Une chose est sûre : le modèle démocratique occidental, qui est celui du gouvernement représentatif, correspond à une histoire qui n'est réductible ni à l'histoire longue du monde arabe, ni aux données de son actuelle conjoncture. (Bertrand Badie, Entrevue Le Monde )C'est fou le hasard! On dirait souvent que tout est écrit d'avance. Je sais que ce n'est pas vrai. Mais il y a des jours où la synchronicité est vraiment étonnante.
On peut se poser une autre question: les grandes orientations politiques du Québec actuel sont-elles compatibles avec le modèle démocratique que nous défendons?
On peut dire que le mot démocratie secoue la planète comme jamais. On ne s'entendrait probablement pas sur la significtaion du mot. Mais, on est près à donner sa vie pour elle.
Dans le contexte d'aujourd'hui, une note trouvée par hasard cette semaine a presque eu l'air d'une prophétie. Toute une coïncidence!
Permettez que je vous situe. Une nouvelle connaissance nous avait invités chez elle à Fermont, au nord du 53è parallèle. Nous avons accepté sa charmante invitation.
Il faut dire que c'est tout un exploit. À partir de Baie-Comeau (450 km à l'ouest de Havre-Saint-Pierre), il faut parcourir encore plus de 600 kilomètres direction nord-est pour se rendre à Fermont et ce, sur des routes dangeureuses, en gravier. Une pencarte nous prévient: il faut parcourir 249 kilomètres avant un prochain poste d'essence. Et n'allez pas croire que le paysage est terne! Il y a là tout un potentiel qui dort, allez savoir pourquoi.
Les Monts Groulx longés par la route 389 couvrent une superficie d’environ 5000 kilomètres carrés et se distinguent par le fait que les sommets les plus hauts du Québec, dont le mont Jauffet, font partie de ce massif.
Pancarte près de Fermont. Le moyen de transport le plus sûr demeure l'avion. Ce fut notre choix. Les routes sur le plan sont les seules qui existent. Le territoire est pourtant immense.
C'est dommage que le réseau routier ne soit pas plus développé parce que ce qu'on trouve à Fermont est unique au monde. Il y a un mode d'architechture, d'organisation sociale, de lien avec l'industrie qui constituent un modèle, je dirais presque un laboratoire à ciel ouvert. Le rapport avec tous les partenaires du milieu a été favorisé par l'approche d'une compagnie minière qui a exploité les ressources naturelles de ce coin perdu en mettant l'humain et la vie sociale à l'avant plan du développement. Elle l'a favorisée en faisant preuve d'une grande conscience sociale. On a pensé aux familles, aux enfants, aux loisirs, à l'habitation, au partage des installations avec toute la communauté.
Somme toute c'est le portrait du capitalisme à son meilleur.
Tout ce que j'ai dit, dans le billet précédent sur l'exploitation des ressources naturelles ne s'applique évidemment pas à Fermont.
Malheureusement, on ne procède plus ainsi maintenant dans les nouveaux projets d'exploitations de ressources. C'est maintenant la règle du in and out. On fait venir les travailleurs, on les loges dans des abris temporaires, on va chercher tout ce que l'on peut dans le sous-sol puis on plie bagage. On se sauve comme des voleurs, sans réparer les dégats causés à l'environnement. On remballe tout y compris les abris temporaires et hop! On va remonter le tout ailleurs. La seule chose qui compte, c'est les plus gros profits, le plus vite possible. Autrement dit, c'est le capitalisme dans ce qu'il a de plus exécrable.
Notons que plusieurs compagnies étrangères lorgnent sur les mines du Québec. Elles ont soif de fer .Leur attachement à la collectivité n'est pas nécessairement leur première préoccupation.
Mais revenons à Fermont. C'est plus inspirant! Havre-Saint-Pierre aussi pourrait être cité en exemple. J'y reviendrai. La construction de Fermont a commencé en 1971 pour se terminer en 1974. Avant l'ouverture de la mine, il n'y avait rien.
