L'homme appartient à la vie, mais la vie n'appartient pas à l'homme.
[Fabien Blanchot]
Dans mes derniers billets, j'ai beaucoup parlé de la vie après la vie. J'ai été sensibilisé très jeune à ce mystère. J'ai vécu cet instant assez particulier qui nous sépare de la vie à la mort. J'ai déjà raconté l'histoire dans un billet datant de juillet 2008. Mon dernier billet me donne l'occasion d'y revenir.
Sans le hasard et quelques secondes de répit, ma vie se serait arrêtée brusquement, laissant mon niveau primaire inachevé. Un vrai miracle! Ou un simple hasard. L'histoire est incroyable, authentique malgré tout.
J'avais 7 ou 8 ans. J'étais en visite chez mon oncle "Jacques" Champagne. Ce dernier possédait une ferme familiale peu commune, dans la campagne d'Acton Vale. La maison de style victorien, construite en 1870, possèdait 22 pièces. Rien à voir avec les habitations d'aujourd'hui. La terre faisait 200 arpents. La photo ci-contre donne une idée du domaine.
J'étais impressionné par la maison, les bâtiments de ferme, la machinerie agricole. Juste devant la ferme, il y avait ce jour-là une très grande charette chargée de foin. Une grande fourche mécanique agrippait d'immenses charges de foin pour les décharger dans la tasserie de la grange. Curieux, et quelque peu hyperactif, j'ai voulu voir ça de plus près.
Je suis monté dans la " tasserie". Le nom est normand et désigne la pièce où on entasse le foin, le blé... pour l'hiver. Arrivé en haut, j'ai vu la grande fourche remplie de foin au dessus de ma tête. De là, le spectacle était excitant. J'ai levé la tête pour mieux observer le décor. C'est à ce moment précis que la grande fourche a lâché son contenu sur moi. Et je l'ai vu de très près. Mais pas pour longtemps. J'ai été complètement ensevelli, ne pouvant plus bouger. J'ai poussé un cri, puis un long gémissement. Puis, j'ai eu le souffle complètement coupé par une seconde charge tombée sur moi.
Je me souviens de la suite comme si c'était hier. Je ressentais comme une boule dans la poitrine et une sensation désagréable d'oppression. Le plus curieux, c'est que je n'étais ni paniqué, ni angoissé. Ma curiosité l'emportait sur tout le reste: j'étais sur le point de voir à quoi ressemblait l'autre monde. J'avais hâte de savoir, mais triste à l'idée de ce que ma mère allait vivre. La mort d'un enfant, c'est toujours très pénible pour les autres. Mais je crois que la résilience d'un enfant a de quoi surprendre.
J’avais été enseveli sous deux charges de foin lancées par la « grande fourche ». C’est entre les deux charges que le hasard le plus inattendu s’est produit. Une voisine de l’oncle Jacques s’est présentée dans l’étable pour lui emprunter je ne sais plus trop quoi, un peu de crème, je crois. Elle a été intriguée par un gémissement qu’elle avait entendu en entrant dans l’étable.
Elle a demandé à mon oncle ce que c’était. Il lui a répondu que c’était probablement les enfants qui s’amusaient. Mais la dame en doutait. Pour elle, le gémissement était plus suspect. Ça venait du haut de la grange. Dès lors, le cerveau de l’oncle Jacques n’a fait qu’un tour. Il imagina tout de suite ce qui devait venir de se passer. Il grimpa en vitesse dans la tasserie armé d'une fouche.
La manœuvre était délicate. Ce n’était pas évident de tasser vigoureusement le foin avec sa fourche et ne pas risquer de blesser l’enfant qui s’y trouvait. Il tira tout de même son épingle du jeu assez rapidement pour que je puisse absorber un peu d'air et pousser un léger cri. À ma grande surprise, j’étais sauvé. Au lieu d’être dans les bras d’un ange, j’étais dans les bras de mon oncle Jacob. Je pense même qu'il m'appela "mon petit sacrament".
Il m’agrippa, et me fit descendre rapidement. En retournant dans l’étable il aperçut Yves, mon frère d’un an plus vieux que moi. Il était vert. Il venait de boire une gorgée d’eau de javel en pensant que c’était de l’eau.
C’est ainsi qu’on s’est retrouvés tous les deux, Yves et moi, en pénitence sur la galerie d’une bâtisse histoirique de 1870. Je dois dire que cet événement m’a marqué profondément. J’ai tellement vu la mort de près que j’ai eu comme l’impression qu’elle m’avait un peu apprivoisé.
