mercredi 26 mars 2014

Heureux en plein malheur

Suite du billet précédent

Heureux en plein malheur ou
malheureux en plein bonheur

Je vis présentement sur une terre explorée et habitée par un des plus grands explorateurs de la Nouvelle-France: Louis-Jolliet. Son histoire est parsemée de chances inouïes et de grands malheurs. Adulé par les plus grands de son époque dont Frontenac, Mgr Laval et Louis XIV, il a eu un parcours enviable parsemé de tragédies dont l'une des pires fut la perte de ses écrits disparues dans un incendie, sans parler de sa succession entourée de drames. C'est un grand symbole.

 Mon intention était de reprendre l'histoire où je l'avais laissée en 1560. Mais, vous le savez, ma vie ne se passe pas  ainsi. J.ai plein de détours improvisés commandés par le hasard. Conséquence: Louis Joliette devra attendre. Mais je ne perds pas le fil de mon propos. J'y reviendrai.

C'est un peu, je crois, le défi de tout une vie que d'être heureux contre vents et marées, comme ce fut le cas pour Louis Jolliet. Je crois utile de vous remettre à l'esprit un court extrait de mon dernier billet:


En 2010, je travaillais pour Statistique Canada à l'occasion du recensement. Tout près de l'endroit que vous voyez, je me suis présenté dans une très magnifique demeure, face à la mer. Et spontanément, j'ai dit au maître des lieux:

- Un vrai paradis ici. Comment peut-on faire pour ne pas être heureux?
- Un paradis? répondit-il en dissimulant mal un air qui en disait long. Si vous saviez mon cher monsieur! Il ne faut pas se fier aux apparences.  Ma vie est un enfer!

Vous comprendrez le choc que j'ai eu. Je suis resté bouche bée.  Je crois que le vrai bonheur, c'est avant tout une façon d'être qui se trouve en nous. Et je m'empresse d'ajouter: il n'y a pas de recette miracle. Il faut être attentif, saisir les occasions et surtout protéger et mettre en valeur les beautés qui nous entourent et l'histoire qui les rendent encore plus précieuses.


Non, il n'y a pas de recette miracle. Il y a des jours où nous sommes mis à rude épreuve. Il y a des jours où tout s'écroule. On a beau être fort, on est désemparé et même un peu découragé.

Ceci étant dit, permettez que je vous explique ce détour improvisé qui vient retarder un peu la suite de mon récit sur Louis Jolliet. Tout ça est dû à un hasard qui est venu frapper à ma porte en pleine nuit.  J'ai fait un drôle de rêve. Bien des psychologues voudrait se donner le défi de l'analyser. Vous-mêmes peut-être seriez tentez de le faire. Mais, ça ne sera pas nécessaire. J'ai trouvé la clé pour le décoder. On a souvent la clé près de nous. Il s'agit de chercher et avoir un peu de chance. Les rêves sont d'ailleurs de bonnes occasions de mieux nous connaître et voir ce qui se cachent dans notre subconscient. Ils sont révélateurs et fort utiles. Depuis que je suis très jeune, je me souviens souvent de mes rêves.

J'ai rêvé ceci la nuit dernière:
On m'a appris que j'allais mourir à coup sûr sous peu. En soi, il n'y avait rien de drôle. Mais dans mon rêve, j'ai eu un fou rire dont je ne pouvais plus me débarrasser. Je riais, je riais. J'en avais les larmes aux yeux. Tout le monde autour de moi me regardait décontenancé. Une fois éveillé, je me demandais d'où pouvait bien venir ce rêve fou.

Non, je ne veux pas mourir. Il y a plus drôle que la mort. Ça, c'est sûr. Puis, tout à coup, l'origine du rêve m'est apparu très clair. Ça venait du bulletin de nouvelles de la veille. On parlait de ce monsieur venu d'un voyage en Afrique, au Libéria, chez qui on avait identifié un virus mortel contagieux: l'Ebola. On l'a mis en isolement. Jusque là, il n'y a encore rien de drôle.

Au moment où j'ai entendu cette nouvelle, je me suis rappelé tout à coup avoir fait un lien avec un fait vécu dont j'ai déjà parlé dans un de mes premiers billets.

Voilà textuellement ce que j'avais écrit le 6 septembre 2008
On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui ni dans n'importe quelle situation

Un jour, Daniel m'a appelé de sa chambre d'hôpital où il venait d'être admis d'urgence. Je me suis empressé de m'y rendre. On m'a expliqué qu'il était dans une section isolée et que je devais porter un masque pour aller le voir.Pour moi tout ce décor était surréaliste. J'ai entamé la conversation, comme on le fait toujours en demandant à Daniel: Comment ça va ? Et, selon ce que veut l'usage, il m'a répondu: Ça va bien. Et à le voir, rien ne laissait croire que ce n'était pas le cas.

