On passe une moitié de sa vie à attendre ceux qu’on aimera et l’autre moitié à quitter ceux qu’on aime (Victor Hugo)
J'ai toujours choisi mes amis. C'est un privilège dont je n'ai jamais voulu me priver. Pour être plus clair, un ami c'est un être avec qui je n'ai pas à faire de concessions, m'expliquer sans arrêt. C'est une relation privilégiée. Il y a une chimie qui s'installe tout naturellement et procure un certain bien-être, une forme d'emballement face à tout ce qui nous passionne.
Je n'ai pas eu des tonnes d'amis. Mais j'en ai eus. Il y en a même eu un que je n'ai vu qu'une fois. C'était un 2012. Laure et moi, nous revenons d'un colloque sur Bien vieillir au Québec. Une amie qui nous accompagnait s'est arrêtée chez son frère, à Drummondville. Dès le premier contact, alors que nous étions sur le seuil de la porte, il était clair que nous avions des atomes crochus et que nous étions faits pour nous entendre.
Nos échanges nourris par ce que nous venions de vivre étaient riches et profonds. Le monsieur écoutait et partageait des expériences personnelles qui me rejoignaient profondément. Il s'intéressait par notre vie très active, nos expériences sur la Côte-Nord, nos projets. Il m'avait demandé à quelques reprises si notre santé était bonne. Bien sûr, lui disais-je. Un peu intrigué, j'ai fini par m'informer de la sienne même s'il m'avait l'air drôlement en forme. Il a dit toute bonnement qu'il était atteint d'un cancer incurable. Mais il ne voulait pas se laisser abattre et bien vivre les mois qui lui restaient. Nous lui avons parlé quelques fois au téléphone en souhaitant avoir l'occasion de le revoir. Mais la vie en a décidé autrement. Nous avons appris qu'il était décédé le mois dernier. Depuis notre rencontre, notre seule rencontre, Laure et moi nous pensions souvent à lui. Il avait pris une place de choix dans notre cœur.
Durant la même période, j'ai appris le décès d'une tante de qui nous avions été très près à une certaine période de notre vie. Puis, nous avons appris qu'un ami d'ici en Minganie avait appris être atteint d'un cancer du pancréas. Il a appris en septembre dernier, au retour de ses vacances au Pérou, qu'il avait peu de chance de vivre plus de 3 ou 4 mois. Il venait de prendre sa retraite, mais travaillait encore avec Laure en attendant de prendre définitivement sa retraite à la fin de l'année. Il l'avait bien préparé et avait beaucoup de beaux projets. On ne sait jamais ce qui nous attend.
Il avait mis beaucoup de soin pour rénover sa propriété en bord de mer. Une réussite. Un endroit où on a le goût de vivre. Appréciez par vous-mêmes.
Michel suit des traitements de chimiothérapie à Québec, soit à 1600 km de sa résidence, aller-retour. Pourtant, il tient a y revenir à l'occasion. Il a besoin de se décor. Il a besoin de revoir ses amis qu'il invite avec le souci de bien les recevoir.
La résidence de Michel |
Michel et moi, septembre 2014
Ce qui m'épate, c'est cette attitude relativement sereine face à une situation aussi traumatisante, il faut le reconnaître.
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Pendant que j'écrivais ces ligne, j'écoutais la radio. Par hasard, on a fait allusion à cette phrase de Lino Ventura : "On devrait avoir 30 ans pendant 30 ans, Et puis après ça s'arrête". Mais non, ce n'est pas comme ça. La vie n'est pas ainsi faite. Ce que je souhaite le plus, c'est de pouvoir vivre sereinement jusqu'au bout. Et heureusement, j'ai de beaux modèles qui me permettent de voir que c'est possible.
La vie nous parle. Elle est remplie de hasards qui nous livrent des messages. C'est souvent étonnant. Mais il faut être attentif et être en mesure de les capter. Chaque fois que je vois un ami ou une connaissance partir, je suis attentif. Déjà plus du tiers de mes collègues de collège ont quitté notre univers. J'aurais tellement d'anecdotes à raconter sur ceux que j'ai vu partir. Je pourrais en raconter sur des expériences personnelles où j'ai cru ma dernière heure arrivée, comment je me suis senti, ce que ça m'a apporté.
Je pourrais vous parler du commandant Robert Piché avec qui j'ai eu le privilège de m'entretenir par hasard, seul à seul, pendant plus d'une demi-heure. Il était d'ailleurs à la télé hier pour parler de son expérience face à la mort. Il dit que les menaces de mort qu'il avait reçus en prison lui avait permis de vivre de façon plus décontractée les problèmes de moteur de son avion au-dessus de l'océan. Pour lui, c'est peut-être ce qui lui a permis de sauver tous ses passagers alors que l'avion n'avait plus d'essence. Le commandant Piché croit que beaucoup de hasards n'en sont pas vraiment.
Chaque été, Michel nous invitait, festoyait en nous associant à une activité très significative pour lui. Il montait un magnifique tipi devant sa maison. Pour lui, cette toile avait des propriétés symboliques particulières liées à des croyances indiennes. Il faisait brûler de l'encens à l'intérieur. Si je me rappelle bien, le tout pouvait contribuer à nourrir notre âme
À l'été 2014, sans aucune raison apparente, la toile n'a pas été montée.