte a été effacé. Mais par un drôle de hasard, un médecin breton avait fait une copie. Il me l'a envoyé, à la dactylo.

Cette période de l'histoire dont tu parles demeure celle qui me captive le plus. Elle est tragique, mais combien riche en enseignements, en images, en situations spectaculaires.

Tout ce que tu racontes, ça m'impressionne. C'est comme si je te voyais témoin d'une des plus grandes époques de l'humanité au même titre que la révolution française, l'époque de Napoléon, la rome antique des César.

Je vais relire ton texte au moins une fois, sinon plus. Il y a là une tellement grande richesse au plan humain.

Ma belle-fille Gaële, originaire de la Haut-Savoie, avait une grand-mêre dans la résistance. Elle a écrit une magnifique chanson en souvenir d'elle: Les croix blanches.

Caro et cie a dit…

J'aime la profondeur des échanges qu'il y a ici... Je relis parfois deux fois le même commentaire pour en comprendre le sens réel...

Jackss a dit…

Caro,

C'est le genre de commentaire que j'apprécie beaucoup. Je me sens choyé en effet par la qualité de échanges que nous avons.

Chacun m'apporte un éclairage qui m'aide à avancer, à trouver un sens à mes expériences. Je prends aussi plaisir à constater comment on peut se rejoindre auant dans des univers si différents.