Daniel m'a expliqué le contexte qui l'avait amené à l'urgence et son passage rapide en isolation. Il m'en parlait de façon tellement décontractée que je n'ai pu m'empêcher de rire en imaginant la peur qu'il avait dû ressentir. Nous avons ri de bon coeur, parlant de choses et d'autres. Et je suis reparti de bonne humeur en lui promettant de revenir.

Deux ou trois jours plus tard, j'apprenais son décès. Je prenais toute la mesure du fait que la vie ne tient qu'à un fil. J'étais bouleversé et me sentait incapable de me rendre le voir au Salon funéraire. Il venait de la Gaspésie. Je ne pouvais rien lui apporter en lui rendant visite au Salon funéraire.

Le lundi, en revenant au travail, on m'a appris que toute la fin de semaine, la copine de Daniel avait demandé, au Salon, si j'allais venir faire une visite. Depuis ce temps, je me fais toujours un devoir d'être présent lors d'événements tragiques. Je sais qu'une présence dans ces occasions n'a pas de prix.

Un autre événement m'a beaucoup bouleversé la semaine dernière. C'est au gala de Jutra où on remet les prix pour souligner les meilleures réalisations du cinéma québécois.

Antoine Bertrand
Le plus grand nombre de prix est allé au film Louis Cyr qui relate la vie extraordinaire d'un colosse légendaire. Antoine Bertrand qui interprète le rôle a reçu le prix du meilleur acteur. Il avait de quoi être heureux. La nouvelle n'avait rien de triste. Le film a raflé 9 statuettes.

Pourtant, pendant qu'il faisait son discours de remerciement, je voyais sa copine grimacer et ne pas pouvoir retenir ses larmes. Antoine Bertrand, lui-même a fini par faire de même en parlant de sa mère et en regardant au ciel.

Le lendemain, en consultant le journal j'ai compris pourquoi il était difficile de profiter de si beaux instants de bonheur:
«Louis Cyr tenait la force de sa mère, moi aussi», a-t-il dit, en larmes. Des paroles qui prennent tout leur sens quand on sait que quelques heures plus tôt, il venait d'enterrer sa propre mère, ce qu'il n'a pas précisé sur scène.

 Le coanimateur de la soirée, Laurent Paquin, en est resté figé, incapable de lire son texte.
Louis Cyr, c'est le seul film que j'ai vu au cinéma cette année. Comme par hasard, c'est un des prochains personnages légendaires du Québec auquel je me promettait de réserver une place pour un prochain billet. Son histoire est inspirante. Et en plus, Louis Cyr a les mêmes racines que les gens d'ici. Il est d'origine acadienne.


PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

La mémoire collective: «Louis Cyr n'a pas eu besoin d'un film pour être dans la mémoire collective. Il est encore présent, même cent ans après sa mort. On ne voulait pas lui nuire, on voulait faire un film à la grandeur de ce gars-là. Et finalement, je pense qu'avec le film qu'on vient de faire, on vient de lui donner une autre petite poussée pour encore cent ans», dit avec fierté et soulagement Antoine Bertrand, qui incarne Louis Cyr. Il est avec sa conjointe Catherine-Anne Toupin.
Source: La Presse:

Notre destin n'est pas différent du commun des mortels ni différent de celui d'une nation toute entière. Il est parsemé de grandes joies et de grandes peines, d'exploits grandioses, d'embuches et de petites misères. Personne n'y échappe. Mais je crois qu'il est bon d'avoir de belles sources d'inspirations et de courage. On en puise souvent dans notre entourage et nos proches ont besoin des nôtres. Mais je continue de croire qu'en bout de ligne tout se joue à l'intérieure de nous. On y trouve des forces insoupçonnées. J'ai pu le réaliser dans certains moments particulièrement éprouvant.
L'histoire de Louis Cyr nous enseigne que l'homme le plus fort du monde est aussi le plus faible en certaines circonstances.  C'est peut-être notre plus grand défi que de découvrir les deux facettes qui nous habitent et de pouvoir composer avec elles.

10 commentaires:

Zoreilles a dit…

J'ai su par ma fille et mon gendre qu'Antoine avait enterré sa mère l'après-midi même. Mes enfants sont des amis d'Antoine Bertrand, il a d'ailleurs quelques bons amis très proches à Rouyn-Noranda.