Le mur de Fermont
Fermont n'a rien à voir avec tout ce que j'avais pu imaginer. Rien. Pour moi, il s'agissait d'un coin perdu, un des derniers retranchements urbains avant le Grand Nord. C'était une ville isolée, sortie de nulle part, le temps d'extraire le minerai de fer qui s'y trouvait.
J'avais entendu parler du mur de Fermont qui représentait presque une ville en soi. Je l'imaginais massif, sans âme.
J'étais loin de la réalité. Très loin. Le mur, c’est pratiquement une ville intérieure, conçue avec l’intention d’atténuer les effets du climat rigoureux.Durant les grands froids, l'extérieur du côté nord du mur peut frôler les -40 degrés alors que le côté sud peut se situer aux environ de -20.
On peut aller presque n'importe où sans sortir. C'est comme un grand bloc appartements de 1,3 kilomètres de long par 50 mètres de haut, 20 par endroit.
Fermont, septembre 2010
On y trouve environ 500 résidences (330 logements et 158 chambres pour célibataires). Le logement à Fermont est principalement l’affaire des grands employeurs, de la Commission scolaire du Fer ainsi que quelques autres petites entreprises offrent le logement à la majorité de leurs employées.
Le mur renferme le Centre de la Petite Enfance le Mur-Mûr, l’école secondaire Horizon-Blanc, une bibliothèque publique, l'Hôtel Fermont, des installations sportives (piscine intérieure, salle de quille, patinoire, etc), un centre de santé et de services sociaux, un épicerie, des musés (musé des mines, de la phtoto), des installations pour le journal local, la télé communautaire, un salon de coiffure, de massage, restaurants, nettoyeurs, salle de lavage, sans oublier un bar pour le désennui. Le plus fascinant, c'est que tous les commodités sont mise en commun.
C'est génial. Dans les centres urbains conventionnels, les équipements sont souvent consacrés à une institution, un CÉGEP, par exemple. Dans le mur, tout peut servir à tous: bibliothèque, équipements culturels et sportifs, par exemple.
Tout le monde se croisent, se saluent, échangent. Il y a du travail bien rémunéré pour tout le monde. On manque même de main-d'oeuvre. C'est tout le contraire d'une société où tout est prévu pour une classe de favorisés alors que les autres n'ont rien. Et ça ne coûte pas plus cher.
Et il n'y a pas que le mur. Les installations extérieures, en pleine ville, ont aussi beaucoup de charmes hiver comme été.
J'ai vu comment un développement bien pensé par de grands promoteurs pouvait créer, de toutes pièces, un milieu avec une qualité de vie des plus enviables. J'ai vu comment, on pouvait concilier les intérêts privés et publics. Loin de s'opposer, ces deux dimensions peuvent s'alimenter l'une et l'autre. Mais, c'est tout un défi. Ça ne vient pas tout seul. J'ai eu le sentiment que le succès était dû à la collaboration exceptionnelle entre les dirigeants de la mine, le milieu et ses représentants. Cette construction multifonctionnelle de Fermont est un concept architectural unique en Amérique du Nord.
J'étais fasciné par tout ce que je voyais. Je me demandais comment une expérience si extra-ordinaire était si peu connue. Je prenais des notes dans un petit cahier acheté pour la circonstance, un petit calepin de rien du tout que j'avais perdu de vue.
Il y a quelques jours, Laure cherchait un carnet de notes. C'est ainsi que je suis tombé par hasard sur le fameux petit calepin utilisé à Fermont. Et à ma grande surprise, j'ai touvé des notes incroyables sur l'actualité qui secoue présentement la planète.
Pendant que j'étais à Fermont, chez notre amie, j'avais été fasciné par un reportage télé concernant l'Arabie Saoudite et le pouvoir qu'exerçaient ses princes. Ce que j'ai vu m'a tellement frappé que j'ai vite sorti mon calpin.
Et voici, le plus étonnant: les propos d'un prince saoudien, diffusés septembre 2010, qui ont aujourd'hui des airs de prophéties.
