Compte tenu des antécédents du client, nous nous sommes présentés à trois:
Serge F, chef du service de réadaptation,
Michel V, directeur de l'indemnisation, et moi.
En entrant dans le bureau, j'ai donné la main et j'ai fait les présentations. Le client n'a eu aucune réaction. Son visage est resté de glace, dur. Il n'a regardé personne. Il avait un papier dans les mains. Il l'a déposé sèchement sur la table. Il y avait un montant de quelques centaines de dollars d'écrit sur le papier et juste devant, c'était écrit à la main: médicaments.
Michel V. a demandé au monsieur s'il avait des reçus de pharmacie. Le monsieur a donné un grand coup sur la table, la main ouverte, et a dit: As-tu envie de me faire passer pour un menteur, mon écoeurant ? Michel V. a sursauté et ravalé sa salive.
Le client n'a jamais levé les yeux. Il regardait à terre. Le fait de me sentir responsable de la situation, devant des collègues, m'a donné des ressources, un calme que je n'ai pas normalement. Je me souviens très bien avoir dit:
Monsieur, regardez-moi dans les yeux.
Il l'a fait. Mais c'est comme si ça venait de le déstabiliser. Ce qui m'a donné un peu d'assurance et j'ai ajouté: Si je vous disais que nous allions payer ce montant sans demander aucune preuve, vous vous diriez que je suis un parfait imbécile et vous auriez raison. Vous allez donc faire tout ce que monsieur V. va vous demander de faire.
Le monsieur a répondu froidement: Votre monsieur V. je ne lui aime pas la face. Quand j'aime pas la face de quelqu'un, je ne peux garantir de rien. Et si je n'ai pas de médicament, je n'ai aucun contrôle sur moi. L'athmosphère était très lourd. J'ai demandé au client si je devais considérer son commentaire comme des menaces. Il a fait un léger signe que non. Je lui dit que c'était mieux ainsi pour lui parce que avec tous les témoins que j'avais, je n'aurais perdu de temps pour appeler la police. Je continuais de le fixer dans les yeux. J'ai fait une légère pause et j'ai ajouté:
J'ai entendu dire que vous aviez fait plusieurs menaces à nos employés dans le passé. Ça ne sera plus toléré. Je vous demande de revenir demain et je vous remettrai un papier indiquant à quelles conditions vous pourrez venir ici. Je vous demande de vous faire accompagner d'un témoin en qui vous avez confiance.
Le lendemain, le monsieur s'est présenté en compagnie du propriétaire de la maison de chambre où il se trouvait. Par hasard, je connaissais ce propriétaire depuis longtemps. J'ai remis une feuille avec 15 conditions à remplir pour que le monsieur puisse venir au bureau: toujours m'appeler à l'avance pour prendre le rendez-vous, toujours venir accompagné d'un témoin, etc. Je l'ai assuré que s'il se présentait au bureau en ne tenant pas compte d'une des conditions, j'allais porté plainte à la police.
Le monsieur a regardé le papier. Il est devenu vert, puis rouge. Il a friponné le papier, l'a jeté à terre. Sans dire un mot il est parti et n'est jamais revenu.
La morale de cette histoire:
Je ne sais pas si c'est vrai pour tout le monde. Mais mon expérience personnelle est à l'effet que dans les situations les plus traumatisantes, il faut se faire confiance. Si on ne réussit pas du premier coup à vaincre une difficulté, chacune de celles que nous vivrons nous rendra plus habile à contrôler la suivante du même ordre.
Serge F, chef du service de réadaptation,
Michel V, directeur de l'indemnisation, et moi.
En entrant dans le bureau, j'ai donné la main et j'ai fait les présentations. Le client n'a eu aucune réaction. Son visage est resté de glace, dur. Il n'a regardé personne. Il avait un papier dans les mains. Il l'a déposé sèchement sur la table. Il y avait un montant de quelques centaines de dollars d'écrit sur le papier et juste devant, c'était écrit à la main: médicaments.
Michel V. a demandé au monsieur s'il avait des reçus de pharmacie. Le monsieur a donné un grand coup sur la table, la main ouverte, et a dit: As-tu envie de me faire passer pour un menteur, mon écoeurant ? Michel V. a sursauté et ravalé sa salive.