Je savais depuis longtemps qu'Antoine était très proche de sa mère, de son frère Nicolas également. Il y a presque 10 ans, chez des amis communs, après la dernière de la pièce Goglu dans laquelle il jouait avec son meilleur ami, aussi comédien, Alexandre Castonguay, nous nous étions tous ramassés sur le bord du lac Dufault à célébrer la Fête nationale. Antoine était là, avec sa mère et son frère entre autres, ainsi que son grand ami Alex. Ce soir-là, Antoine, fidèle à lui-même, heureux comme un roi, nous avait chanté « La bitt à Tibi » d'une manière inoubliable. Avec ma fille et nos deux guitares, on avait poursuivi sur cette lancée en chantant quelques chansons québécoises. Dès ce moment-là, Antoine rêvait d'incarner un jour Louis Cyr à l'écran. Il nous en avait parlé longuement, les yeux brillants. Le film a été long à financer...

L'automne dernier, Antoine et sa Maman, de passage à Rouyn-Noranda, sont venus souper chez mes enfants, toujours en compagnie de son grand ami Alex. On la savait atteinte d'un cancer mais elle se portait bien et n'avait jamais goûté à de l'orignal ni à de la perdrix. Ce fut un festin pour tous les amis réunis autour de cette table, y compris Antoine et sa Maman.

Depuis ce temps, je demandais toujours à mes enfants des nouvelles de la maman d'Antoine, une femme toute simple et si attachante.

Alors, quand j'ai vu au gala qu'on annonçait Antoine comme récipiendaire du Jutra du meilleur acteur pour Louis Cyr, j'étais déjà en larmes...

La suite, tout le monde la connaît.

C'est vrai qu'Antoine Bertrand est un homme fort... et qu'il tient sa force de sa Maman et de tous ceux qu'il aime. Là où elle est et avec tout ce qu'ils ont vécu et partagé ensemble, même si son cœur a cessé de battre, l'amour qu'il y avait dedans continue à vivre.

Jackss a dit…

Whow!

Qu'elle chance vous avez, Zoreilles! Je trouve Antoine Bertrand très sympathique et très intense. Il mérite beaucoup les éloges qu'on lui fait. Je me souviens d'une entrevue qu'il avait donnée pendant le tournage de Louis Cyr. Il était très honoré de la chance qu'il avait de pouvoir interpréter ce rôle. Je m'étais promis d'aller le voir. Je l'ai fait et le spectacle à été vraiment à la hauteur de mes attentes.

J'ai ressenti une grande fierté en voyant ce personnage en scène. Je crois que c'est important d'avoir des héros, des modèles plus grands que nature. Je trouve dommage qu'on ne puisse en voir davantage. Je préfère ce genre de modèle à ceux des émissions de téléréalités qui ont la cote.

Dans le domaine des arts de la scène, j'adore les personnages du téléromans O'. Ce ne sont pas des héros. Je ne suis pas un amateur de téléromans, mais je trouve celui-là tout simplement génial. Tous les rôles sont joués à merveille.

Chaque fois qu'il est question de cinéma, j'ai une pensée pour toi, Isabelle et Dominique. Et je pense parfois avec le sourire aux rôles que tu as joués. Tu n'as pas gagné de Jutra, mais tu as très bien tiré ton épingle du jeu. :-)

Jackss a dit…

Il y a des situations assez drôles dans notre univers.

J'ai bien ri aujourd'hui d'une situation bien réelle qui a de quoi surprendre. En pleine campagne électorale, le thème majeur au téléjournal concernait un dossier litigieux: l'exploitation du pétrole sur l'Ile dAnticosti. Certains sont pour et d'autres résolument contre. J'ai abordé ce sujet à plusieurs reprises dans de nombreux billets, environ 4 depuis un mois.

Imaginez-vous que ma collision frontale avec Louise Marleau en 1966 dans un corridor de l'université de Montréal à suscité beaucoup d'intérêt. Le billet qui en faisait mention date de 2008. La semaine dernière voici le nombre de visiteurs :
- Anticosti : 54
- ma rencontre choc avec Louise Marleau : 392

Il y a quelques instants 77 personnes consultaient mon billet sur Louise Marleau et 1 personnes consultait un billet sur Anticosti.

Si vous allez voir au bas de la page à la suite de mes derniers billets vous pourrez voir par vous- même que le récit de ma collision avec Louise Marleau est celui qui suscite le plus d'intérêt.

