Suite des billets
Personne ne comprendra jamais et
La maison où j'ai grandi.
Que l'on soit riche ou pauvre, noble ou minable, faible ou puissant, célèbre ou méprisé, d'Amérique ou d'ailleurs, à la toute fin, nous devenons tous égaux. C'est la seule justice qui soit.
J'ai vu mon père 3 jours avant sa mort, en mai 1985. J'étais loin de me douter que je ne le verrais plus. Il avait le cancer du poumon. Cette dernière rencontre fut très émouvante, un vrai testament spirituel. Il était résigné et souriant. Mes valises sont prêtes pour le ciel qu'il me disait. Il avait ajouté: J'ai manqué ma vie, mais je ne veux pas manquer ma mort.Mon père n'était pas un saint. Loin de là. Le Frère André était bien avant lui dans la liste des candidats à la canonisation.
Photo mariage de mes parents 1942
Il avait fait un bilan de sa vie, lors de ma visite, se disant heureux d'avoir l'occasion de le faire sans que sa sincérité ne puisse être mise à rude épreuve. Il n'avait plus rien à perdre, rien à gagner. C'est ce qu'il disait.
Il tenait à ce que je sache et dise que la seule femme qu'il avait aimée, c'était ma mère. Sachant sa fin proche, il souhaitait peut-être que je sois le messager auprès de ma mère.
Lorsque cette dernière est décédée en 2003, c'est le seul matin où je n'étais à ses côtés dans les 3 dernières semaines précédant l'événement. Je le regrette encore. J'aurais voulu être là. Elle était seule.
Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke

C'est une façon de parler, une infirmière lui tenant la main. Cette infirmière m'a dit: J'ai senti que ta mère se préparait à partir. Je lui ai pris la main en lui disant que je la tiendrais jusqu'à ce qu'elle soit au paradis, le voyage étant commencé. Ma mère se trouvait au 5è étage du CHUS, dernère fenêtre à gauche, chambre 0521. Michel disait toujours lorsqu'il venait voir maman: Je n'aime pas ce numéro. J'ai l'impression que c'est la date de sa mort. Le hasard lui a donné raison: elle est décédée le 21 mai.
Après le décès de ma mère, j'ai retrouvé des lettres déchirantes qu'elle et mon père s'étaient échangés après leur séparation. C'est bizarre, mais je n'ai lu qu'une seule lettre, en partie seulement. J'ai cependant pu voir quels étaient leurs états d'âme la dernière fois que j'avais vu mon père, les larmes aux yeux, Nicole dans ses bras, au parloir de l'orphelinat où nous étions. J'étais touché et je souhaitais comme un rêve impossible que mon père et ma mère se réconcilient.
Il était question qu'ils se voient dans un restaurant. Je mettais beaucoup d'espoirs dans cette rencontre. Les lettres que j'ai retrouvées dans les effets de ma mère, récupérées après son décès, permettent de comprendre pourquoi la réconciliation n'avait pas été possible. S'aimer, c'est tout un contrat. Et c'est pas toujours suffisant pour pouvoir vivre ensembles.
1964

Je sais ce que c'est de ne pas savoir si un de ses proches est mort ou vivant. Il est toujours préférable de connaître la vérité, si pénible soit-elle et pouvoir faire son deuil. Sinon, on fabule. Je n'ai aucune peine à imaginer le supplice qu'on pu vivre les proches de ceux qui avaient des connaissances en Haïti, après le séisme.
Par exemple, alors que nous étions couchés, il nous arrivait d'entendre la porte d'entrée s'ouvrir, entendre des pas, la chaise berçante se mettre en mouvement. J'étais celui qui était le plus près de l'action puisque je couchais dans le salon.
Un soir, peu de temps après être allés au lit, nous avons tous cru voir une ombre et du bruit à la fenêtre de chambre. En allant vérifier sur le promontoire vis-à-vis la chambre, on a eu la preuve que ce n'était pas une illusion: il y avait des traces dans la neige sur le promontoire donnant accès à la chambre avec fenêtres doubles à droite. On peut voir l'endroit en question sur la photo à gauche. L'apparence est un peu défraîchi depuis le temps.
Ma mère paraissait beaucoup plus jeune que son âge (45 ans); elle passait parfois pour ma grande soeur. Quant à mon père, c'était tout le contraire. Les deux photos qui suivent vous montrent mon père selon ce qu'il avait l'air la dernière fois que nous l'avions vu, en 1955 ou 1956; l'autre, à son retour en 1965.


Je le trouvais vieux à l'époque. Je suis déjà plus vieux que ça...
À suivre...