Le client n'a jamais levé les yeux. Il regardait à terre. Le fait de me sentir responsable de la situation, devant des collègues, m'a donné des ressources, un calme que je n'ai pas normalement. Je me souviens très bien avoir dit:
Monsieur, regardez-moi dans les yeux.
Il l'a fait. Mais c'est comme si ça venait de le déstabiliser. Ce qui m'a donné un peu d'assurance et j'ai ajouté: Si je vous disais que nous allions payer ce montant sans demander aucune preuve, vous vous diriez que je suis un parfait imbécile et vous auriez raison. Vous allez donc faire tout ce que monsieur V. va vous demander de faire.
Le monsieur a répondu froidement: Votre monsieur V. je ne lui aime pas la face. Quand j'aime pas la face de quelqu'un, je ne peux garantir de rien. Et si je n'ai pas de médicament, je n'ai aucun contrôle sur moi. L'athmosphère était très lourd. J'ai demandé au client si je devais considérer son commentaire comme des menaces. Il a fait un léger signe que non. Je lui dit que c'était mieux ainsi pour lui parce que avec tous les témoins que j'avais, je n'aurais perdu de temps pour appeler la police. Je continuais de le fixer dans les yeux. J'ai fait une légère pause et j'ai ajouté:
J'ai entendu dire que vous aviez fait plusieurs menaces à nos employés dans le passé. Ça ne sera plus toléré. Je vous demande de revenir demain et je vous remettrai un papier indiquant à quelles conditions vous pourrez venir ici. Je vous demande de vous faire accompagner d'un témoin en qui vous avez confiance.
Le lendemain, le monsieur s'est présenté en compagnie du propriétaire de la maison de chambre où il se trouvait. Par hasard, je connaissais ce propriétaire depuis longtemps. J'ai remis une feuille avec 15 conditions à remplir pour que le monsieur puisse venir au bureau: toujours m'appeler à l'avance pour prendre le rendez-vous, toujours venir accompagné d'un témoin, etc. Je l'ai assuré que s'il se présentait au bureau en ne tenant pas compte d'une des conditions, j'allais porté plainte à la police.
Le monsieur a regardé le papier. Il est devenu vert, puis rouge. Il a friponné le papier, l'a jeté à terre. Sans dire un mot il est parti et n'est jamais revenu.
La morale de cette histoire:
Je ne sais pas si c'est vrai pour tout le monde. Mais mon expérience personnelle est à l'effet que dans les situations les plus traumatisantes, il faut se faire confiance. Si on ne réussit pas du premier coup à vaincre une difficulté, chacune de celles que nous vivrons nous rendra plus habile à contrôler la suivante du même ordre.
Il est
J'avais un plan d'action qui demandait de signaler tous les cas susceptibles de rebondir. Chaque situation était étudié. Et dans tous les cas, un plan d'action impliquant plusieurs personnes était déjà prévu.
Je déplore qu'il y ait tant de violence dans les milieux de travail, les écoles, les rues, les lieux publics. Honnêtement, je crois qu'il y a des solutions. Ce qu'il faut c'est une volonté, du courage politique et des moyens à la hauteur des défis. C'est mon expérience! La grande chance que j'ai eu, c'est qu'on m'a fait confiance pour les moyens à mettre en oeuvre. On a fait appel à ma créativité. Et mes suprieurs me suportaient lorsque j'intervenais.
La violence ne doit pas être un spectacle pour faire grimper les cotes d'écoute.Je Les Nations Unies ont-elles encore leurs raisons d'être?La charte des droits et liberté protègent davantage les aggreseurs que les victimes? Est-ce que le taxage existe encore ?
Je maintiens que les moyens pour combattre la violence sont simples. Mais sont-ils tous applicables dans une démocratie?
Bonjour Jackss,
RépondreSupprimerIntéressante expérience. Ça m'a rappelé une discussion avec un ami qui est maître-chien. Il me racontait que les chiens (et les loups) sont des animaux sociaux qui vivent en bande et pour qui le rang social est très important.