Chaque fois que je revois mon oncle, il me reparle de cet incident. Cette journée-là, le hasard a vraiment joué fort en ma faveur. Décidément, mon heure n’était pas encore arrivée. Ou bien, j'ai eu beaucoup beaucoup de chance.
Lorsque j'ai laissé ce billet en 2008, une de mes cousines a laissé ce commentaire: Ton histoire sur la tasserie de foin fait partie de l'histoire de notre famille. Papa raconte encore cette histoire avec beaucoup d'émotion. La voisine qui a alerté papa, c'est madame Savoie, la tante de mon chum. Elle est décédée l'automne passé. Elle est sûrement comme un ange qui veille encore sur toi.
La vie est une suite de hasards, de coïncidences et de synchronocités plus surprenants les uns que les autres. Je viens d'ailleurs d'en vivre cette semaine en lien avec mon dernier billet. J'y reviendrai peut-être.
Ce qui me frappe dans ce que j'ai vécu dans la tasserie, c'est l'innocence de l'enfance. Alors qu'on a toute la vie devant soi, on éprouve un détachement que j'aimerais garder encore. Mais ironiquement, moins on a de temps à vivre statistiquement, plus on est éprouve de la résistance à partir. C'est ce que nous avait expliqué un de mes profs de collège et ça m'avait impressionné au point d'être resté gravé dans ma tête.
Mais par dessous tout, il y a ce mystère qui fait qu'on vit parfois des petits miracles dû au hasard. Cette voisine qui s'est présentée chez mon oncle juste au bon moment, c'est assez incroyable. Et il est difficile d'imaginer tout ce qui ne serait pas arrivé autour de moi par la suite sans sa visite impromptue.
Tu me donnes des frissons rétrospectifs...
RépondreSupprimerToutes les histoires ne se terminent pas ainsi. Faut croire que vous aviez une vie à vivre. Il est certain qu'en bout ligne... on perd (c'est selon le pint de vue) la partie mais la Vie vécue elle, si on a de la chance, aura été appréciée.
RépondreSupprimerGrand Langue
Manouche,
RépondreSupprimerChose certaine, l'histoire a fait vivre bien des frissons longtemps à plusieurs.
Et je n'en reviens pas quand je pense à toutes les conséquences que l'histoire aurait pu faire vivre d'autant plus que la sœur qui me suivait est décédée presque subitement environ 5 ans plus tard.
Grand-Langue,
Bien sûr, "en bout de ligne", on perd. Un docteur écrivait: "La médecine est une combat contre la mort perdu d'avance". Avec le temps qui passe si vite, je le réalise de plus en plus.
Eh bien, moi, dans un premier temps, avant même de te lire, j'ai poussé un soupir de soulagement! C'est que dernièrement, chaque fois que je venais faire un tour sur ton blogue pour voir si t'avais écrit du nouveau, on m'en refusait l'accès et on me répondait que je n'y étais plus invitée...
RépondreSupprimerEt là, je viens de te lire. Mais quelle histoire! Vous n'étiez pas reposants, ton frère et toi, quand vous alliez à la ferme chez votre oncle, il ne fallait pas vous laisser sans surveillance un seul instant!
Je trouve touchant le mot que t'avait écrit ta cousine à propos de cette voisine qui t'avait en quelque sorte sauvé la vie à l'époque et qui, maintenant décédée, veille probablement encore sur toi. C'est joli, ce concept d'un ange qui veille peut-être encore sur toi aujourd'hui. Parfois, on aimerait y croire...
À propos de la vie qui passe trop vite, j'ai déjà lu que ça se comparait à un rouleau de papier de toilette, c'est vers la fin qu'il déroule le plus vite!
T'es un vrai petit miraculé, toi!
"Mon p'tit sacremant" quel beau surnom, pour un presque miraculé et
RépondreSupprimerquel soulagement, pour un oncle qui venait d'éviter le pire.
Vivant sur une ferme, ah, pas les usines à produire d'aujourd'hui, mais une ferme à dimensions humaines, il nous arrivais souvent, de nous amuser dans le foin et parfois,
nous en avions par dessus la tête mais.
Comme chez nous tout se faisait à l'huile de bras, le risque de se faire ensevelir vivant était pour ainsi dire absent.
