vendredi 12 décembre 2008

Souffrance en silence

Mon dernier billet était un plaidoyer sur la transparence. En d'autres mots je parlais de l'importance de ne pas avoir peur de montrer la réalité et s'y adapter. La vie est souvent plus facile quand on partage ce qu'on vit.

Pourtant, il m'est arrivé de faire le contraire. Il m'est arrivé de ne pas parler de certaines souffrances. Contrairement aux commentateurs de nouvelles, j'aime mieux partager les événements joyeux. Je demande à Laure de ne jamais garder pour elle des pensées qui la font souffrir. Je lui dis que c'est toujours plus simple de tout partager, même ce qui blesse. Mais, je ne le fais pas toujours.

Il y a quelques années, quelques jours avant Noël, j'étais allé reconduire Laure à son party de bureau du temps des fêtes. Le temps était exécrable. J'avais rarement vu une pluie si forte et une visibilité si détestable. J'étais sur une rue qui donnait sur le côté de ma maison. Cette rue n'avait ni trottoir, ni lampadaire.

Je suivais une auto qui roulait lentement. Elle était environ à 20 mètres de la mienne. Tout à coup, je l'ai vu tourner d'un coup sec sur la gauche. J'ai cru voir des sacs renversés sur la chaussée. Je me suis engagé à gauche pour les éviter, ne sachant pas trop ce que c'était. En m'approchant, j'ai entendu des cris d'enfants. Mon coeur s'est accéléré de façon inquiétante.

Une auto s'en venait en direction opposée. Pour ne pas prendre de chance, je me suis tout de même déplacé complètement à gauche. Je risquais une collision frontale. L'auto a ralenti. J'ai pu avancer et me ranger à droite au dernier instant. Je me trouvais à quelques pas de ma maison. Mais le choc m'avait fait perdre le souvenir des derniers moments avant d'entrer dans la cour.

Je suis entré et j'ai téléphoné à la police pour signaler l'événement. Le lendemain, Véro m'a dit qu'on avait donné le signalement de mon véhicule à la radio et qu'on demandait que le propriétaire se rapporte au poste de police, ce que j'ai fait. J'ai fait une déclaration. Je ne l'ai pas lue avant de la signer. Quelques mois plus tard, on m'a appelé pour que j'aille témoigner en cour.

Pendant un an, je paniquais. J'avais des maux de tête. J'entendais les cris des enfants qui avaient été frappés en se rendant à un party de Noël. Je n'avais rien fait de mal. Mais j'allais jusqu'à me demander si j'avais pu les toucher avec mes pneus sans m'en aperçevoir. Les enfants n'avaient pas survécu à leurs blessures.

Je trouvais que le cauchemar était trop grand pour être partagé. J'étais incapable, mais totalement incapable d'en parler. Mais j'ai compris la souffrance de ceux qui accidentèlement peuvent vivre des instants semblables. Les parents des inocentes victimes tenaient à ce qu'il y ait un procès. Ils avaient besoin d'un coupable pour faire leur deuil. C'est une dame qui était accusée. C'est elle qui conduisait l'auto qui me précédait. Les accusations ont été rejetées suite à mon témoignage aux policiers. Je ne l'ai jamais vue. Mais j'ai souvent pensé à elle.

J'ai tout de même beaucoup appris de cette situation. C'est fou parfois comment on peut se sentir coupables lorsqu'on vit de trop près un événement traumatisant. Dans mon cas, c'était pire puisque j'avais déjà perdu une soeur àgée de 11 ans. J'ai beaucoup appris. Mais si c'était à refaire, je crois que je vivrais tout de la même façon. Le plus paradoxal, c'est que je conseillerais à tout le monde de faire le contraire.

Pour vous réchauffer le coeur, je vous propose un vrai cadeau: les voeux de Noël de Réjean Mélançon
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9 commentaires:

  1. Je commence à comprendre pourquoi tu es venu sur mon blogue par hasard... On dirait que nos billets s'entrechoquent en quelque part et on l'essence de l'autre...

    De un, le neveu de ma copine est décédé cet après midi, elle vient de me l'apprendre... Je ne raconterais pas l'histoire ici, elle est sur mon blogue. Il y aurait probablement une autre voiture qui aurait causée l'accident mais elle est disparue.

    De deux, j'ai vécu une chose semblable et je m'en souviendrai toute ma vie mais il n'y a pas eu décès et ce n'était pas de jeunes enfants... Je suivais une voiture qui a happée une jeune dame... Après coup, le conducteur de la voiture a fermé les phares... Nous avons tenté de prendre le numéro de matricule mais nous devions choisir entre une course contre un fou (ou folle) ou porter secours à quelqu'un... Nous nous sommes arrêtés dans une cabine et j'ai téléphoné la police... Le lendemain matin, la description de la voiture était aux nouvelles et j'ai appris à ce moment que la femme était indemne... Oufff... J'ai peine à imaginer ce que tu as pu ressentir ça doit être terrible, pour ma part, je vois encore l'image de la jeune femme trainée par le véhicule...

    Je ne comprendrai jamais la stupidité des gens qui se poussent au lieu de porter secours aux autres

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  2. Magenta,

    Je suis désolé pour le neveu de ta copine. C'est dramatique. Ce genre d'accident est si bête. Je vais aller en prendre connaissance sur ton blogue.

