La vie est un prêt qu'il faut rembourser un jour ou l'autre.
Ce n'est pas un don. J.D.
Le hasard fait parfois bien les choses.
Parfois!
Il y a un passage du livre "Sous le noble chêne" d'Anne-Marie Champagne qui m'a particulièrement touché. En 1956, elle a failli perdre son frère unique. Elle nous décrit l'angoisse de ses parents.
Un an plus tard, en 1957, c'est dans ma propre famille que la maladie est venue frapper durement. J'ai hésité un peu avant d'en parler. Un tel événement demeure une expérience douleureuse qui demande une certaine pudeur. Quand je pense au phénomène de la télé-réalité, il me semble qu'il est un peu indécent de vivre les rideaux tirés. Il y a des expériences trop intimes au plan personnel pour les exposer publiquement. Un peu de retenue s'impose. Je le crois.
Par ailleurs, l'expérience de cette épreuve est tellement riche, tellement inconcevable sur le plan de notre logique que j'ai comme le goût de la partager.
Ma soeur Nicole était la 3è de la famille. Elle avait 11 ans. J'en avait 13. Nous n'avions pas 2 ans de différence. Le 6 octobre 1957, je me rappelle m'être beaucoup amusé avec Nicole. Je me souviens même qu'elle avait sauté sur le lit de ma mère comme si c'était une trempoline.
Le lendemain, en proie à une terrible fièvre, elle a perdu connaissance. Elle a dû être transportée en ambulance à l'hôpital. Elle n'a pas repris connaissance de la semaine, étant dans un délire inquiétant. Sa tête était sous une tente d'oxygène.
Le vendredi, 11 octobre, en soirée, elle devint soudain très calme. Elle s'est assise dans son lit après s'être dégagé la tête de la tente d'oxygène. Elle demanda un peigne et un miroir. Elle nous salua tous à tour de rôle. Ma mère, soudain soulagée, crut au miracle. Elle dit à Nicole qu'elle était heureuse de la voir mieux, qu'elle allait guérir et qu'elle la ramènerait avec elle à la maison.
Je me souviens de la suite comme si c'était hier. Nicole répondit à maman avec une lucidité qui m'étonne encore. "Non maman, je ne retournerai plus jamais à la maison et c'est bien comme ça. N'y pense plus, tu vas te faire du mal pour rien. Tout ce que vous pouvez faire, c'est de prier pour moi." Elle demanda un chapelet, un crayon, du papier. Elle écrivit sur le papier: "Je vous salue..." J'avais le papier écrit de la main de Nicole. Je l'ai donné à Yves il y a peu de temps.
Cette histoire est demeurée incompréhensible pour moi. Comment, après avoir perdu connaissance, déliré sans arrêt pendant une semaine, a-t-elle pu tout à coup retrouver une telle lucidité? Un tel calme.
Peu de temps après dans la soirée, elle nous a quittés. On peut comprendre la douleur de ma mère. Je me souviens aussi du reste comme si je venais de le vivre. Yves avait 14 ans depuis 3 mois. Il recommanda à maman de ne pas pleurer. Il dit qu'il avait déjà lu quelque part que le cerveau est la dernière partie du corps à s'éteindre. Il ajouta que c'était notre dernière chance de dire à Nicole qu'on l'aimait. C'était la seule chose qu'il nous restait à faire.
Après avoir vu moi-même la mort de si près, avoir vu Nicole partir avec autant de calme et de sérénité, je ne pouvais plus voir les choses de la même façon. Dans la vie, on peut expliquer bien des choses. Mais il y a quelque chose de plus grand que nous. Je ne peux l'expliquer, mais j'en ai le profond sentiment.
Je me souviens très bien de ces tristes moments. J'étais couché dans mon lit lorsqu'on me demanda subitement de me lever. La pièce on l'on dormait était très sombre et il devait-être environ 8hrs du soir. Je ne comprenais pas pourquoi on me sortait du lit comme ça. J'appris que je devais me rendre en taxi avec ma sœur Micheline. Je lui avais alors dit que j'étais bien content et que l'on pourrait bien s'amuser avec Nicole. Je devais bien avoir environ 9 ans.