Content que tu sois toujours des nôtres "mon p'tit sacrement"
J'ai quand même une grande question: est-ce que vous avez le rhume des foins? ;-)
RépondreSupprimerBonjour Dédé,
RépondreSupprimerHihi! Non je n'ai pas le rhume des foins. Mais je suis tout de même quelque peu enrhumé. Rien de grâve.
Je suis tout de même fasciné par ta présence sur mon blogue. Hier, je discutais avec mon frère qui revenait d'un colloque aux États-Unis sur des phénomènes étranges touchant de près ou de loin à la parapsychologie. Il est docteur en psychologie. Il m'a parlé d'un rapport fascinant dont je parlerai bientôt.
Dans notre conversation, il m'a parlé de la télépathie de plus en plus reconnue scientifiquement. Je n'en doute pas puisque j'ai expérimenté le phénomène très souvent. Et ce qui me fascine, c'est qu'elle ne connait pas ce frontière. J'ai pensé alors spontanément à toi. Il m'est arrivé tellement souvent de recevoir ici un de tes messages alors que je venais de pensé à toi. Et je me demandais ce que tu devais, si tu étais encore présente sur ton blogue.
Bonjour Zoreilles,
RépondreSupprimerJe m'inquiétais un peu de ton absence. Ce n'est pas dans ton habitude de demeurer silencieuse. Maintenant, je comprends.
J'ai eu un petit problème avec mon blogue concernant mon mot de passe. Évidemment, c'est réglé. Je ne sais pas s'il y a un ange qui veille sur moi, mais j'aimerais bien. Ma vie est plutôt mouvementée. Ce n'est pas l'action qui manque.
Bravo pour ta brillante contribution au vidéo sur Facebook concernat le film sur les citoyens originaires des Iles-de-la-Madeleine qui ont peuplé l'Abitibi. J'ai bien aimé. Tu as l'air en forme! C'est qui la dame qui apparait à côté de toi?
Bonjour Barbe Blanche,
RépondreSupprimerTu me connais bien. J'ai toujours été une sorte de petit sacrament. J'avoue que dans le vocabulaire à la mode aujourd'hui, on aurait dit que je suis un genre d'hyperactif. Je faisais beaucoup de "mauvais coups" dans mon enfance.
Non, c'est vrai, c'est pas dans mon habitude de demeurer silencieuse, en effet! Si je le suis, c'est qu'il se passe quelque chose d'inhabituel.
RépondreSupprimerIci non plus, c'est pas l'action ni les projets qui manquent, je t'assure...
Une chance que je suis en forme! La dame à côté de moi? C'est ma mère! Elle était tellement émue à la suite de la projection du film, comme beaucoup de gens dans la salle qui recevaient comme un cadeau ce film documentaire. C'est leur histoire qui leur est livrée sur un plateau d'argent.
Elle aussi est en forme, elle aura bientôt 85 ans, comme quoi je peux continuer d'être fière de mes racines... et de ma génétique, hahaha!
Francine,
RépondreSupprimerTa mère est adorable. Je n'en reviens pas comment elle semble en forme pour son âge. Comme tu es chanceuse! Je souhaite me retrouver aux Iles avec Laure en même temps l'an prochain.
Si tu trouves que ma mère est adorable, attends de connaître sa mère, ma grand-mère maternelle, dont je viens de refaire complètement la biographie telle que je l'avais réalisée en 1993, en y ajoutant des photos et quelques minimes mises à jour pour la rendre plus accessible, technologiquement parlant. C'est que les Archives nationales du Québec aux Îles de la Madeleine m'ont demandé ce document (et plusieurs autres) pour constituer un fonds d'archives qui raconte l'histoire des Madelinots en Abitibi.
RépondreSupprimerC'est rare que je fais ça mais je t'invite à aller lire mon récent billet sur mon blogue et je vous offre, à tous ceux qui le veulent, de vous envoyer ce document par courriel si ça vous intéresse de le lire. En fait, c'est l'histoire qui peut être la même que pas mal de monde au Québec, l'histoire des bâtisseurs de pays dans lesquels nous pouvons tous reconnaître nos grands-parents.
Et pour une prochaine rencontre aux Îles, nous n'avons pas encore notre date précise mais nous y allons, Gilles et moi, en avion, en compagnie de sa sœur Céline et Luc, nos grands amis qui sont aussii notre famille, et on prévoit y aller après le 15 août. On aime toujours à rester à la Dune du Sud, à Havre-aux-Maisons. Ce serait chouette de vous rencontrer là-bas, Laure et toi, en effet!