Lorsque l'incident s'est produit en 1966, jamais je n'aurais imaginer qu'on s'y intéresserait si longtemps.

manouche a dit…

Que le drôle soit confronté au drame c'est le principe même de la vie.Ton Jolliet est bien attachant et j'attends la suite...

Jackss a dit…

Bonjour Manouche,

Ton intérêt pour l'histoire me réjouit. C'est une fascination qui s 'est un peu perdue, je crois. C'est bien dommage.

Le temps et l'espace font pourtant tellement des éléments essentiels de notre existence. Nous ne passons tous qu'un peu de temps emprunté sur de petits lopins de terres ayant appartenus de façon durable ou passagère à de nobles générations successives. Tous ces êtres aux allures quelque peu imaginaires étaient aussi vrais et pleins de vie que nous quand ils habitaient ces lieux.

Ce sont eux qui donnent toutes leur richesse au décor. Leurs esprits et leurs âmes ont imprégnés ces lieux. Ils doivent demeurer présents. Nous devons continuer de les aimer, aimer cette terre, notre mère la nature, la protéger pour que l'humanité puisse continuer de s'y épanouir longtemps.

Dans La Presse Plus d'aujourd'hui on parle d'un rapport scientifique qui annonce comme une fin du monde prochaine, la fin de l'humanité. Ce n'est pas la première fois que ça se produit. Je continue à croire en l'humanité, en des lendemains meilleurs.

Et je ne perds pas de vue le retour à Louis Joliette dans un prochain billet.

Merci de ton intérêt, Manouche.

Jackss a dit…

Je vous invite fortement à lire le billet de Joseph Facal: Le sens des responsabilités . Vous trouverez le lien, à droite, en tête de liste de mes blogues préférés.

Ce billet illustre à quel point nous avons la mémoire courte. Si on oublie si vite ce qui s'est passé de très importants dans les derniers mois, on peut imaginer le peu que l'on peut retenir des siècles passés.

Dédé a dit…

Je ne connais pas le bel Antoine mais son histoire m'a touchée. Tu as l'air de conter les choses et les gens mon cher ami. C'est toujours un bonheur de te lire. J'attends donc l'histoire de Sir Jolliet. Pour revenir à la force des hommes, je suis toujours étonnée de voir comment certaines personnes arrivent à sourire alors qu'elles traversent les pires moments de l'existence. Apprendre à vivre avec ses souffrances est un chemin vers le bonheur.

Jackss a dit…

Dédé,

Antoine Bertrand, il est d'une stature imposante impressionnante. Et tu as un œil avisé: c'est un beau bonhomme. Ses exploits ne sont pas banals. Il a battu des colosses qui avaient des truc, particulièrement au Royaume Uni. L'Angleterre à volontairement passé ses exploits sous silence.

Tu n'auras probablement pas la chance de voir le film de Louis Cyr. Dommage! J'aurais bien aimé voir ce que tu en aurait dit. Mais je me charge de le faire mieux connaître. J'imagine que tu devrais être sensible à ses exploits.

Mais, je me charge de te le faire connaître. Tu es un bon public. Tes commentaires sont toujours Comme du bonbon.

Zoreilles a dit…

Tu étais vraiment ravagé par ces résultats d'élections cette nuit. Je peux comprendre. Nous sommes plus déçus encore par la population que par ceux et celles qui se présentaient. J'espère que tu iras mieux prochainement et que tu contribueras encore, dans la mesure de tes moyens, à faire connaître et faire aimer notre territoire, notre histoire, notre langue et notre culture.

C'est justement le moment de ne pas baisser les bras.

Il n'y a pas que les jeunes, tu sais, qui sont mal informés ou désinformés. De tout âge, je vois des gens qui s'en fichent éperdument. N'oublions pas que 38 %-39 % (???) n'ont même pas daigné aller voter hier...

Jackss a dit…

Zoreilles,

J'ai effacé mes deux commentaires suite aux résultats de la dénièrent campagne électorale. J'étais sur le coup de l'émotion. Il vaut toujours mieux laisser tomber la poussière. C'est plus sage.

Mais je retiens que le bon peuple à la mémoire courte ou pas de mémoire du tout, même à Lac-Mégantic. Réjean Hébert à été très présent sur une base régulière là comme ailleurs. Tous ceux qui l'approchaient ne pouvaient ne pas sentir son cœur et son implication hors du commun. Il n'a pas été élu.

Il faut dire aussi que nos systèmes politiques sont très imparfaits. Un gouvernement peut être largement majoritaire avec 40% des votes.