Dans une meute, me disait-il, le chef n'a pas à aboyer constamment pour se faire respecter et que le faire donne justement le signal qu'il n'est pas à la hauteur de son rang, ce qui amène les autres à contester et convoiter sa place et là, les bagarres éclatent.
En restant calme, vous avez imposé votre rang et la situation est restée calme. Au fond, nous ne sommes peut-être pas si différent de la race canine.
J'aime beaucoup le commentaire de Pierre F. Je connais assez bien les loups, comment ils fonctionnent dans leur « société », leur hiérarchie, et je suis d'accord avec lui, ça pourrait donner des leçons de vie à beaucoup de gens.
RépondreSupprimerQuant à toi, Jacks, tu es plein de ressources : L'expérience, bien sûr, l'implication dont tu fais preuve dans tout ce que tu entreprends et tes qualités personnelles qui ont été mises à profit dans les moments où l'on avait besoin de toi et où tu répondais « Présent ».
La violence, c'est souvent un manque de vocabulaire (ou de moyens). La personne la plus explosive, la plus dangereuse, n'a jamais un ego très solide et se sent ostacisée, impuissante, victime de la situation. Cette personne est en survie. Comment réagit un loup quand il est en survie?
Dans notre société, on traite la violence comme une confrontation de deux pouvoirs (tu ne m'auras pas, je vais te forcer à te soumettre) alors qu'il faudrait la considérer comme un noeud qu'on prendrait le temps d'observer et de comprendre avant d'essayer de le dénouer.
Je suis aussi pour le fait de rester calme.
RépondreSupprimerSouvent, le calme instaure beaucoup mieux le respect.
-xxx-
Comme c'est vrai tout ce qui s'est dit sur ton blog et dans ces commentaires. Un animal quelqu'il soit, qui est piégé dans une impasse, deviendra très aggressif si on s'approche de lui. Il a peur et ne cherche qu'à défendre son intégrité. Le commentaire de Zoreilles est très explicite dans ce sens: manque d'éducation, de vocabulaire etc. La personne victimiséée cherchera à survivre par tous les moyens à sa disposition, dont malheureusement aussi, la violence.
RépondreSupprimerJe fais partie de ceux et celles qui ne haussent jamais le ton, ou bien rarement. J'ai toujours constaté que le calme "calmait" tout de suite une personne agressive, la déstabilisait, et elle se trouvait souvent "bête" de s'être mis en colère ainsi.
RépondreSupprimerToujours très intéressants à lire tes billets, Jackss.
Belle soirée à toi, et à bientôt.
Pierr F,
RépondreSupprimerBienvenue! J'aime bien l'analogie. Je crois que c'est tout à fait le type de relations que nous pouvons avoir avec ce type d'individus. Au fond, ils méprisent ceux qui s'écrasent devant eux. La seule façon de s'en sortir, c'est de trouver le moyen de commander le respect.
Un de mes grands amis et anciens collègue de travail avait développer l'art d'élever des chiens et des cheveaux. Quand je travaillais avec lui, nous visitions des clients à la campagne. Il avait une peur maladive des chiens. Il a fini par dresser des chiens à l'attaque.
Ton exemple m'a particulièrement intéressé parce que, justement, il y a des attitudes que j'ai développées en le voyant dresser des animaux.
Zoreilles,
RépondreSupprimerTu as écrit: Dans notre société, on traite la violence comme une confrontation de deux pouvoirs alors qu'il faudrait la considérer comme un noeud qu'on prendrait le temps d'observer et de comprendre avant d'essayer de le dénouer.
C'est tout à fait ça. Ça ne pouvait être mieux dit. Chaque noeud est différent, commande une attitude différente. Et il ne faut surtout pas voir les manifestations de violence comme des combats de boxe où il y a un gagnant et un vaincoeur.
Tu as déjà danser avec les loups?
Ame Tourmentée,
RépondreSupprimerLe calme est essentiel, en effet. Tout est dans la façon de réussir à l'être, se conditionner. Pour moi, ce n'était pas naturel. Il m'a fallu travailler fort pour y arriver.
Quoique, dans certaines circonstances, je me surprends moi-même. On dirait qu'il y a quelques choses d'extérieur ou d'intérieur qui joue en notre faveur.
