samedi 31 juillet 2010

Ces élites qui dérangent

Nous vivons dans un monde qui accepte difficilement les élites. Les modèles sont mal venus. Et pourtant, on cherche les idoles, on en fabrique. À peine entrés dans l'adolescence, plusieurs rêvent devenir des vedettes, des stars accadémiciens. Il y a là tout un paradoxe. Comment comprendre qu'on accepte si mal les élites et qu'on aime tant les télé-réalités qui ont ceci en commun: éléminer les moins bons?

Dans un récent billet, commentant le rôle des faiseurs d'image en politique, Joseph Facal écrivait: Je ne veux pas que le chef du gouvernement soit comme moi ou comme mon beau-frère. En raison de ses responsabilités, je veux, j’exige qu’il soit meilleur que moi, qu’il ait plus de caractère et de jugement que moi. Notre époque veut cependant faire croire que nous devrions tous être égaux et pareils. C’est pourquoi la vraie grandeur nous met mal à l’aise. Tout doit être rabaissé au niveau moyen.

Ce à quoi une blogueuse répliquait: j’interroge votre conception de ce que doit être un bon gouvernement. Auriez-vous une tendance élitiste? Prétendez-vous être démocrate? (...) Je ne pense pas que nos représentants doivent être dictincts du peuple. Je souhaite vivre dans une démocratie «le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple».

Personnellement, je trouve la situation regrettable. On oublie vite des personnalités dont on devrait s'inspirer. Et parfois, on les écarte carrément pour qu'il ne prête ombrage à personne. Le cas de Johan Beetz dont je vous ai parlé dans le billet précédent en est un exemple bien triste.

C'est un homme de science, ornithologue, chasseur,pêcheur, médecin, chercheur, humaniste, artiste peintre de grand talent s'est impliqué dans son milieu de façon magistrale.

C'est aussi un homme de coeur. Non seulement, il soignait son monde gratuitement, il nourrissait tout ceux qui en avait besoin. Il a fait construire l'église de Baie-John Beetz. Elle a été terminée en 1910. Les missionnaires y passaient environ deux fois par années pour faire des mariages et baptiser les nouveaux nés.

Sa maison est ouverte à tous sans disctinction, Blancs, Montagnais, missionnaires, amis de passage, voisins dans le besoin, et bien sûr membres de sa famille. Tous profiteront de la bonté de Johan et d'Adéla (Le petit grand européen, P.73).

Château Baie-Johan-Beetz, avril 2009
Monument historique depuis 1979


Voci de quoi avait l'air sa cabane lorsqu'il a acheté, en Belgique, son domaine de la Côte-Nord sans l'avoir vu. Il n'a pu s'empêcher de rire en la voyant. Lui qui avait été habitué à la vie de château en Belgique. Il l'a fait déplacée pour s'en servir comme garde-manger. Il s'est fait construire un château que l'on voit plus haut.

Très riche, sa fortune ne cesse de prospérer et il en fait profiter tout le monde. Mais tout s'écroule lors de la crise de 1929. Les renards argentés qui valaient si cher ne se vendent plus. On le vole. Plusieurs écrits de ses recherches scientifiques disparaissent. Certaines relevaient du génie. On le jalouse et le dénigre en haut lieu. On lui reproche de ne pas avoir de doctorat. Il doit se chercher du travail à Québec.

Il possède une magnifique collection d'animaux et d'oiseaux qui se conservent, sans être empaillés, selon une méthode qu'il a lui même mise au point et dont on ne connait plus le secret. Il a voulu vendre, à prix d'aubaine, sa collection au gouvernement du Québec qui a refusé. Pourtant, elle soulevait un grand intérêt qui dépassait largement les frontières.

Plus personne ne parle ni des oeuvres de Johan Beetz, ne de l'homme de grande valeur qu'il a été au plan scientifique, artistique et humain. Si je n'avais pas eu à passer devant son magnifique château, je n'aurais même pas su que Johan Beetz avait existé et avait tellement inspiré son milieu.

La Côte-Nord possède plusieurs trésors cachés à préserver


Il ne faut surtout pas compter sur le Ministère de l'Éducation pour bien connaître le passé et s'en inspirer. Le tout nouveau billet de Joseph Facal est un petit bijou pour bien illustrer le phénomène dans Le bon combat.