    C'est le hasard qui a fait que je suis entré sur ton blogue. Ma vie est une suite de hasards. Ce ne sont pas de petits hasards de rien du tout, mais des hasards très significatifs.

    Dès les premières lignes que j'ai lu sur ton blogue, j'ai vu que nous étions dans un univers semblables. Tu exprimais des idées comme je l'aurais fait moi-même, avec le même type de hasards.

    Ce genre de situation me surprendra toujours. J'ai pensé à toi plusieurs fois aujourd'hui. Tout ton blogue recherche le rose, les côtés positifs. Et te voilà comprontée à une situation pas rose du tout!

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  3. Quelle aventure épouvantable et triste. Il y a là de quoi être marqué à vie, même si on n'est pas coupable de quoique ce soit.

    Il y a tellement de tout petits enfants qui circulent seuls très tard, et dans des endroits très passants.

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  4. Bonjour Jackss,

    Il y a une vingtaine d'années, j'ai provoqué un accident. Dans un rang de campagne, à un arrêt, je n'ai pas vu une voiture venant de la droite parce que ma passagère me bloquait partiellement la vue et que je n'avais pas fait l'effort de m'avancer pour être certain que la voie était libre.

    En repartant, Bang, bruit de métal froissé, une ombre passe à pleine vitesse devant nous, dérape, fait un tête à queue et va terminer sa course dans le fossé. Ma première pensée a été "Mon Dieu, qu'est-ce que j'ai fait!". Je jette un coup d'oeil à ma blonde, lui parle et m'assure que tout va bien. J'éteins le moteur et lui demande de sortir et je me précipite alors vers l'autre voiture dont les passagers sont toujours à bord. À mon grand soulagement, personne n'est blessé. C'était une grosse voiture et une grosse famille (4 enfants). La dame m'engueule, me traite de con et tout, mais bon, j'encaisse, c'était ma faute et surtout, je me sens bien malgré tout parce que personne n'ait été blessé. 20 ans plus tard, ces souvenirs demeurent aussi clairs que si c'était arrivé hier.

    J'arrive à peine à imaginer ce que ça doit être lorsqu'une négligence vient causer la mort d'autrui. On ne s'en remet jamais tout à fait.

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  5. Encre,

    Elle est triste cette histoire, c'est vrai. J'y pense encore, surtout en cette période de l'année.

    Mais tout le temps que j'ai été hanté par ce cauchemar, j'ai cherché où étaient cachées les forces dont j'avais besoin. Je les ai cherchées partout, derrière et devant moi.

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  6. Pierre,

    J'arrive à peine à imaginer ce que ça doit être lorsqu'une négligence vient causer la mort d'autrui. On ne s'en remet jamais tout à fait.

    C'est ce que je pense aussi. La conduite dangeureuse doit être prévenue par une meilleure surveillance et des peines plus sévères.

    Mais dans le cas que j'ai raconté, je crois que ce sont les parents des enfants qui ont été imprudents. Puis, il faut avouer que l'erreur est humaine. J'en ai fait beaucoup et j'en ferai encore. Il y a parfois des conséquences trop lourdes pour un simple moment d'inattention ou tout simplement un point mort dans notre angle de vision.

    Mon expérience a profité à d'autres. Il y a deux ans alors que j'attendais à un feu rouge. J'ai été frappé violemment à l'arrière de mon auto. J'ai vu dans le rétroviseur l'image de la conductrice qui venait d'emboutir mon auto. Je l'ai vu porter ses deux mains au visage comme pour dire Mon Dieu!

    Je suis sorti de l'auto. J'ai constaté les dégats. Il y en avait tout juste un peu. Mon pare-brise était un tout petit peu renfoncé. J'ai dit à la demoiselle: C'est rien. Elle m'a dit Vous ne voulez même pas mon numéro de téléphone? Je me suis contenté de lui souhaiter un très joyeux Noël.

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  7. J'ai beaucoup aimé votre dernier commentaire. Ça dû la soulager énormément ce cadeau que vous lui avez fait à cette dame!

    Rare sont les gens qui auraient réagi de la sorte!

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  8. Bonjour Sourcil Jaune,

    J'ai parlé de mon pare-brise. Il s'agissait plutôt de mon pare-choque arrière. Il est rare que le pare-brise brise en avant quand le coup viet d'en arrière. :-)

    Le soulagement de la jeune dame et la reconnaissance dans ses yeux valaient bien tout l'or du monde. J'y ai repensé plusieurs fois depuis et c'est du bonheur que je ressens.

    Tu souhaiteras aussi un Joyeux Noël à Henri de ma part. Il est tellement mignon.

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  9. Comme tu sais, Jacks, je suis une inconditionnelle de la vérité et de la transparence. Pour moi, la pire des vérites sera toujours plus acceptable que le doute ou le mensonge. J'ai de la chance, je suis entourée dans ma vie de personnes qui pensent comme moi.

    Et pourtant, j'ai déjà gardé pour moi des peines trop grandes en croyant protéger mes proches. Je ne peux donner de leçon à personne, d'ailleurs, ça ne me viendrait pas à l'idée...

    Ça a dû être très difficile pour toi de garder ce secret si lourds et de te torturer les méninges pendant tout ce temps, sans en parler à Laure... Un bonheur, quand on le partage, ça le multiplie mais une peine, une inquiétude, quand on la partage, ça la divise.

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