Réjean,
RépondreSupprimerNe pas trop s'approcher. voilà une autre chose importante. On dirait que chacun à sa bulle. Si on s'approche trop, on ressent un malaise. Ça s'applique à tout le monde, même quelqu'un qui n'est pas aux prises avec de fortes tensions.
Françoise,
RépondreSupprimerJe fais partie de ceux et celles qui ne haussent jamais le ton, ou bien rarement. J'ai toujours constaté que le calme "calmait".
C'est une chance que d'avoir cette qualité tout naturellement. C'est une bonne habitude pour commander le respect.
Normalement, je commence ainsi: avec calme et avec le sourire. Mon seul problème, c'est que si je n'ai pas l'effet désiré, je change de coche. Et le changement de ton est tellement rapide que mon interlocuteur peur faire un saut.
Laure qui me connait bien, me tire parfois par la manche pour être sûre que je ne vais pas changer de coche.
Bonjour Jackss
RépondreSupprimerJe crois que nos valeurs de société sont trop basées sur l'individualisme. Pour plusieurs, on ne s'entraide plus, on ne se respecte plus et on se chamaille à qui mieux mieux... C'est souvent le plus fort ou celui qui crie le plus qui gagne.
Vous avez su imposer le respect, par votre tact et votre calme et ça, ça impressionne.
Bonjour Magenta,
RépondreSupprimerC'est rafraichissant d'entendre parler de belles valeurs comme tu le fais. Ça me fait du bien.
Je crois que fondamentalement, presque tout le monde a des belles valeurs. Je pense qu'on ne leur donne tout simplement pas l'occasion de les développer, les valoriser. Il suffit de peu de choses pour y arriver.
Ce qui m'impressionne toujours, c'est le reflexe que nous avons quand une voiture s'enlise dans la neige. Je suis toujours ému de voir les gens s'arrêter, pousser forcer pour aider un étranger ou une étrangère à se sortir d'une mauvaise posture.
Merci pour ton commentaire. Il m'a réchauffer le coeur.
Ces anecdotes m'intéressent beaucoup. Elles sont riches en enseignements.
RépondreSupprimerJe pense que l'intimidation va toujours exister. Mieux vaut en parler.
Un billet intéressant (comme tous ceux qu'on lit ici!) on te sent en pleine maîtrise du sujet, si bien que ce la n'a vraiment pas été une surprise lorsque que j'ai lu que tu faisais des conférences sur le sujet.
RépondreSupprimerUn mot sur la violence psychologique et le harcèlement dans les écoles : beaucoup de prévention, mais à peu près aucune intervention, du moins des professeurs. Cela doit se rendre à la direction pour que quelque chose se passe, et encore. La fameuse créativité des intervenant, que tu évoques dans ton billet, n'existe pas tellement en milieu scolaire où les professeurs ont souvent peur des conséquences que peut occasionner la moindre brimade.
Bonjour Encre,
RépondreSupprimerJ'ai une belle soeur qui enseigne justement au Collège où on a permis à un élève le port du kirpan. Elle le connait très très bien.
Je suis convaincu que l'intimidation cesserait demain matin s'il y avait une véritable volonté de le faire. Et je connais plusieurs exemples qui en témoigne.
Le tout commence précisément par de plus grands pouvoirs et une plus grande marge de manoeuvre laissés aux enseignants.
Il doit s'en suivre une gradation, un appui et une implication de la haute direction. Dans mon expérience, une agent ou un chef service qui était victime d'intimidation me contactait ou demandait à son client de le faire.
Je prenais la situation en main et je lui présentais un professionnel dont c'était le travail de régler le litige ou même de prendre des mesures pouvant même impliquer nos services juridiques. En dernier lieu, le client pouvait toujours me rappeler si en bout de ligne le conflit n'était pas régler.
Je maintenais des relations constantes avec les services de police au cas où la situation aurait dégénéré. Mais je n'ai jamais eu besoin de me rendre jusque là. Mon patron l'a fait à quelques occasions. Un client qui ne retirait pas des menaces avait la viste de la police chez lui. Le problème était alors définitivement réglé.