J'attire votre attention sur les prochains spectacles de Toutes les filles:
Sylvie Paquette‚ Marie-Annick Lépine‚ Catherine Durand‚ Gaële‚ Amélie Veille

05/08/2010 LÉVIS / Langlicane
06/08/2010 LA MALBAIE / Cabaret Desjardins
07/08/2010 PORT CARTIER / Café théâtre Graffiti
08/08/2010 SEPT-ILES / Salle Jean-Marc Dion
09/08/2010 NATASHQUAN / Café de la grande école

6 commentaires:

Barbe blanche a dit…

Pour vendre sa collection, il aurait dû s'adresser au gouvernement du Canada, il aurait peut être été mieux reçu.

Jackss a dit…

Le pire, c'est que tu as probablement raison, Barbe Blanche.

Jackss a dit…

Bonjour Dianne,

Je viens de voir que tu avais ajouté un commentaire au billet Natashquan sous le soleil.

Voici ce que je t'ai répondu: Bonjour Diane,

La maison que j'avais déjà présenté comme sa maison natale n'était pas la bonne. Mais celle que je présente maitenant, c'est la vraie.

Je regrette cependant qu'on ait trop changé son allure. C'est la même chose pour la petite école de Gilles Vigneault qu'on a changé en musé. On a déménagé l'école sur un autre site.

L'ancienne école était à côté de l'église. On a agrandi la construction originale et on a enlevé le portique extéreur semblable à celui qu'on voyait dans toutes les écoles de campagne autrefois.

Sur la côte-Nord, on a eu trop souvent l'idée de moderniser sans tenir compte des monuments historiques tels qu'ils étaient.


Dans le cas du Châtau de Baie-John-Beetz, cependant, on a bien respecter les bâtiments. Les meubles sont encore ceux de l'époque. Et pour un amateur, c'est à voir. J'aimerais bien en donner un aperçu si je peux.

Jackss a dit…

Nous avons encore un soleil radieux aujourd'hui. Notre nièce et une de ses amis ont pris le chemin du retour à 4h ce matin. De la visite toute neuve arrive aujourd'hui et demain.

Nous nous préparons à partir en avions pour l'Ile d'Anticosti, mais la maison sera habitée par une partie de la visite. C'est une certaine forme de mise en valeur du territoire.

Zoreilles a dit…

Classerais-tu Facal comme une élite qui dérange? En tout cas, j'aime bien son concept de l'étapisme culturel... Je suis assez souvent d'accord avec ce qu'il propose comme lecture des événements de notre société dans ses billets.

Tu m'as fait découvrir un personnage qui gagne à être mieux connu en la personne de Johan Beetz. J'ignorais tout de cet homme-là et tu me donnes le goût d'en connaître davantage en allant sur place, l'été prochain. Tu es tout un ambassadeur pour la Côte Nord et ses particularités, ses habitants, son histoire, sa géographie, sa culture et ses merveilles. Bravo!

Je pensais à toi tout à l'heure sur la route quand j'ai entendu une entrevue de Gaële à la Première Chaîne de Radio-Canada. Puis, j'arrive ici, et je vois que tu en as parlé toi aussi dans ton billet, de « Toutes les filles ». Je les envie toutes, ces filles, pour les routes qu'elles vont emprunter de Lévis à Natashquan prochainement, et leur rencontre avec Vigneault. Moi, je suis partie de Lévis mais j'ai dû m'arrêter à Tadoussac seulement, par manque de temps. J'aurais dû chanter, je me serais rendue plus loin... ♥

Jackss a dit…

Zoreilles,
J'adore tes questions. Elles sont toujours intelligentes et révélatrices d'une grande curiosité intellectuelle.

Pour moi, Joseph Facal est tout sauf un élite qui dérange. Je regrette que ses prises de position ne permettent pas plus de rallier des opinions. Et je dois admettre, en lisant son blogue, que plusieurs de la jeune génération lui reproche ce qu'ils appellent une approche élitiste, comme si c'était un mal pour une société d'avoir des élites.

C'est vrai qu'il déplore le nivellement par le bas et même la disparatiion du cours classique. Il a parlé de la question qui tue: pourquoi avoir aboli la formation classique?

Johan Beetz est en effet un personnage fascinant qui aurait mérité une statue de bronze quelque part.

J'ai dévoré sa bibliographie. Une visite à son château est incontournable. Mais si on n'a pas le réflexe d'arrêter, personne ne nous met vraiment sur la piste. À tous les deux ans, il allait visiter la noblesse française, rapportait des médicaments, des bijoux, des oeuvres d'art.

Il recevaient tous les gens du village tous les ans, payaient tout. Il était à la fois sauvage et homme du monde. Il soignait gratuitement les Montagnais, vivaient avec eux dans ses expéditions de chasse, mangeait avec eux, comme eux. Des hommes de science venaient d'Europe et des États-Unis pour le voir.

J'ai encore tellement à dire que je crois que je vais lui réserver un autre billet.