RépondreSupprimerLe moment de joie fût bien bref puisque Nicole était couchée dans ce lit sous une toile d'oxygène. Elle semblait inconsciente et je pouvais voir le soulèvement de ses poumons respirer difficilement.
Je me suis dirigé rapidement avec Micheline dans une chambre alternante à la sienne. C'était trop pour moi et je me suis mis à pleurer comme un enfant de 9ans peut le faire. L’idée de retourner la voir dans la chambre me faisait peur tellement j’avais mal.
Je réalisais que mon rêve de jouer avec Nicole était vin et que je ne rejouerais jamais plus avec elle.
Je réalisais pour la première fois de ma vie que la vie n'est pas éternelle.
J'ai repris espoir quelques jours plus tard (environ 6 jrs) lorsqu’à ma grande surprise, elle nous salua tous un à un en prononçant notre nom. Je n'en croyais pas mes yeux.
Ce moment d'espoir ne dura qu'un instant.
Je me rappelle que maman était à ses côtés tout près du lit. Elle lui a donné le crayon et le bout de papier. Sur celui-ci, elle avait écrit Je vous salue... Elle mit sa main sur le l'épaule de maman et lui déchira la robe. Le dernier soupir de Nicole venait de nous frapper. Je n'ai jamais oublié ce moment. Ma mère venait de perdre sa fille ainée et moi ma grande sœur
Bonjour le rêveur,
RépondreSupprimerCe que tu racontes me touche. J'ai ouvert ce blogue par hasard. Ce que tu racontes vallait à lui seul de l'avoir fait.
J'ai souvent reparlé de la mort de Nicole, à des amis. Mais je ne me souviens pas que nous l'ayons fait entre nous. C'est comme si j'avais voulu me protéger émotivement en ne conservant que mes propres souvenirs. J'ai bien aimé t'en entendre parler, voir comment tu l'avais vécu.
Tu me donnes l'occasion aussi de voir que mes souvenirs sont bien intacts. Le papier de Nicole m'en donnait l'occasion. Mais c'était tout.
Tu me rappelles aussi quelque chose. La première fois que j'ai su que la mort existait, c'est à Granby. J'avais 5 ou 6 ans. Nicole dormait. Yves a essayé de la réveiller. Il a eu de la difficulté à le faire. Lorsqu'elle s'est éveillée, il a dit: "Ouf! Je me demandais si elle était morte". Je ne connaissais pas ce mot. Alors il m'a expliqué ce que c'était la mort et que ça nous arriverait tous un jour. Ça m'a effrayé.
Une semaine avant la maladie de Nicole, j'avais rêvé que Niole était morte et que nous avions été la voir au Salon funéraire. C'était ce genre de rêve tellement fort, tellement vrai qu'on a de la peine à croire que ce n'était qu'un rêve...
Toi, le rêveur, tu dois me comprendre.
Je me sens un peu voyeuse d'assister, émue, à la lecture de ce billet d'abord, puis, à l'échange qui vient de se dérouler, juste là, sous mes yeux.
RépondreSupprimerJe repars sur la pointe des pieds en vous disant merci. Pour tout.
Zoreilles,
RépondreSupprimerJ'ai bien pensé à ce que je faisais avant de partager cette expérience assez intime.
C'est donc de façon bien réfléchi que je l'ai fait. Au plan humain, il y a parfois des événements qui nous dépassent. Et je crois qu'il est bon de les partager pour cheminer. La tendance toute naturelle est de ne pas en parler. Il y aurait peut-être avantage à le faire.
J'ai vu cette réflexions dans quelques livres flyés que j'ai lu. Et à plusieurs occasions, on faisait état de phénomènes inexplicables que j'avais connus personnellement. Je suis incrédule de nature. Il y a donc des événements d'autant plus intriguants.