Après la mort de mon père, plusieurs phénomènes étranges se sont produits. Il y en a eu assez pour que ma mère et nous, ses enfants, nous abordions le sujet. Nous nous disions surpris par le nombre de l'ampleur des événements Nous avions l'impression de nous retrouver dans un monde surréaliste.
La dame qui avait pris soin de mon père avant sa mort m'a dit avec émotion: On aurait dit que votre père vous attendait pour mourir. Il a eu comme un sursaut d'énergie lorsque vous êtes venu. Il a perdu conscience très peu de temps après votre départ. Il ne l'a pas retrouvée avant de mourir. Ma visite lui avait permis de terminer quelque chose qui n'était pas réglé. Elle l'avait libéré. Micheline était venue voir mon père au salon funéraire. Michel était présent aux funérailles.
Après le décès de mon père, nous étions tous invités chez ma mère. Dans sa salle à diner, il y avait une bible ouverte. Michel y jeta un coup d'oeil et il m'appela avec émotion. As-tu vu? La Bible est ouverte à la page où se trouve l'Évangile qui a été lue durant le service funèbre. À ma grande stupéfaction, j'ai constaté que c'était bien vrai.
Nous avons questionné ma mère pour essayer de comprendre. Seuls Laure, Michel et moi avions été présents aux funérailles. Le reste de l'histoire, je n'en ai pas souvenir. C'est donc sous toutes réserves que j'en parle. J'avoue avoir beaucoup de difficultés à le croire. Micheline dit que ma mère avait prétendu que la bible s'était ouverte d'elle-même comme par un coup de vent. Elle se serait montrée surprise du fait que la fenêtre était fermée et que rien ne pouvait expliquer le phénomène. Micheline dit très bien se souvenir encore aujourd'hui.
L’autre phénomène qui me frappe, c’est le fait qu’une personne donne souvent l’impression de retarder sa mort jusqu’à ce qu’elle ait pu régler quelque chose, avec une ou plusieurs personnes. C’est d’ailleurs ce que m’avait dit une infirmière avant le décès de ma mère. C’est un fait assez bien connu et documenté, je crois.
Voici un extrait La Dre Elisabeth Kübler-Ross qui voyait un homme qui avait l'air de retarder sa mort comme s'il avait que chose à régler avant de mourir.
Pourquoi ne meurt-il pas, à la fin? Elle cherche dans le récit de l'homme quel mot de passe lui manque pour mourir. Tout son corps ne demande que ça, c'est clair. Et pourtant il est là à s'accrocher, et Elisabeth Kübler-Ross sait bien ce que celà signifie: il y a de l'unfinished business dans l'air, du travail inachevé.
La Source Noire, Patrice Van Eesel, Édition Grasset, 1986.
Elisabeth Kübler-Ross, née le à Zurich en Suisse et morte le à Scottsdale (Arizona) aux États-Unis, est une psychiatre helvético-américaine, pionnière de l'approche des soins palliatifs pour les personnes en fin de vie.
Elle est connue pour sa théorisation des différents stades émotionnels par lesquels passe une personne qui apprend sa mort prochaine (modèle Kübler-Ross). Elle a initialement appliqué sa théorie à toute forme de perte catastrophique. Elle s'est intéressée également aux expériences de mort imminente.
J'avais observé le même phénomène à la mort de ma mère. Elle nommait deux personnes qu'elle voulait voir. Et c'est incroyable le nombre de jours qu'elle a pu tenir après qu'on ait accepté de la laisser aller. Comment elle a fait?
Elle ne parlait pas beaucoup. Elle disait cependant qu'elle ne voulait pas mourir pour ne pas faire de peine à personne.
Je crois que ce sont ses derniers mots. Par la suite, je restais à côté d'elle sans parler. Puis une infirmière m'a suggéré de le faire. Je lui ai répondu que ma mère ne pouvait certainement plus comprendre. L'infirmière m'a dit. Mais oui, elle comprend. Tiens-lui la main. Parle-lui. Regarde-là dans les yeux et tu verras ses réactions dans ses yeux. Elle avait raison.
Évidemment toutes ces expériences marquent beaucoup. Le départ de Laure m'a donné l'occasion de revivre certains phénomènes qui m'avait intrigué.
Je n'ai pas le goût d'élaborer davantage sur le sujet, mais je suis conscient que nous vivons dans un monde plus grand que nous dont plusieurs facettes nous échappent.
Après le décès de Laure, à ses côtés, j'ai continué à lui parler, à lui dire que je l'aimais très fort et que je lui souhaitais un beau voyage. Et je continue de le faire.
Nous avons tous notre façon de réagir et d'espérer face à la mort. Ça nous arrive tous. J'ai aussi pu vérifier que plusieurs ont le sentiment d'avoir vécu des phénomènes difficiles à expliquer. On ne peut être sûr de rien. Mais l'espoir nous permet de passer en mode survie.