On se reparle à ce sujet, Zoreilles
RépondreSupprimerC'est sûr que nous irons aux Ils. Quand? Comment? Je ne sais pas. Mais sûrement pas en avion. Il parait que la piste est trop courte quand il y a du vent... à moins de sauter en parachute.
Je viens de faire une petite visite sur ton blogue, Zoreilles
RépondreSupprimerC'est tout simplement fascinant. J'imagine tout ce que tu peux ressentir en émotion.
Moi je pense qu'il y a là matière pour un bon scénario de film romancé sur grand écran. L'histoire du pays, ses décors, la beauté de son monde, son univers, les périodes plus tragiques, tout est là.
>jackss: je reviens sur les blogs après quelques mois d'absences. (années?)
RépondreSupprimerCette petite pause un peu imposée ma foi m'a fait le plus bien grand bien et je reviens pleine d'énergie.
Alors à bientôt et j'espère que tout va bien pour vous de l'autre côté de l'océan.
Bonjour Dédé,
RépondreSupprimerC'est très agréable de te savoir de retour. J'ai également été un peu moins présent, mais ce n'est pas l'intérêt qui manque. C'est plutôt le temps et, je l'avoue, il y a aussi le plus faible achalandage. Quoique tout est relatif. Il ne faut surtout pas mesurer l'intérêt par le nombre de commentaires.
Une très bonne connaissance à moi me suivait très régulièrent. Elle l'a fait longtemps à l'Ile de la Réunion qu'elle a habité longtemps après avoir quitté le Québec. C'était une geande amie de ma fille. Depuis peu, elle vivait en Équateur. Elle est décédé bêtement dans un tremblement de terre, avec sa fille. Je l'ai appris à l'occasion d'un bulletin de nouvelle. Le plus ironique, c'est qu'elle avait envoyé un courriel à ma fille le matin même. Elle était alors de bonne humeur et s'était permis de faire de l'humour.
Je suis heureux de te savoir en forme.
Oh Jackss,
RépondreSupprimerquelle histoire en effet! Et je comprends ton état de non panique! Dis-moi, à chaque fois que tu vois du foin, tu dois penser à ça?
Bien étrange mais une histoire semblable m'est arrivée lorsque j'avais à peu près ton âge. Je me baignais dans la piscine de mon oncle quand j'ai soudainement perdu la notion du sens. Je ne trouvais plus le fond de la piscine et j'étais en train de me noyer lorsqu'une grande main m'a accroché par les bretelles de mon maillot et m'a sorti de là. Mon oncle m'a sauvé!
Aussi, il y a 10 ans, un grave accident de voiture qui ma laissé indemne. Faudrait bien que je raconte cette histoire un jour...
Bob week-end! Bizous xxx
Bonjour Nanou,
RépondreSupprimerÉvidemment nos histoires ont plusieurs points communs. C'est toujours intéressant à réaliser. Moi, ça me touche toujours ces coïncidences. Et oui, je crois que ce serait intéressant que tu nous racontes cette histoire d'accident de voiture. Je sens que ça doit ressembler à un petit miracle.
Je ne suis pas très présent ces jours-ci, mais ce n'est pas par manque d'intérêt. On dirait que la vie se charge de nous tenir très occupés, particulièrement avec les années. Une vraie retraite, ça ne semble pas prévisible à court et moyen terme.
Il me semble que je vais attendre longtemps avant de mourir. J'ai trop d'ouvrages.
Mes amitiés, Nanou.
J'espère que tout va bien et que ladite retraite vous laisse quelques moments de répit. Sans doute que la neige arrive aussi par chez vous. Bises de l'autre côté de l'océan!
RépondreSupprimerBonjour Dédé,
RépondreSupprimerC'est bien gentil de penser à moi. Et tu as de bonnes antennes. La retraite ne m'a pas laissé beaucoup de répit ces derniers jours. Et tu ne me croiras peut-être pas: je suis venu faire une léger détour improvisé ici en me demandant si, par hasard, tu te demandais ce qu'il m'arrivait. Je vais revenir un peu plus longtemps ces jours-ci. Ce ne sont pas les sujets qui manquent pourtant!
Le réchauffement climatique fait des siennes. Nous avons eu un peu de neige, mais elle est vite repartie. Le Père Noël a dû célébrer son arrivée sous la pluie.
Bonjour!
RépondreSupprimerJe suis un lecteur régulier de tes articles, j’aime la précision et le ton de tes articles. Bonne continuation et tenez-moi au courant des prochaines publications.