Le prince avait sur son auto une inscription que l'on peut traduire ainsi:Soyez bons avec les Américains, sinon ils vont vous démocratiser. Le journaliste, amusé, avait demandé au prince le sens de l'inscription. Et voici sa réponse telle que notée dans mon calepin fraîchement retrouvé:
La démocratie n'a jamais été imposée à un peuple par un autre. Elle est toujours le résultat de luttes sanglantes. Pour éviter qu'un peuple ne choisisse la démocratie, soyez bon pour lui. Je n'ai pas changé un seul iota à ce que j'avais noté en septembre dernier. Ce sont les paroles exactes du prince. C'est tout de même étonnant comme coïncidence ou clairvoyance.
Finalement, je trouve l'analogie fascinante. Le prince saoudien avait compris la même chose que les dirigeants de la mine Arcelor Metal de Fermont: la meilleur façon de voir à ses intérêts, c'est de se servir de son pouvoir dans l'intérêt de sa collectivité. En tout cas, c'est ainsi qu'il l'exprimait.
Je ne peux pas juger du régime, sa valeur, ses faiblesses et ses excès. On peut en avoir un aperçu en cliquant sur Arabie saoudite double défi.
La démocratie a aussi ses limites et ses faiblesses. Voici une blague au goût du jour. Dans un film western américain, un méchant cowboy en tenait un autre en joue avec son révolver. Il dit à son prisonnier: Tu es chanceux d'être en démocratie. Dans une dictature on te dirait: "Avance ou je te tire une balle dans la tête". Comme nous sommes en démocratie, je te dis: "Qu'est-ce que tu préfères: avancer ou avoir une balle dans la tête?" Tu as le choix.
Je ne voudrais pas être désagréable, mais il y a des jours où notre Honorable Premier Ministre se comporte en cowboy. Il veut nous faire avancer où nous ne voulons pas. Nous voulons tous un Québec prospère au plan économique; nous voulons tous le développement de nos ressources naturelles; nous souhaitons tous l'indépendance au plan énergétique et notre potentiel est considérable. Mais nous voulons être consultés, avoir un oeil sur le volant, avoir notre mot au lieu d'être mis au courant une fois toutes les signatures apposées derrière des portes closes. Nous ne voulons pas que l'on vende notre butin sans nous en parler.
Autrement dit, nous voulons que nos dirigeants adoptent des comportements démocratiques. Bien sûr, en démocratie, il faut se faire élire. C'est là le problème... De nos jours, des gouvernements trop honnêtes ont peu de chances d'être élus. Souvent le nombre de votes, les contributions à la caisse électorale, le pouvoir des organismes de pression, les lobbyistes, les intérêts personnels, les jeux de coulisse, les forces occultes, les retours d'ascenseur, tout ça viendra fausser le jeu.
Mais la démocratie, telle que pratiquée au Québec, possède plusieurs remparts non négligeables: la loi d'accès à l'information, un journalisme d'enquête efficace, des programmes d'informations honnêtes, des analyses thématiques, des émissions accessibles à tous traitant des grands sujets d'actualité de façon franche et sans compromis.
Pour compléter le tableau disons que la réalité de Fermont contraste beaucoup avec les images de répressions brutales dont nous sommes témoins. Je trouve vraiment désolant de constater jusqu'à quel point nos organismes internationaux sont impuissants devant des situations comme celles que nous voyons présentement. Ça dépasse l'imagination. Ça donne froid dans le dos de penser que la Libye a été élue au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2010. La Libye a obtenu, à bulletins secrets, 155 voix à l’Assemblée générale des Nations unies alors que la majorité absolue était fixée à 97.
Il faut non seulement apprécier ce que l'on a, mais aussi avoir la volonté de protéger nos droits démocratiques et exiger qu'on s'en donne les moyens. Il ne faut surtout rien prendre pour acquis pour les générations qui vont suivre... Pour plus de détails voir Journal Le Monde: Liban contre confessionnalisme .